This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at |http : //books . google . corn/
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer r attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
À propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse ] ht tp : //books .google . corn
~T)t
IT:;*
i
\
M : R OBE S riEIlllE .
LES C R I M HS
xT >
DE ROBESPIERÉE,
*^ ET DE ^^^^ ^ ,
SES PRINCIPAUX COMPLICES;
Leur supplice ;la mort âeMARAT ; son
apothéose ; le procès et le supplice
de Charlotte Corda Y.
TOME PREMIER.
A PARIS,
Chez Dbs Essauts , Libraire , me dn Théâtre
Français , N.** 9 y au coin de la Place!
An y. (1797 V. St.)
^-
ta MBW T«RK
PUBLIC in ART
B 1911 h
Je y^is tracer l'histoire du plus hypocrite »
«lu plus lâche . ^t du plus féi^ce des mons-
tres qui ait paru Eux la scène du monde poiir
le malheur de Phumanité.
La postérité pourra - 1 - elle croire que la
France ait gémi pendant dix-huit mois souft
la verge de fer du plus vil des scélérats ^
sous Texécrable " tyrannie de Ilobespien*e ?
Cependant nous pouvons dire, avec un
sentiment pénible y que ce qui paroîtra in-
vraisemblable à nos neveux , est devenu pour
nous une affreuse vérité.
Français ! hommes de toutes les nations !
ayez le courage de lire ' cette épouvantable
histoîi'e. Mettez ces leçons terribles du crime
entre les mains de vos en fans y pour qu'elles
^. inspirent k la postérité la plus reculée Thor-^
*^ reur de l'anarchie . Vingt fois , en esquissant
-^ €0 tableau ^ 1 a plume m'est tombée des mains ^
^ «t je n'aurois jamais eu le courage de finir ce
_S travail , ëi l'idée d'être utile à l'humanité ne
^ m^eut soutenu. Mais > me suis-je dit y Robes*.
r^ pierre a porté, les coups les plus terribles à
^ la morale publique et à toutes les institutions
^ sociales ; il importe donc , pour, éviter ai^x
'^'générations futures le retour des malheurs
\ dont nous ayons ete temoius ou victimes y
de buriner en ^ cajactères d'airain i'hisroîre
de la tyrannie de cet impudent dominateur
des Français. C'est ce qui m'a détermina à
entreprendre cet ouvragé.
J'ai présenté dans le premier volume le ^
tableau de la vie et des crimes de Robes-
pierre ; dans le second , des détails histo-
riques sur les crimes de ses principaux com-
plices , des Couthon , Saint -Justj Dumas,
Tayan, Henriot , Coffinhat , qui ont partagé
«on supplice ; enfin , j'ai déposé dans le ti-câ-
sième volume , le tableau des crimes de Ma-
rat, de sa mort , de son apothéose , et/le dé-
tail des circonstances qui ont accompagné fe
procès et le supplice de Charlotte Cordajj
Des Essarts.
Pr/cis
PRÉCIS HISTORIQUE
DE LA VÏE.ET DES CRIMES'
DE ROBESPIERRE.
l^UAND on Voit,, dans tous les pays et
dans tous les siècles ^ des liommes «é-»
duits /par Tambition, aspirer de toutes
leurs forces au pouvoir arbitraire , n e-
pargner aucun crime pour l'obtenir , I0
désirer le plus souvent en raison de leur
incapacité pour Fexercer; Tesprit s'é-
puise à chercJier (juels charmes offra
donc la tyrannie , quels sont les appas
qui attachent à 5a poursidt^ , malg^ré les
forfaits de tout genre qui ep défendent
rapproche, et dont il JFaut nécessaire-
ment se souiller pour )r parvenir» _
Quel mortel en effet, ayant reçu un
cœur d'homme , peut songer sans ef-
froi qu aussitôt qua les lois se taisent e|>.
Tome /« A
H C R I M B t
pr^ence d'un tyran , tous les hommes
deviennent ses ennemis naturels ; enne-
mis implacables dont la haine active ou
concentrée doit empoisonner sa vie , et
remuer encore ses cendres pour flétrir
à jamais sa mémoire : que ses maux de-
Tiennent la consolation de ceux qu il a
opprimés : qu'abhorré de tous , il finit
par se détester lui-même , et que lors-
que la justice vengeresse de ses forfaits
Farréte et le saisit , il voit , en fermant
sa. paupière , le sourire de la joie sur la
bouche même de ses satellites , et le pr^
sage de la malédiction publique qui
doit accompagner et «uivre son ji^sté
supplice?
Tel fut et tel sera toujours le sort des
tyrans; l'histoire a prouvé ces vérités
terribles ; heureux si elles eussent eu le
pouvoir d'épargner à la France tes mal-
heurs causés par la plus épouvantable
tyrannie qui fut jamais , et d'arrêter dès
lès premiers pas le plu^ affireux des scé*
y)E ROBBSPIBR ll,S. S
lérats dont nous allons écrire riiistoirei
et tracer les forfaits.
Pour dével<ipper la tyrannie dans
toute sa noirceur, il falioit réunir au
caractère d'un ambitieux le cœur d'un
profond scélérat, et le ciel anima Ro-
bespierre pour présenter tous ces vices
dans un seul individu.
Il étoit natif d'Arras. Privé des avan-
tages de la fortune , il dut son éduca-
tion aux bienfaits et aux libéralités de
quelques personnes , qui voulurent ver-
ser sur le fds d'un citoyen veicueux , les
finuits de lestime que Robespierre père
leur avait long - temps inspirée. U fut
envoyé dans un des collèges de Paris ,
où Ion av(Ht obtenu pour lui uno
bourse.
Ses sucrés dans les élémens des scien-
ces , justifièrent et les soins qu'on pro-
diguoit à son éducation , et ce qu oa
avoit droit d'attendre de lui. Il fit ce
qu'on appelle de bonnes études : on
A a
4 Crime*
nauroit eu rien à lui reprocher dan»
«es premiers momens de son existence,
ii son caractère eut été aussi flexible
que son esprit étoit prompt à conce-
voir. Mais il étoit mutin, opiniâtre,
dédaigneux', jaloux, et. c'est avec ces
vices , renforcés encore par lorgueîl
que lui avoient inspiré ses succès , qu'il
reparut devant ses bienfaiteurs d'Ar-
Vas , qui Taccueillirent avec bonté et se
proposèrent de lui ouvrir la carrière du
barreau , comme étant celle qui conve-
ïioit le plus et à ses talens et à la profes-
sion que sa famille es^erçoit depuis long-
temps.
Il fut en conséquence renvoyé à Pa*
ris pour y faire son droit ; mais il ne
réussit pas dans cette carrière comme
Tavoient espéré ses pareus et ses aiiiis.
Quoiqu'il fut reçu avocat ,' il ne fit rien
qui parut le conduire à la célébrité ; il
jresta confondu dans la xlasse obscufe
â^ ceue u^iltitùdâ d'avQcats ^lû aloii
i>B Hobespieuhc. 5
«ssiégebient à Tenvî les salles du palais^
pour y choisir des modèles , sans avoir
les moyens de les imiter. Il céda au dé-
couragement qui s'empara de son ame ,
et revint à Axras , dans Fespoir au moins
de briller sur un théâtre concentré ,
puisqu'il n'a voit pu réussir à se faire
remarquer dans la patrie des talens et
des beaux arts.
Rentré dans ses foyers , il s'y livra à
rintrigue ; il cherdia à obtenir , par Tin^
fluence des coteries , ce qu*il ne pou-
Voit obtenir de ses foibles talens. C'est
à cette manoeuvre qu'il dut d'être char-
gé d'une affaire , dont l'objet bizarre
fixoit Tattemion générale dans sa pro-
vince : il s'agissoit des paratonneret
que les-habitans de la ville vouloient
avoir sur leurs maisons, et que les ha»
bitans de la campagne proscrivoient.
Un procès très -sérieux s etoit élevé à
ce sujet. Robespierre fut chargé de
|>lai(ier pour les habitans de la viUe |
6 , C R I M B s
c'étolt line occasion d'éclat : il y em*
ploya tous ses moyens ; mais des pré-
tentions aux succès il y a souvent une
grande distance ; Robespierre réprou-
va. Il fit un mémoire qui le perdit dans
l'opinion de ceux qui lui supposoient
des talens , et qui l'exposa aux railleries
de ses ennemis. Il s'étoit engagé dans
des dissertations de physique qui com-
promirent ses lumières dans cette par-
tie , et convainquirent tous les bons es^^
prits de sa présomptueuse ignorance.
Depuis cette époque il resta, pour ain-
si dire , accablé sous le poids de son im-
puissance , et il se perdit dans une obsr
curité qui le fit presque totalement ou-
blier de ses compatriotes.
Ce ne fut que vers le temps où lan-
iionce de la convocation des Etats-Gé-
néraux réveilla toutes les ambitions , et
divisa la France en mille partis , que
Robespierre se reproduisit aux yeux de
ses concitoyens pour briguer leurs suf-
BE.ROBSSPIERIIB. J
frages. Après quelques tentatives inu-
tiles auprès des habitans d'Arras , il se
tourna du c&té des habitans de la cam<-
pagne , et il réussit à se faire nommer
député par cette classe d'hommes , que
si souvent Fintrigae a rendu les instru-
mens des plus noirs forfaits, en trom»
pant leur bonne foi , et en surprenant
leur aveugle crédulité.
C'est ici que commence à se déve-
lopper le caractère de Robespierre. Ar«
rivé à Versailles, il se jeta, comme par
instinct , dans le parti qui , de loin , {u-è-
pe^it la désorganisation de la France \
et sans y )ouer d abord un grand r61e,
il s y lit connoltre par ime entière dé-
férence auxepinions et aux principes
qui dévoient dans la suite serrir die base
au triomplie de ranarchie et du crime.
Quant à ses moyens à la tribune de ras-
semblée constituante, ils furent plat6t
une source de disgrâce pour lui , qu^une
occasion de gloire et de célébrité : les
ê Crimes^
grands talens qui $e trou voient réunis
dans cette assemblée la voient jeté à une
telle distance , qu'il ne dût qu*à la sin»
gularité de ses idées d'éti:e remarqué.
Ceux qui Tout observé dans les deux
époques principalesde sa vie politique ,
c e&t-à-dire , lorsqu'il exercoit les sim-
ples fonctions de député à l'assemblée
constituante , et lorsqu*il dictoit , en ty-
ran , ses Volontés au< sein de la conven-
tion nationale,, ont rémarqué en lui ,
comme deux hommes aussi différens
l'un de l'autre, que le .rôle qu'il rem-
pliait dans ces deux cireomtahces , «e
^ressembloit peu: Robespierre , à l'assein*
blée constituante ^ étoit un député ti-
mide, qui ïiabordoit, pour ainsi dire,
latribune^u'en tremblant , qui n'y pro-
noiiçoii que des phrasesxLécousues , où
perooient l'ignorance et le mauvais goftt,
et qui en desc^doât presque toujours
SLU milieu du rire qu'excitoit son espèce
d'idiotisme. ïfavoit, à cette épocjue»
«ne voix aigre et désagréable , une sor-
te de difficulté dans la prononciation y
^es gestes brusques et sans grâce , un
regard mal assure , et une contenance
convulsi ve. Plus d'une fois sa seule pré-
sence à la tribune avoit suffi pour appe-
ler sur lui les plaisanteries les plus mor-
tifiantes; si on Fécoutoit, c'étoit dans
lattente de quelque idée ou de quel-
que mot dont on s'égaioit d^avance. —
Il est brillant et inépuisable co?nme la
chandelle d'Arras , disoit-on , en l'en-
teïidant. On voyoit même ses partisans
mêler leur. sourire dédaigneux aux ri-
dicules humilians-, dont le couvroient
ailleurs ceux qui ne Festimoient pas , et
le désavouer , pour ainsi dire , comme
un homme capable de coi^promettre
riionneur de sa faction.
Quels efforts n'avoit-il pas dû faire
«ur lui-même , pour triompher à la fois
de tant de ridicules , et parvenir aw
point où il s'est montré à la conventioa
10 Crimes
nationale ? Car , nous ne serons pas dv
nombre de ceux qui lui contestent toute
espèce de talens , et s attachent à le pein-
dre aussi dépourv^u de moyens, qu'il
étoit féroce.
L'assemblée constituante fut pour
Robespierre une école , où son ame or-
gueilleuse et vaine., sans cesse irritée
par le spectacle des grands talens , et
par les mépris qui sembloient le pour-
suivre , se forma à un goût meilleur et
à des formes oratoires plus séduisantes.
Un de ses amis lui ayant témoigné son
étonnement de ce qu'il ne se montroît
plus à la tribune : — < Je fais comme Dé-
mos tliéne , lui répond-il , je m'essaie à
parler. — En effet , son silence fut très-
long , et lorsque sur la fin de la session
de l'assemblée constituante , il se repro-
duisit à la tribune , on observa qu'il s'é-
toit fait en lui un changement qui sur-
prit aussi agréablement ses amis , qu'il
étonna ses adversaires.
B s Robespierre. ii
Mais ce qui avoit surtout contribué
à ce changement de Robespierre , c'é-
toient les succès e&ayans de la faction
anarclûque dont il étoit membre , et
rinfluence qu'il avoit acquise sur les
brigands soudoyés par cette faction ; il
coimnençoit à avoir alors le sentiment
de ce qu'il pou voit à l'aide de cet ap-
pui , et fier de cet encouragement , il
oioit se livrer à l'audace de ses concep-
tions, et dépouiller la timidité qui d'a-
"b'ord ràvoit rendu si niais et si ridicule.
Il termina sa carrière à rassemblée
constituante , avec ime espèce d'éclat :
la révision de l'acte constitutionnel mo-
narchique , lui fournit l'occasion de se
déchaîner souvent contre les partisans
de la cour qui lui paroissoient sacrifier
les intérêts de la liberté à ceux de l'au-
torité royale. Il sortit de l'assemblée
avec le titre d'incorruptible que sa fac-
tion lui donna ; et après avoir joui pen-
dant quelques jours à Paris de la popu-
larité qu'il avoit acquise , il songea à sé
retirer à Arras , pour sç délasser , au sein
de sa famille , des fatigues de la carrière
qu'il venoit de .parcourir, et goûter les
douceurs du triomphe que lui prépa«;
roient ses partisans et ses amis.
Ce triomphe que Robespierre se pro*
posoit d'afficher dans sa ville natale , et
au milieu de ses concitoyens, étoit dans
ce moment la suprême ambition de son
cœur ; aussi ne négligea-t-il rien pour
le rendre aussi éclatant que les circons-
tances pouvoient le permettre. Depuis
quelque temps il avoit annoncé son re-
tour prochain à une de ses antiennes
maîtresses , en lui confiant le vœu se-
cret de son amour -propre. Celle-ci
avoit en conséquence réuni tout ce que
la ville d^ Arras renfermoit alors de va-
gabonds et de partisans de Fanarcliie ,
et , de concert avec le frère de Robes-
pierre et ses sœurs , elle avôît disposé la
pompe SiV^eo laquelle l'incorruptible re-
présentant
DE Robespierre. \S
présentant du peuple devoit être ac-
cueiUi dans sa patrie.
Robespierre fit son entrée à Arrai
vers le commencement du mois d'oc*
tobre 1791. C'étoit Tépoque où quel-
ques bataillons de la garde nationale de
Paris étoient cantonnés à Bapaume , pe-
tite Ville distante de cinq lieues d'Ar-
ras; quoique cette commuJie ne fut pas
sur la route que Robespierre devoit na-
turellement suivre pour se rendre dans
ia patrie , la certitude d'y trouver ime
escorte imposante , l'engagea à y pas-
ler ; il ne se trompa pas dans son atten-
te; plus de deux cents jeunes militaires^
tant officiers que soldats, après avoir
été le complimenter à l'auberge où il
étoit descendu , s'offrirent à lui servir
de cortège , et sans attendre sa réponse ,
entourèrent sa voiture , et s'a€heminè«
fent avec lui vers Arras.
Vingt d'entre eux des mieux montés ,
leprécédèrcnt , et allèrent annoncer son
Tome I. B
i4 C a I M E i
arrivée prochaine : il étoit rteuf hetires
du soir ; aussitôt ses partisans s^agitent,
courent les rues comme des forcenés y
et commandent aux citoyens d'illumi-
ner leurs maisons. Beaucoup obéissent ;
ceux qui se refusent à cet ordre impé-
rieux, ont leurs vitres cassées , et dans
un instant la plus grande agitation rè-
gne dans la ville d'Arras ; enfin , le cor-
tège que la fidelle maîtresse a voit pré-
paré depuis plusieurs jours , s'avance et
marche sur la grande route au devant
de Robespierre. Il étoit composé d'un
groupe de vieillards portant des cou-
ronnes civiques, d'un coeur de femmes
vêtues de blanc , et d'une troupe d'en-
fans chargés de répandre dés fleurs. On
avoit préparé des éloges , des couplets^
et surtout des imprécations contre ceux
qui ne reconnoitroient pas l'incorrup-
tibilité de Robespierre.
, C'est au milieu de cette pompe que
ce vil ambitieux rentra dans sa patrie.
SX Robespierre. i5
Malheur à ceux des habitaxis qui eurent
le courage de ne point céder aux or-
dres de la multitude , et de ne point il-
luminer leurs fenêtres ; de son regard
féroce il parcourut toutes les maisons y
marquant , pour ainsi dire , celles qui
ne lui ofFroient pas des signes d'allé-
gresse : funeste présage des proscrip-
tions qui dévoient frapper les plus hon-
nêtes familles de cette malheureuse
ville , pour les punir de n'avoir pas ren- ^
du hommage à sa présence , et célébré
son retour comme l'événement le plus
heureux et le plus honorable pour leur
patrie!
Le séjour que fit Robespierre à Arras
fut une épouvantable calamité pour tout
le pays» C'est alors qu'il forma les lée-
bon , et toute cette race d'assassins des-
tinés à dépeupler , dans la suite, le nord
de la France. Attentif à éviter tous les
hommes éclairés et sages , il h'admet-
toit dans sa société que ceux au miUeu
B a
iG C n I M E s
desquels ilpouvoit impunément répan-
dre ses maximes odieuses. Quand le ha-
sard le plaçoit avec des Jiommes ins-
truits , il s'enfoncoit dans un silence
morne et profond , qui , sans convain-
cre de son éminent savoir , lui attiroit
quelquefois des plaisanteries ou des
av.entures piquantes : en voici une.
II étoit un jour placé à table à côté
d'un militaire qui avoit la tête échauf-
fée par le vin et par là gaieté ; on par-
loit de politique , et chacun s'évertuoît
à;^on aise : Robespierre étoit le seul qui
parut ne prendre aucune part à la con-
versation. La discussion étoit animée et
vive : comme on ne pouvoit s'enten-
dre , le militaire , se tournant brusque-
ment vers Robespierre qui étoit enfon-
cé dans sa chaise , le prit par le milieu
du corps , et Félevant malgré lui , —
Messieurs , dit-il , je fais la motion qu'il
soit oi'donné à Robespierre de parier ,
«t de juger le point qui nous divi$e^
1)1 ROBÏSFIEKRS. 17
qiie ceux qui sont de cet avis lèvent la
inain. • — Tous les convives s^eiiipres-
sèrent de lever la main. Confus , liumi*^
lié à l'excès de cette incartade , Robes-
pierre balbutia quelques mots. — Al-
, Ions donc , qui ma f * * un liomme com-
me ça, répliqua Tofficier, en le laissant
retomber sur sa chaise , on ne sait ja-
mais s'il est content ni ce qu'il pense.
•— Buvons , ajouta- t-il, en s'adre&sunt à
la compagnie ; mais ne buvons qu'aux
francs et joyeux Français. Ce malheu-
reux militaire a été guillotiné à Lille
deux ans après.
Robespierre après avoir séjourné à
Arras autant de temps qu'il le falloit
pour s'y former un parti , revint à Paris
pour y exercer les fonctions d'accusa-
teur public auprès du tribunal criminel
du département de Paris; il se dégoûtéi
bientôt de ce ministère , qui le plaooit
dans un cercle trop étroit , et donna sa
démission, en alléguant que rintérôt
i8 Crimes
du peuple Fappeloit à un emploi bien
plus important , celui de surveiller les
ennemis de la liberté , et de les dénon-
cer à Topinion publique ; c'est alors
qu'il se mit à faire un journal.
Le succès qu'eut ce journal parmi les
hommes simples , qui sont si faciles à
égarer , alarma tous les bons citoyens-
L'anarchie et la sédition y étoient prê-
ches à chaque page ; les principes les
plus destructeurs de Tordre social y
étoient célébrés : c'étoit, avec d'autres
phrases , le système tout entier àe Ma-
rat. Mais ce journal lui acquit une
grande popularité , et dés ce moment
il se vit en^état de jeter les fondemens
de la tyrannie , qui- va se développer
maintenant à grands traits. Pour être
plus à portée de diriger les manœuvre*
A^ chefs de la faction anarchique qui
gouvernoit la société des Jacobins, Ro-
bespierre s'étoit logé à côté de cet an-
tre du crime. Il partagcoit tout son
DE ROB ESP lEHR ^. I9
temps entre les séances publiques de
cette société, et les conciliabules se-
crets qu'il tenoit avec ses complices ,
pour préparer de loin les tempêtes qui
dévoient éclater.
C'est à cette époque que Ghaimiette
et Hébert commencèrent à faire du
bruit* Celui-ci s'étoit approprié le titre
d^une feuille périodique que composoit
un employé aux postes y sous le titre de
Père Duchêne. Hébert, par son impu-
dence et son cynisme, fit entièrement
oblier son modèle. L'emportement avec
lequel Chaumette et Hébert prêchoient
dans leurs écrits le désordre et l'assassi-
nat , leur acquit un grand crédit dans le
club des Gordeliers „ et leur valut en-
suite une place parmi les membres de
la Commune du xo août. Voilà l'origine
et la cause de cette renommée, qui^
pendant quelques mois, fit de ces deux
scélérats deux fléaux de la France*
. Lâche par caractère , Robespierre n«
20 Crimes
joua quHm rôle passif au miKëu des
orages qui environnèrent la seconde
assemblée nationale.
Il ne fat présent à aucune des jour-
nées du 20 juin , du 10 août , des 2 et 5
septembre.
On se rappelle que le 2 septembre le
carnage commença vers les cinq heures
après midi. Les prisonniers , à qui chez
tous les peuples policés le malheur im-
"prime un caractère sacré , furent égor-
gés avec des rafinemens de barbarie ,
4iont le souvenir soulève lame et fait
presque rougir d'être homme.
Ce massacre fut le prélude des élec-
tions* Pendant cette époque désastren-
«e , la faction de Philippe et celle de
Maximilien restèrent ccmstamment
unies , parce que la seconde avoit be-
soin de lor de Philippe , et la pre-
mière dés forfaits de la seconde. Tou-
tes les deux portèrent chacune leur
chcfparmi les députés à la convention
»E R O B E S P I E R R 1. 21
nationale. D'Orléans et Rob3spierre fu-
rent nommés députés par le départe-
ment de Paris.
La convention nationale commença
ses séances le 21 septembre 1792, et
pcir le pr-emîer décret qu'elle rendît ,
elle abolit la royauté en France ; mais
comme eh anéantissant la royauté , elle
n'avoit point déclaré de quelle manière
la chose publique seroit désormais gou-
vernée , les factieux en conclurent qu'il
leur de viendroit aisé de pro uver au peu-
ple que la Franèe n'en mériteroit pas
moins le nom de République , si *ello
étoit gouvernée par un régent , un lieu-
tenant-général , un dictateur, ou des
triumvirs.
^ Les complices de Robespierre se hâ-
tèrent donc de jeter dans le publix: l'i-
dée d'un dictatoriat ou d'un triumvirat.
Dès les premiers -jours de la conven-
tion y les murs de Peiris furent couverte
à'aik placard , où Ton disoit que U
22 Crimes
France ne pouvoit être sauvée que par
un triumvirat. Les factieux parurent
ensuite préférer le dictatoriat , et dans
divers conciliabules , dans la plupart des
.groupes , on parloit assez ouvertement
de donner cette suprême magistrature
à Robespierre.
Ces manœuvres alarmèrent plusieurs
députés , et Tun d'eux dit : « Il existe un
» parti qiii veut écraser la convention
» nationale, et élever sur ses débris la
» dictature. Ce parti est celui qui donne
» des ordres arbitraires , qui a décerné
» des mandats d*arrét contre huit de
» mes collègues à l'assemblée législa-
» tive, qui soudoie des brigands pour
» le pillage, des assassins pour le meur-
» tre, et ose imputer au peuple les for-
» faits qu'il commande Dussé-je ,
» en sortant d'ici , périr sous les coups
» de ces traîtres, je ne me contenterai
» pas d'avoir soulevé le voile qui les
» couvre ; encore quelque temps, et je
*> les démasquerai ».
DE Robespierre. a3
Rébecqui, député de Marseille, s'é-
cria alors : «t Le parti qui veut établir la
» dictature, c'est le parti de Robes-
rr pierre ; je vous le dénonce ; il est con-
n nu à Marseille, et c'est pour le côm-
» battre que nou3 avons été envoyés
» ici ».
Danton ayant sommé Rébecqui de
signer cette accusation, celui-ci s'élan-
ça au bureau pour la signer. Dans le
même moment , Barbaroux , autre dé-
puté de Marseille , parut à la tribune ,
et dit :
« Je me présente pour signer la dé-
» nonciation faite par le citoyen Ré-
» becqui cohtre Robespierre. Nous
» étions à t^arls avant et après le dix
» août ; . . . . nous avons été recherchés
» à notre arrivée par les partis qui di-
» visoient la capitale. On nous Ut venir
» cliez Robespierre ; on nous dît là qu'il
» falloit se rallier aux citoyens qui
» avoient acquis le plus de popularité.
34 ^ Crimes
» On parla de créer une dictature ; et
» Panis nous désigna nommément Ro-
. » bespierre , comme Tliomme vertueux
>» qu'il falloit y élever. . . • Voilà ce que
» je signerai ».
Plusieurs députés , entr autres Cam-
bon , ne parlèrent pas avec moins de
force contre la faction de Robespierre ;
3s en dévoilèrent les artifices , lui attri-
buèrent les massacres des a et 3 sep-
tembre.
Robespierre se défendit en faisant va-
loir la réputation de patriotisme quil
«'étoit acquise. « Eh ! laisse-là , lui crié-
» rent Osselin et Lecointre-Puiravaux ,
» ta vie passée , et dis. franchement si
» tu veux la dictature » !
Dans ce discours , Robespierre s'ex-
prima ainsi sur les massacres des a et 3
septembre ; « Les coups portés par les
» patriotes sur les tètes les plus coupa-
yy blés , ne sont pas des crimes atroces »,
Quant au fonds de Téiccusation , Ro-
bespierre
bespierre divagua. « Vous qui m aves
» accusé, s'écria -t -il, quels sont vos
*> faits , quelles sont vos preuves ? Qui
» vous a donné le droit d Intenter uns
» telle accusation contre un iiomme
» qui n'a pas démérité de son pays?
» Vous m'avez accusé , inâîs je ne vous
» tiens pas quitte ; vous la motiverez ,
» cette grande accusation ; cotte gran-
»' de cause sera discutée ; ell»:; (e sera, je
>• l'espère , en présence de la Nation en-
» tiére , au sein de la convention Uiitio-
» nale. Et ne croyez pas, Metsieurs ,
» que sans nous connoitr»^ ho us puis-
» sîons marrlier d'uft pas égal vers la li-
» berté , vers le salut public : non , il
» faut savoir si nous sommes probes ^
» ou s'il y a parmi nous des traîtres ».
Pendant les débats , les membres de
la députation de Paris ayant été incul-
pés, Danton, qui trou voit l'apologie
prononcée par Robespierre insignifian-
te, crut devoir répondre lui-même à
Tome L G
^5 : C R I M K » .
Taccusation. , « Dut , s'écria-t-îl , cette
» accusation faire tomber la tète de
» mon meilleur ami , il faut que la Na-
» tion Française soit vengée ; mais on
» calomnie la députation de Paris j il
» n y a point de solidarité entre les
» hommes , ni poui: les crimes., ni pour
» les bonnes actions.
» Quant à moi , continua- t-il , il y a
» long - temps que je désire rendre
» compte de ma vie politique. Je n'ai
» jamais cessé de marcher sur la ligne
» des plus vigoureux, défenseurs delà
» liberté. . . . Aucun intérêt personnel
» na jamais déterminé ma conduite;
» que mes voeux pour la chose publi-
» que soient rempli^, et mes yeuxsou-
» vent tournés vers le département qui
n fut mon berceau , le reverront bien-
» tôt. S'il est un seul.homme qui, dans
» ses rapports avec moi , m'ait jamais
» surpris dans quelques vues , dans quel-
j> ques mouvemèns d'.ambition iqdivi-
i
DE ROBESPIEAAIS. Vj
^ duelle , qu il se lève et me déi\pnce....
» Assez et trop long-temps on ui'a ac-
»» cusé d'être Finstigateur des placards
M et autres écrits de Marat ; mais j'in-
» voque à cet égard le témoignage du
» président de la conrention ( Pétion)r
ï» Il m'a vu souvent aux prises avec
••> Marat , à la Commune et dans les co-
•* mités de la municipalité ».
Ces observations ne prouvoîent pas
qu'il ne fût point question de substituer
. la dictature à la royauté. Marat fit ett
effet la déclaration suivante.
« On accuse , dit-il ^ la députation de
» Paris d'aspirer au tribunat.... Au mi-
» lieu des pièges , des machinations dont
. » la patrie est sans cesse environnée ; à
» la vue des menées secrètes des traitres
•> renfermés dans l'assemblée constitu-
» tive , dans la législature ; lorsque fài
i> vu la patrie entraînée au bord de Ta^
» biïne , me ferez - vous un crime d^
» m'étre servi du uevl moyen qm mé
a8 Crimes
« restoît , pour Tempéclier d'y être pré»
» cipkéei' Me f<'Tez-vous un orime d a-
» voir appelé, sur la tête des coupa,l>le«
5> la hac^ie vengeresse du peuple ? . . . .
» J'ai propos*^ un homme sage à la tèttt^
» du peuple ^ pour diriger ses mouve-
3» raens , sous la dénomination de tribun
>ï du peuple , de dictateur ou de triiun*
^ vir, le nom ny fait rien,
» Telles sont mes opinions ; je les ai
» imprimées j j'y ai mis mon nom ; je
» les défends , et je n'en rougis point.
» Si vous n'êtes pas encore à la hauteur
» de m'entendre, tant pis pôurvotia;
» les troubles ne sont pas Hnis ; . . . . lei
9 troubles et l'anarchie n'auront point
» de fin ».
A cette époque le parti de Robes-
pierre étoit très -puissant : lui-mém«
jouissoit d'un grand crédit dans la so-
ciété des Jacobins. A l'aide des corres- '
pondances de cette société , son nom
â'étoit répandu au loin. Tous ceux qui
DE Robespierre. 29
n'avoient rien à perdre et ne désîroîent
que la continuation du désordre , le re-
gardoient comme leur chef. La Com-
mune de Paris lui étoit dévouée.
Hébert redoubla dans cette circons-
tance de férocité dans ses écrits. Un
autre journaliste qui demandoit , dans
chacune de ses feuilles, neuf cent mille
têtes , faisoit afficher des placards , où
Ton lisoit ces mots :
« Une seule réflexion m'accable ,
» celle que tous mes efïbrts pour sau-
» ver le peuple , n'aboutiront à rien
>» jdans une nouvelle insyrrection. A
» voir la trempe des députés à la con-
» Vention nationale , je désespère du
» salut du peuple. . . . N'attendez plus
» rien de vos députés. (Vous étesper-
» dus pour jamais : cinquante ans d'a-
» narchie.vous attendent »,
A la même époque , des orateurs de
cette faction par/:ouroient les grou-
pes , provoquoient au meurtre, et pu-
3® Crimes
blioient des listes de proscription. Com-
me dans tous ces mouvemens , qui tenr
doient visiblement à comprimer les
esprits par la terreur , il étoit toujours
question d'investir Robespierre de la
dictature , il Se fit contre lui , le 29 oc-
tobre 1792 ; un nouvel effort dans la
convention nationale. Louve t monta à
la tribune , et prononça le discours sui-
vant :
« Je vais vous dénoncer un complot
» qui vous étonnera , vous tracer des
» scènes affligeantes dont votre huma-
» nité gémira , et vous dévoiler des
» coupables contre lesquels je vous
» prie de suspendre les effets de vôtre
» indignation. Je vais ne ns^énager per-
» sonne , et vous dire la vérité ; je vaij
» toucher directement le mial , et sans
.^^ doute Foh criera. . . .
» Ne vous alarmez point pour les
« malades , s'écria Danton à l'orateur ^
» mettez le doigt dans la blessure !m»
DE ROBBSPXÏKRK. Si
» Je vais , répondit Louvet , porter
» le doîgt jusqu'au vif ; mais ne crie«
a» pas d avance. Des conspirateurs , con-
,>r tinue-t-il , ont formé le projet de per-
» pétuer les désordres de la république,
» d'avilir les représentans du peuple ,
» de renverser notre liberté , et fonder
» sur ses débris Tautorité d'un dicta-
*> teur : l'origine de cette conspiration
» détestable remonte à l'époque du
» mois de janvier dernier ; c'est alors
•» que l'on vit les galeries des Jacobins
» composées d'une centaine de spec-
» tateurs , dont on étoit sûr devancer
» de recueillir -les applaudissemens f
» c'est alors qu'on soupçonna Robes-
» pierre , l'orgueilleux Robespierre ,
» d'être le chef d'un parti ; et la con-
» duite qu'il a constamment tenue de-
» puis , n'a que trop justifié ces soup-
1» cons, et prouvé que cet ambitieux
» s'étdt formé un système de désorga-
» nisation , par lequel il croyoit arriver
» au souverain pouvoir.
?2 C R I M K I
» La révolution mémorable da lo
*> août appartient à Paris. Robespierre
». et son parti ont voulu s'en approprier
» Thonneur , la faire tourner à leur
» profit *, ils ont osé dire qu'elle n'é-
» toit due qu'à eux.... Qu'à vous , con-
» jurés perfides ! c'est la journée du %
» septembre qui vous appartient sant
» partage : oui , celle-là est bien à vous ,
» n'est qu'à vous ! Le peuple de Paris
» sait combattre , mais il ne sait pas as*
» sassiner. Demandez au corps légîsla-*
» tif que vous avez avili , que vou«
» avez insulté , et auquel même voui
» avez prétendu dicter des lois »
Ici plusieurs députés s'écrient : « Oui,
» oui , il a raison » ! L'un d'eux , La-
croix , monta à la tribune , et attesta
solennellement que Louvet disoit la
vérité. Robespierre voulut articuler
quelques mots ; mais plusieurs voix lui
crièrent ; « A la barre , c'est là que ta
* dois parler»!
x>x Robespierre. 33
Le calme s^étant rétabli , Louvet
continua ainsi :
« Robespierre , je t accuse d avoir
» calomnié les meilleurs patriotes , dans
» un temps où les calomnie^ étoient de
» véritables proscriptions.
» Je t accuse d'avoir , autant qu'il
M étoit en toi , avili la représentation
» nationale.
» Je t'accuse de t'être produit com-
» me un objet d'idolâtrie ; d avoir souf- '
» fert qu on dise que tu étois le seul
» homme vertueux de la république ,
» et de Fa voir dit toi-même.
» Je t'accuse d'avoir tyrannisé l'as-
» semblée électorale.
» Je t'accuse d'avoir marché au rang
» suprême, par tous les moyens pos-
» sibles ».
Dans la séance suivante , on revint à
la charge contre Robespierre. « U ne
» suffit pas , s'écria Barbaroux , aux
9 dictateurs , aux triumvirs , aux tri-
34 Crimes
« buns , de décrier les plu^ zélés , les
» plus sincères patriotes de la convèn-
» tion ; ils veulent se mettre au-dessus
» de toute autorité , en s'attribuant
» riionneur de la révolution du lo
» août. IJ. faut enfin leur arracher le
» masque. Au lo août , où étoit Ro-
» bespierre ? à Tabri de tous dangers ,
» il fomentoit dans Tombre de lâches
» intrigues.
» Il dit avoir sauvé la chose publî-
» que ; mais étoît-il à Charenton , lors-
» que nous y signâmes le plan de con-
» juration contre la conr , qui de voit
» être exécuté le 29 juillet, et qui n*eut
» lieu que le 10 août?
» Parisiens , Marseillois et Bretons ,
» je vous interpelle : Vous étiez au Car-
» rousel le 10 août. Y avez-vous vu un
» seul de ceux qui se vantent d'avoir
M fait la révolution du 10 août ? Non ,
» non , sans doute , Parisiens , ils n'y
» étoient pas j mais ils étoient dans les
DE Robespierre. 35
» prisoïis le a septembre, et vous n y
» étiez pas : vous ne savez pas assas-
» siner».
Voici de quelle manière Robespierre
répondit à ces diverses accusations.
« On m'accuse , dit-il , de partageîr
» je ne sais quels crimes de Marat. J©
» ne lui ai iamais rendu qu'une visite ,
» dans laquelle ,• après s'être étendu sur
» la situation présente de la Franrîe , il
» me reprocha de n'avoir iii les vues ,
» ni l'audace d'un homme d'Etat. Il
» m'a souvent accusé de modérantis-
» me , pour n'avoir pas ouvertement
» provoqué le renversement de la dé-
» testabl,e constitution de la première
>» assemblée. En un mot , jamais aucun
» lien d'intérêt , ni aucun penchant na-
» turel , ne m'a uni avec l'Ami du
» Peuple....
» Accusî^teur public sous un régime
» corrupteur , et payé par le peuple
j* pour exercer ms» fonctions , je suis
56 Crimes
»> rentré dans la vie privée que je ché-
*J rissoîs.
» Je suis accusé d*avoîr été Tinstiga-
' » leur de là journée du z septembre.
» Je ne Fat jamais fomentée ; je n'ai
a» même jamais approuvé les scènes
» qu'elle a éclairées. Tout menaçoit
» notre liberté mal affermie , et son
» trône chancelant étoit sur le point de
» voler en éclats. Un homme , Danton,
» réveille le courage dans tous les es-
» prits , communique un mouvement
» électrique aux législatem*s et au peu-
» pie , montre le précipice , désigne les
» coupables qui le creusoîent ; on cou-
» rut aux armes , et la Patrie fut
n sauvée.
» La sûreté générale bannissoit aloi:s
» ces calculs froids et méthodiques que
» le législateur doit employer dans le
» calme , lorsqu'il gouverne un peu-
» pie qui n'est pas lui-même agité. Il
» faut envelopper les partisans dans la
31 ruine
DE R O B Ë S # I E K A C. S"^
» f uinef du parti , et ne pas s'arrêter à
» des considérations soporifiques, lors*
»» qu on ne peut 'risquer que la perte
» inutile d'une victime innorente.
» Vous prétendez que la folle ambi-
» tion d'élever ma fortune > et d avilir
* les pouvoirs constitués, a pu m'éga-
•• rer un instant. Hommes , autant ab-^
» surdes dans vos déclamations , que
» perfides envers cette liberté sacrée à
» laquelle vous avez Tair de prodiguer
» votre encens , sachez, qa'il n'est pas
9> plus possible d'avilir la divii^ité que
» l'on blasphème , qu'il est possible au
P9 sauvage asiatique d'obscurcir le so-
w leil dont il outrage la lumière.
» Un mot , fùt-il sorti de ma bou-
9 che , mais prononcé au milieu de la
» chaleur des passions , quand on s^ou-
» blie pour sauver sa patrie , ne peut
I» décider le jugement d'une assemblée
^»> que la justice doit toujours guider.
» Cependant , si ma mort peut calmer
Tome L D
36 C ft I M £ s
» Tàigreur funeste des partis , faire é va-
» nouir les espérauces des ennemis de
» l'Etat , cimenter le bonheur de ma
» patrie , je suis prêt à m'acçaser moi-
» même , et à porter iha tête sous le
» glaive qui ne tranchera qu!une vie
» frngile , pour m'en assurer une qui ne
» périra jamais ».
Ce discours , dans lequel Robespierre
dévoila , pour la piremière. fois , cette
politiqiie infernale qui lui fit égorger
tant d'innocens , excita une vive fer-
mentation dans rassemblée. Des cris
tumultueux demandoient son supplice
et celui de ses complices , lorsque Bar-
rére s'écria ; « Je ne trouve point dans
« les accusés cette vaste conception.,
« ces moyens puissans qui enfantent
» les grands conspirateurs , et deman-
» dent Tattention du gouvernement ;
» je suis d'avis qu'en passant à Tordre
» du jour , on les replonge dans cette
» jobscurité dont leur audace les avoit
» retirés».
DE Robespierre. og
L*avis' de Barrère fut suivi , et Ro-
bespierre n'en devint que plus cher à
son parti.
Dès le mois de février 1793 , sa puis-
sance commençoit à devenir formi-
dable , et Ton remarqua depuis que
chaque pas qu'il faisoit vers l'autorité
suprême , ètoit marqué par une calcï-
mité. Chaque fois , en effet , qu'il es-
sayoit son autorité , les assassins redou-
bîoient d'audace , et là capitale se rem-
pKssoit de troubles.
Des brigands pillèrent les épiciers
les 25 et 26 février. Les libellistes dé-
voués au parti de Robespierre , avoient
provoqué ce brigandage par des pla-
cards incendiaires. Les épiciers por-'
tèrent leurs plaintes à la convention ; la
faction de Robespierre les accueillit
avec des liuées et des insultes ; elle de-
manda même qu'au lieu de leur accor-
der la juste indeinnité qui leur étoit due»
ils fvissent condamnés à i^estituertoutçe
\ ' ^ D a .
4<> Crimes
qu'ils avoient gagné injustement. Ro-
bespierre , suivant son usage ordinaire^
ne se mit point en évidente pendant la
durée de cette insurrection i mais il se
plaignît à ses confidens de re que , pajr
le peu d'énergie des e;xéruteurs qu'ils
avoient mis en oeuvre, elle n'avoit pas
produit ce qu'il en a voit attendu.
Dans le mois suivant, il se fit un
cliangement qui fea l'attention des ob-
servateurs. On ^e vit pas sans étonne-
ment que la faction d Orléans et celle
de Kobespierpe agissoient de concert : *
le premier teuoit dans son palais deai
conciliabules nocturnes avec les affidés
de Robespierre ; il faisoit avec eux des.,
orgies ; il vendoit ses effets le« plus pré-
cieux ; ses émissaires parcouroient le$
fauxbourgs , remplissoient les cabarets y
distribuoient des assignats , et l'on an-
no nçoit sans my$t«re , dans la plupart
des gr(Kipes , qu'on alloit voir éclorre
im .événement y qui termin'eroit h ré^
Yolution. *.
DE Robespierre. 41
Dans cette orr,asion , comme* dans
bien d'autres , d'Orléans fut la dupe de
la faction -de Robespierre : celle-ci lui
persuada qu'elle vouloit l'élever sur le
trône. Philippe le crut. On lui présen-
ta l'état des sommes- qu'exigeoit d'a-
vance le succès de la conjuration ; il les
donna. En attendant l'exécution du
complot , on ne parloit que de sonner
le tocsin , de battre la générale \ de ti*
rer le canon d'alarme , de faire un nou«
veau carnage des prisonniers. L'effroi
étoit universel ; à l'heure convenue , les
conjurés se rendent chez Philippe , et
lui disent que l'exécution du projet
n'est pas sans péril ; que quelqu'effort
qu'on ait pu faire , la masse du peuple
reste inébranlable ; que la majorité de
la convention n*est point encore assez
abattue par la terreur , et qu^ son pou-
voir est redoutable. Philippe ne saît
que résoudre ; il tremble , il pâlit , il
« évanobit, Les conjurés l'abandonne at,^
42 Crimes
c t se servent , pont leur propre coinp te,
des sommes <}u'îls en ont reçues.
Pendant les mouvemens orageux
qu'on se proposait d'exciter dans la
journée du lO mars , on devoît écraser
ceux des députés qui ayoient eu quelr»
que part aux accusations portées contre
Robespierre six mois auparavant : mais
des mesures mal concertées s'opposè-
rent à l'exécution du complot ; elle fut
donc remise à un autre moment.
La faction de Robespierre fit une
nouvelle tentative le 5i'inai suivatnt
pour immoler ceux des collègues de ce
scélérat qui ne partagéoient pas ses opi-
nions. Des symptômes effiFayans an-
noncèrent et accompagnèrfint cette
journée.
On a assuré , dans le temps , qu-on
a voit cteusé dans le cimetière de Gla-
mart deux fosses profondes qui étoient
r destinées à recevoir les victime^ qu'on
se proposoit d'égorger, et surtout les
députés proscrits par Robespierre.
B E R O B 1£ S P I & K R E. I^
Ce jour-là et le précédent , les divers
comités révolutionnaites atret ère rit un-
nombre considérable de particuliers.
Les conjurés firent fetiner les bar-
rières le Si mai , et toute, communica-
tion fut interceptée. On fit des visites
doiiïiriliaires dans toutes les maisonsi
Un nombre infini de citoyens furent
traînés dans lès prisons: '^^
Cent mille hommes armés à^siégérenl
la convention. On établit" à- ses portée
des grils pour chaiiffer les boulets. Lé
commandant de la garde naticmale lut â
Kassemblée une liste des députés qtié
Robespierre avoit proscrits ," et dècl/ira '
qu'il neretireroit ses troupes que quand
on les auroit remis entre ses mains. Sur
le refus de la convention , il cria^aux
armes. Mais soit que tçute cette ma-
cliinàtion eut été mal ourdie , soit que
les conjurés n'eussent pas assez d'éner-
gie pour consommer lenr projet , soit
qu'on n'eût voulu qu'effrayer la con-
44 Crimes
ventîon , on se borna à ces seules vio-
lences , et Robespierre se plaignit en-
core- de ce que cette journée avoit été
perdue pour liri. Le premier effet du
iBecontentement de son parti , . fut la
destitution du com mandant de id garde
nationale , et la pr^Hnotîon de Heipriot
i cette place.
Pendant le mois de juin on nç parloit
que d^ pillages. -Les bateaux qui arri«
voient pour Fappyovisionnement de la
ville étoient arrêté&, Pes, scélérats que
Henriot soutenoît , voioient les provi-
sions que les^négociansdes dépantemena
envoyoien^ à Paris.
Toutes les nuit$ on rencontroit dans
les rues des gens armés qui enfonçoient
les portes , pour enlever les infortunés
proscrits par Robespierre. On trem«
bloit pour soi , pour ce qu on avoit de
plus cher. Quand deux parens , quand
deux amis se rencpntroient le lende^
main , ils s'étonnoiejit de se revoir et
A'ètte libres^
DE Robespierre. 45
. Le comité de salut public , qui est '
devenu depuis si redoutable , étoit en-
core dans son enfance. On suivoit alors
les premières formes de son établisse-
ment. Ses membres étoient renouve-
lés tous les -mois , et leurs opérations
étoient soumises à lapprobation de la
convention. Les principes de cette ins-
titution furent anéantis aussitôt que
Robespierre en fut nommé membre.
Ce monstre remplit d'effroi toutes les
aines , et plongea la convention elle-
même dans la stupeur. Le comité pro<
fita de cette funeste influence pour par-
venir à se perpétuer^ non-seulement
dans lautorité qui lui avoit été confiée ,
mais encore, à se rendre indépendant
de la convention. Il dédaigna plus d'une
fois de soumettre le résultat de ses tra-
vaux à la délibération de l'assemblée gé-
nérale* Ses arrêtés étoient aflicliés, pro-
mulgués, et avoîent force de lois. lien-»
Yûya dans les départemens des prQcon-«
46 C R 1 M £ a
s^uls avec une autorité illimitée , quj ne
rele voient que de lui seul.
L'empire effroyable que Robespierre
exérçoit sur ces proconsuls , est attesté
par une foule de preuves. Parmi lesmo-
numens de sa funeste. influence sur tous
les crimes qui se commettoient dans J'é^
tendue de la France , nous citerons les
fragmens de la correspondance de Col«
lot-d'Herbois , pendant que ce dernier
faisoit mitrailler les habitans de Lyon.
£n détruisant cette ville rebelle ,
(écrivoit CoUot] on .consolide toutes les
autres ; voilà ses principes! Il ne Ba.ut
laisser que des cendres ; voilà ses pro^
jets ! Nous démolissons à coups de ca-
non et avec l'explosion de ]a mine ; voi-
là ses exploits! .
Il tombe à la Hn , le voile de Thypo-
crite , et c'est lui-même qui le déchire.
» J'ai trouvé ici le système d'indul-
gence , ( écrivoit Collot à Robespierre
son ami ) soutenu par un décret de la
DE Robesviehre. 47
convention, du 20 brumaire, affiché
ici avec affectation.
« L^armée révolutionnaire arrive en-
fin' après demain , et je pourrai accom-
plir de plus grandes choses. Il me tarde
que tous les conspirateurs aient dispa-
ru D faut que Lyon ne soit plus,
en effet , et que Tinscription que tu as
proposée soit une grande vérité. ... Car
jusqu'à présent ce n'est réellement
qu'une hypotése ; et le décret lui-même
oppose de grandes difficultés. Ilt'ap-
parUendra de le rendre ce qu'il doit
être, et d'avance nous préparerons
les ainendemens ».
Après cette phrase, où ÇoUot. in-
voque Texercice de la souveraineté de
Robespierre , il ajoute ces mots :
xc Plusieurs fois , vingt .coupables ont
subi la peine due à leurs forfaits , le
même jour. Cela est encore lent pour la
justice d'un peuple entier , qui doit fou-
droyer tous ses ennemis à la fois ^ et
4^ C K I M E s
nous nous occupons à forger la foudre*
» Ecris-nous ( rontinuoit Collot ) :
une lettre de toi fera nn grand effeù
flirtons nos Jacobins, Ne laisse point
passer de rapports tel que celui qui a
amené le décret du sursis ».
Le projet de Collot étoir de dissémi-
ner les habitans de Lyon sur toute la
surface de la République , pour la dé-
truire plus aisément ; on n eh peut dou-
ter en lisant cette phrase :
« La population licenciée ", il sera
facile de la faire disparaître , et de dire
avec vérité : Lyon nest plus »'.
Et cette autre ! » Je ne parle point
des mesures révolutionnaires qui sont
continuellement méditées, mises en ac-
tion , et qui doivent consommer le grand
événement* de la destruction de cette
ville rebelle ».
On est d'abord tenté de croire , en
parcourant ces caractères où respire la
stupide férocité , que tous les monstres
dea
DE Robespierre. 4^
des forets avoient abandonné leur re-
paire pour faire une irruption dans no»
villes; ou. plutôt, en revenant à des
idées plus naturelles , on apperçoit à dé-
couvert le but de tous ces affeux nive-
leurs, qui étoit la ruine du commerce
et l'établissement , non d'une égalité de
bien-être , mais d'une égalité de misère
dans la république.
Un agent de Robespierre lui mar-
quoit : « ma santé ne se rétablit que par-
ce qu'on guillotine autour d.e moi ; tout
va bieù , mais tout ira mieux encore ,
parce qu'on a trouvé trop lent l'expé-
dient de la guillotine , et , sous peu de
jours , les expéditions seront de deux
ou trois cents à la fois j du reste les ^lai-
sons se démolissent à force ».
Le même agent écrivoit à Robespier-
re : « la guillotine , la fusillade ne vont
pas mal : 60 , 80 , 200 à la fois sont fu-
sillés , et tous les jours on a le plus grand
soin d'en mettre de suite en état d'arrêt
Tome L E
5o Gr XMCS
tation , pour ne pas laisser de yide aux
prisons ». ^
On voit par les^ £ragemens que nous
venons de citer de cette épouvantable
coirespondance , combien les agensque
Robespierre envoyoit dajis les départe-
anens , lui étoient dévoués.
Ceux qui entouroient Robespierre â
la convention et aux Jacobins , ne lui
étoient pas moins dévoués. Pour lui
plaire , Bazire demanda et obtint un dé-
cret qui déclara que , jusqu'à la paix , la
France seroit en révolution; c'est-à-
dire, dans cet état de souffrance ou
personne n est sûr ni de sa fortune , ni
de sa liberté , ni de sa vie,
Chaumette , procureur de la com-
mune , vint alors demander à la con-
vention qu'il fut créé une armée révo-
lutionnaire , qui traineroit à sa suite une
guillotine j qu'il fut permis aux comités
révolutionnaires d'arrêter les personnes
qu'ils j ugeroient suspectes ^ qu'il fut a«-
SE A.OB£StIERR£. 5l
cordé aux membres de ces comités un
traitement , et quarante sols par séance
aux indlgens , c'est-à-dire , aux soldats
de Robespierre, qui assisteroient aux
assemblées dos sections. Ces demandes
furent converties en motion par Billaud
de Varennes, membre du comité de
salut public. Bazire et Danton appuiè-
rent la motion , et ces diverses deman-
des durent décrétées. Quelques jours
après , parut le décret qui ordonna Far-
restation des gens suspects , et par la
définition qu'il donnoit de ce qu'il fal-
loir entendra par un homme suspect ,
il ny a voit personne qu'on ne pût ran-
ger dans cette classe^ proscrite.
L'exécution suit de près cette horri-
ble loi. Tout citoyen qui n'est pas de la
faction de Robespierre, tremble pour
son salut. Voyant l'ascendant qu'il avoit
sur la convention , Robespierre lui fait
demander l'arrestation de cent seize de
ses membres. Billaud de Varennes veut
E a
bz Crimes
qu'on vote par appel nommai sur cette
proposition, afin que les députés qui
oseront voter en faveur des cent seize
proscrits , soient eux-mêmes mis en ar-
restation. !Mais Robespierre , que la len-
teur de cette formalité importune , s'op-
pose vivement à la demande de Billaud
de Varennes ; et les cent seize députés
sont décrétés d'accusation en un ins-
tant , par la méthode ordinaire de re-
cueillir les vo'x par assis et levé.
On se rappelle que d'Orléans , deve-
nu suspect , fut arrêté et conduit à Mar-
seille. Pendant la captivité de ce scé-
lérat, Robespierre s'occupa d'écraser
ses complices. Lorsqu'il vit la faction de
d'Orléans totalement afToiblie , il fit re-
venir le ci-devant prince à Parisi pour
le faire guillotiner.
Apres l'exécution de d'Orléans , Ro-
bespierre sembla redoubler d'activité
pour consolider le régne de la terreur.
Sur la demande de Saint-Just , il fit ren-«
DE ROBZSPIERRB. 65
ère un décret ^jui déclara, pDur Ja se*
condefok, que le gouverneniem rester
xoit en état derévoiotion )usq\i'à Iftpaix^
Tous les étrangers furent arrêtés sur
la deniand^ de Saint-Just , qui^iit randr#
un décret , portant qu'ils seroieât dépo-
sés dans des maisons d'arrêt.
Uobespiçrre' impatient de ce que hs
bourreaux n'av.oient. pas assez d'qçcur-
pation y fit décrétervque le président du
tribunal révolutionnaire pouvpit ter-
miner les débats toutes les fois que les
jurés déclareroiènt que leur conscience
étoit suffkainment éclairée. ,.
Pendant.quoï^e3^écutoit cesdifféfpn»
systèmes de cruauté , on fut témoin de^
Iblies les plus scandaleuses. Bazire pro> *
posa d abord , pour établir parfaitement
l égalité entre tous les citoyens , 4'or-»
donner qu'ils seroient tenus de se tu-*
, toyer ; mais la convention se borna à
une simple invitation. On aura peine à
le croire , cette invitation qui navoi^
64 Crimes
aucun des caractères (Tune loi, servit
de prétexte aux agens de la tyrannie ^
pour traiter comme suspects , et com-
me ennemis de la république , tous ceur
qui ne tutoyoient pas leurs concitoyens-
L'évêque de Paris , Gobel , donna
l'exemple d'un scandale qui inspira pour
loi le plus profond mépris. Il vint décla-
rer à là barre de la convention qu*îl n'a-
voit ^té , pendant toute * sa vie , qu'un
imposteur. L'apostasie de Gobel eut
des imitateurs dans toute la France, et
elle donna lieu à ces fêtes ridicules , à
ces processions où des pfostituées fu-
rent promenées en triomphe sous le
no m de déesse de la raison. Ces farces
durèrent plusieurs mois. Robespierre
étoit tout ptiissarit alors; il n'avoit qu'à
dire un mot pour faire cesser tous ces
désordres. Il garda le silence ; on doit
en conclure qu'il apprôuvoit en secret
tous les excès qu'on se permit dans ces.
''irconstances.
Xa mort semUoit avoir succédé dans
la tribune , à. la vérité. Les acteurs de
la tragédie «'étoient distribués les rôles
poiirrépandre la terreur. Les hommes
ijfùi régénèrent un grand ipeuple ,
selon Saint-Just , ne doivent espérer
de repos ^ ne' dans la tom^be. La rê»
vaiuHon es» comme la foudre , M
fatu frapper^
Barrére disoit dans ses discours : //
wt^f a qne les morts qui ne reviet^
nent pas.
CoUot • d'Hcrbois répétoit souvent :
Tins le corps social transpire , plus
il de'vient sain.
Dans les comités , Gouthon , Biljaud-
Varennes , Vadier , Vouland , jetoient
les bases àts tribunaux de Marseille y
d'Arras , d'Orange, Les troupes révo-
lutionnaires portoient la dévastation,
les tortures , l'assassinat , Fincendie ,
dans leurs marches épouvantables.
Yoiià ce que ces nouveaux enfans
56 Crimes
de Jason , qui faisoient bouillir leur pè-
re , sous prétexte Vie le rajeunir , ap-
peloient les moyens de réaliser Theu-
reux système de la révolution agrai*
rienne. Les régénérateurs du peuple
français ne se contraignoient plus dans
leurs conversations sur le projet de
partager à chaque famille une> portion
de terre , au milieu de laquelle s'éleve-
roit une baraque couverte 'de diauine.
Saint-Just ajournoit le bonlieur de la
France à Fépoque où chacun retiré au
milieu de son arpent , avec sa charrue ,
passeroit doucement sa vie à le cvln
tiver.
C etoit là le retour de Tâge d or et
du siècle dAstrée.
Tandis que Saint-Just s abandonnoit
à ces conceptions extravagantes, Ko^
bespierre s'occupoit d'établir son pour-
voir sur des bases solides. On a élevé
des -doutes sur le plan qu'il a voit formé.
6i Ton veut coi^noitre le but vers le-
DE Robespierre. 67
quel tendoit ce scélérat , qu on lise le»
notes écrites de sa main , qui ont été
trouvées sous ses scellés ; elles servi-
ront à résoudre ce problème.
Dans une de ces notes , Robespierre
écrivoit :
Il faut une volonté une.
Il faut qu'elle soit républicaine 0%
royaliste. ,
Pour qu'elle soit républicaine , il faut
des ministres républicains , des papiers
républicains , des députés répubKcains,
un gouvernement républicain.
La guerre étrangère est une maladie
mortelle ( fléau mortel ) , tandis que le
corps politique est malade de la révo-
lution et de la division des volontés*
Les dangers intérieurs viennent des
bourgtois ; pour vaincre les bourgeois,,
il faut rallier le peuple^
Dans une autre il disoit : fi faut que
le peuple s allie à la convention , et que
la convention s^ serve du peupXê^
58 Crimes
Il faut que l'insurrection s'étende de
proche en proche sur le même plan;
Que les sansrculottes soient payés ,
et restent dans les Villes.
Il faut leur procurer des armes, les
colérer , les éclairer.
Il faut exalter l'enthousiasme répu-
blicain par tous les moyens possibles.
^ Dans une troisième note , il écrivoit :
il faut avoir de l'argent.
1^. Une adresse aux départemens.
2.^. Des courriers près de nos com-
missaires aux armées.
3^. Une fédération de la commune
de Paris avec Marseille. '
4^. Changement de ministre et de la
p6ste.
5^. Suppression des papiers contre-
jrévolutionnaires:
6^. yirmeries sans - culottes et lei
salarier, ,
7°. Faire suspendre lés travaux ju»-
qu'à ce que la patrie soit sauvée»
»r. ROBESPIE^RRE. Sj
* 8**. Changer de local.
Il est facile de pénétrer les vues am-
bitieuses du tyran , dans ces phrases
décousues et énigmatiques qu il sem-
bloit avoir jetées au hasard , et qu'il
n'avoît tracées que pour lui. Jl falloit
que la volonté nationale fut une. Cette
plirase prouve évidemment qu'il espé-
roît qu un jour s«^ volonté aeroit celle
de la nation. Aussi , pour hâter ce mo-
ment , mit-il en usage tous les ressorts
de son machiavélisme.
tes éloges bas et rampans qu'il recc-
voît chaque jour des différentes parties
de la république , achevèrent de le con-
firmer dans ridée qu'il étoit im grand
homme , et que tout devoit fléchir sous
sa puissance suprême.
C'étoit , en effet , à qui enivrcroit
ndôle de vapeurs einpoisonnées.
Ici , c'est une société qui n'ose point
offrir à la convention le tribut de ses
idé«s , saas le soumettre au tyran.
€o Crimes
Là , c'en est une autre qui a pris ,
pour mot d'ordre , le nom de Robes^
pierre , comme Joseph Lebon , le mot
pillage.
Là encore,ce sont les membres d'une
autre société qui bénissent TËternel de
ce quil a pris s!ous sa sauve-garde ses
jours précieux*
Ailleurs ^ ce sont des société» popu-
laires de sections qui envoient savoir
des nouvelles de Robespierre , malade.
Ailleurs , c'est ufte société-mère qui
le conjure de joindre à ses efforts le
tribut de se& rares talens ^ pour conso-
lider le grand oeuvre 4e la régénéra-
tion française.
Ici , c'est rincorruptible Robespierre
qui couvre le berceau de la république
de régide de son éloquence. Là, le ver-
tueux Robespierre est surnommé le
^ ferme appui et la colonne inébranlable
de la république.
Ailleurs , on na fait connoissance
qu'avec
DE Robespierre.' Sx
qti'*avec ses talcns , on veut la faire avec
ses vertus.
Ailleurs encore , on s'extasie sur ses
écrits , qui lui ont fait Tinappréciable
réputation d'un vrai citoyen français ,
qui réunit en lui, et Ténergie d'un an-~
cien Spartiate , et d un Romain des^
premiers temps de la république , et
l'éloquence d'un Athénien ; enfin , ce
qu'on ne croira pas , d'homme éminem-
ment sensible , humain et bienfaisant.
Vient après uft original , qualité par
lui-même jeune homme de 87 ans, qui
regarde Robespierre comitie le Messie
annoncé par l'Etre étemel, pour ré-
former toute chose.
Puis un autre , digne d'être accolé à
ce dernier , appelle Robespierre son
apôtre ; il se réjouit d'avoir par Iç phy-
sique , une ressemblance avec le bieur
faiteur de la patrie. Il imiteroit volon»
tiers ce courtisan , qui s'étoit fait ct^
7'o7ne L F
Ca C R I M,E s
ver un oeîl parce ^ùe son empereur
étoit borgne, j
Puis deux autres, qui baptisent leurs
deux enfans du nom sacré de Fincor-
ruptible Robespierre.
Un maire de Vermanton veut en-
suite que Robespierre soit regardé dans
les siècles des siècles , comme la pierre
angulaire àà Tédifice constitutionnel.
_ Un agent national <iit , que c'est l'E-
tre supi^ème , dont Robespierre a prou-
vé Texistence , qui veille siur ses jours ,
et que la république est sauvée.
Un fanatique d'Amiens veut voir , à
toute force , le grand homme : il veut
rassasier ses yeux et son cœur de ses
traits , et , Tame électrisée par toutes les
vertus républicaines , rapporter cliez
lui de ce feu dont le grand homme em-
Ijrase tous les bonsT républicains ; ses
écrits le respirent ,' il s'en nourrit ; mais
DE Robespierre. 65
ce n est pas assez pour lui , il veut le
contempler en face.
Une commune , enfin , a chanté pour
Robespierre , un l'e Deiim , terminé
par les cris de vive Robespierre , vive
la république !
Se voyant ainsi flagorné de toutes
pai^s , fort de Tempire qu'il exerçoit
sur les Jacobins de Paris et des autreg
communes , il conçut Tidée d'écraser
la faction même à qui il devbit sa puis-
sance. Ronsin et .Vincent furent arrê-
tés \ mais le club des Cordeliers les
^yant réclamés , Robespierre fut forcé
de leur rendre la liberté. Cet échec ne
servit qu*à le convaincre que les esprits
n étoient pas assez frappés de terreur.
Il continua donc le cour» de ses pro-
scriptions , et il fit arrêter les députés
Thomas Payne et Bernard.
Les divers comités révolutionnaires
qui entretenoient une correspondance
active et journalière avec le comité d«
F a
^4 C K X M E s
salut public , cxerçoient dans leur ar-
rondissement respectif, la rigueur que
ce comité étendoit sur toute la France..
, Saint- Just fit entendre dans Igi tri-
bune de la convention, ces paroles ter-
ribles : « La pitié est un signe de trahît
» son Ce qui constitue la répufeli-
» que, c'est la destruction de tout -ce
» qui lui est oppo&é ».
Ce fut par une suite de ces princi-
pes , que Saint-Just fit condamner à là.
peine de mort ceux qui altéreroient la
formé du gouvernement républicain ;
ceux qui résisteroientau gouvernement
révolutionnaire , ceux qui donneroient
asyle aux prévenus de conspiration que
la frayeur auroit mis en fuite, ceux qui
communiqueroient verbalement ou par
écrit , avec les prisonniers , les géoUers
qui coopéreroient à une telle commu-
nication. Rien peut-être ne prouve
mieux à quel point les membres de k
convention étoient comprimés par la
DE R O B E S » l'E R A S. 65
terreur , que leur docilité a décréter ce
code de sang qui de voit tourner contre
plusieurs d^'entre eux.
S«int-Just fit encore décréter que les
biens des gens suspecl:s étoient coafis-
qkés, qu'eux-mêmes étoient condam-
nés é la détention jusqu'à la paix , et
qu'à la paix ils seroîenti bannis à per*
pétuité. . .
AolM^pierre se vit alors en état de
.frapper le coup qu'il méditoit. Il dé-
daignoin; deptds long -temps d'être la
créature ^ l'instrument d'une faction*
Il vouloit bien être 1% chef d'un parti ,
xpais d'un parti qu'il auroit créé lui-
même.
Pour y parvenir , Robespierre adopta
un moyen dangereux. 11 eut recours à
la f erreur , qni ne fait que des inécon-
tens ; et lorsqu'il y a plusieurs mécon-
tens , celui qui gouverne , a chaque
jpur à redouter quelque entreprise. Il
n'y a peut-être pas un seul exemple
66 . . .i . ..C ja.i MES
d'un homme qui , n'ayaut xégxiè quf
par la terreur , n'ait péri inisérahie-
ment.
. Il ne fut que trop bien servi par ses
infâmes complices, Saint- Just^t CoU'-
thon , membres comme lui di^comité
de salut puWic.' Le premier obtiat un
'-décret qui renvoyoit , sous trois jours ,
de Paris , tous les nobles,
Saint-Jus t fit rendre un second dé-
cret ; c{ni condamnoit à être déporté à
la Guyane française , quiconque seroît
convaincu de s être plaint de la révo-
lution. ' ' m
Sur le rapport encore de Saint- Just y
on envoya à la mort Hérault de Sé-
chellés , membre du comité de salut pu-
blic , et avec lui Simon , député et vi-
caire général de Strasbourg. Sàint-Jiisfe
accusa le premier d'avoir caché chez.
lui un homme mis en arrestation; 11 ac-
cusa le second d'avoir eu des relatfonsi
DE Robespierre. 67
svec un conspirateur dçs bords dix
Rhin, V
Camille Desmoulins fut arrêté quel-
ques jours après. On lui deyoit princi-
palement; le supplice d'Hébert ; mais il
s'étoitpermis dans.son iaurnal quelques
plaisanteries sur $aint-Jiût» Il porte ,
disait le journaliste , ^a ié^e ^omme un
s ai f\$ sacrement. On ne plai^^te point
avec les tigres^âaint-Just)dj»mandaà Ro-
bespiçxre la tête de OesjnôuUns, elle lui
fut accordée.
<c Je viens , dit Saint-Just à la conr
» yentiojA , je vie^ vqus* de^n^nder un
» décret d'accusation cqntire Camille
• Desmoulins , Danton , Piielippeaux ,
«• Lacroix , complices de d'Orléans et
» de Fabre d'Eglantines ».
£n entendant lire cette nouvelle liste
de proscription , un député s'écrie dou-
loureusement : « Nous allons donc tous
M être égorgés successivement » ! Ses
collègues partagent ses allarmes. On en-
68 C K I M E $
tend dans une j^artie de la salle des gé«
missemens ; ils mettent en fureur Ro-
bespierre ; il s'élance à la tribune , et
parle ainsi':
K A ces troubles , depuis iong^temfps
]» inconnus dans cette assemblée, il est
» visible qu'il s agit d'un grand intérêt ,
» de savoir si quelques homiaes doir^nt
» l'emporter sur la Patrie.... Peu mim-
>» porte à moi les éloges qu'on se dotina
» et qu'on donne à* ses amis* On he de-^
» mande plus ce qu'un homme a ùàt à
» telle époque , on demande ce qu'il a
» fait pendant toot le cours de sA ter*-
» riére p^ôKtiqtife.
» On ne peut prononcer le nom de
»> Lacroix avec pudeur. Danton est
» moins décrié ; mais pourquoi Danton
» auroit-il ^plus de privilège que son
» compagnon Fabre d'Ëglantinès ?
» On veutvobs faire craindre l'abus
» du pouvoir. Qu'avez-vous fait que
M vous n'ayez fait librement ? On craint
deRobespierae. 6g
» que des individus ne soient victimes. -
» On se défie donc delà justice ? Qui-
» conque tremble dans ce moment est
w coupable.
a» £t moi aussi , on a voulu mie ieàre
•» crainclre. Les amis de Danton m'ont <
» écrit que Danton renversé , je péri^
y* rois : ils ont cru que des liaisons pour-
»> roientm'engager à détourner le cours
» de la justice. Je fus aussi Fàmi de Pé-
» tion , de Roland , de Brissot : ils ont
V trahi la patrie , -je me suis déclaré -
» contre eux. Danton veut prendre leur
» place ; Danton a'està mes yeux qu'un
94«£nnemi de la Patrie. Les complices
» seuls peuvent plaider la cause des
» coupables ».
Ce& dernières paroles jetèrent Tef-
froi parmi tous les députés , aucun n*o«
sa répliquer.
Il n'y eut plus dans rassemblée na-
tionale aucune sorte de discussion de*
puis cette époque. On n'y vit plu«
70 Crimes
qu'une obéissance aveugle , qu un em-
pressement servile à toutes les volontés
, de Pipbespierre,
Nous sommes arrivés à Fépoque la
plus désastreuse de la révolution : nous
voulons parler du jour où la loi san^
glante du 22 prairial fut arrachée à la
cx)nvention.
Deux députés demandèrent qu'au
moins le décret , avant d être adopté ,
fut ajourné et n;iùrement discuté. « Cette
» proposition, s'écria Couthon , ne per-
M met pas au comité de garderie silence;
» on lui fait une inculpation atroce ; on
a> Foutrage. Pîtt et Cobourg ne disent-
ai ils pas quç Ie% comités veulent envaliir
» les pouvoirs de la convention ? ^k !
3* ^ue voulons- nous autre chose que
*» la gloire du peuple ? Peut-être dans
» uije loi , peut-il y avoir des choses qui
» n ont point été assez précisées , nous
» ne prétendons pas être infaillibles !
» Mois pourquoi injurier le comité ?
DE Robespierre. 71
» Bourdon de TOise a fait une faute
» grave , surtout à legard d'uii comité
» en qui la convention a placé une iin^
» inense confiance et ijue nous mèri*
» tons ».
Bourdon de FOise répondit : « Je n ai
» point parlé comme Pitt et Cobourg.
» C'est ici une explication fraternelle ;
» je n userai point de représailles. J'es-
» time le comité de salut public , mais
» j'estime aussi cette inébranlable mon-
» tagne qui a fondé la Liberté »!
Robespierre , égaré par la fureur ,
écumant de rage , s'écria : « Le coinité
» de salut public et la montagne , c'est
» la même cliose ! Et moi aussi je con-
» nois cette montagne , et j ai le droit
» d'y siéger. Oui, Montagnards, vous
» serez dignes de sauver la liberté ; et
» c'est parce que ce titre est sacré , que
» vous ne devez pas le laisser partager
» par des scélérats ».
En prononçant ce dernier mot , Ro-
bespierre fixa Bourdon ; celui-ci insul-
ya C K I M E s ,
ta aussi grièvement , répondit : « Je de-
» mande qu on prouve que je suis un
• scélérat»!
Robespierre , qui avoit Timpudence
que rimp unité donne , lui répUqua in-
solemment : « Je n ai pas nommé Bour-
»don. Malheur à qui se nomme lui-
» méine ! Mais si Bourdon peut se recon-
» noitre dans le tableau que mon de-
» voir m'oblige de tracer , il en est le
» maître ».
Voilà quel étoit le genre d'éloquence
, de Robespierre , lorsqu'il parloit à ceux
qu'il croyoit d'une opinion contraire à
la sienne. IL cherchoit bien moins à les
convaincre qu a les fhsulter.
Il poussoit encore plus loin l'indécence
dans l'intérieur des comités.» Vous
» êtes des misérables, disoit-il à ses col-
» lègues qu'il haïssoit , des fripons , des
» scélérats; vous êtes incapables de tout
» bien , capables de tout mal ; vous ne
» méritez que la guillotine ». Les épi-
thètes
DE Robespierre. yZ
tliètes les plus grossiétev y les plus Sâles ,
accompagnoient ces injures*
Om peut àowt dire avec raison qu^
Robespierre mérita , sous tous les pointa
'de vue , l'exécration de ses contempa*
rains et de la postérité. D épuisa les tré*
sors de la Frai^ce pour avoir des bour-
reaux et faire périr des victimes. Il con*
vertit les plus beaux édifices de la capi-
tale en prisons ténébreuses. Il faisoitre«
venir à grands <Êrais ceux qu'il avoit obli-
gés de sortir de Paris , et les engloutis*
soit dans les cachots qu il avoit fait
construire , d*où il les faisoit tirer en-
suite par le cançkibalFouquier , pour les
envoyer à Técliafaud , d'après les Ustes
étales qu il remettoit à cet infâme œiv
nistre de sa férocité.
Si Ion sortoit dans^ ces jours de ca-
lamité , on rencontroit dans les rues ,
sur les grandes routes , des charrette*
surchargées d'infortunés, liés deux à
deux comme des malfaiteurs. L'âge ,
2'ome I. G-
74 Crimes
le sexe , les infîniiités , n'étoîent point
respectés. OnVoyoitsur la même char-
rette , des vieillards plue que septuagé-
naires , des femrtres enceintes , des en-
fans à peine sortis du berceau , de jeu-
nes vierges , dont la candeur , les lar-
mes , * eussent amolli les âmes les plus
férores.
* C'étoit surtout pendant la nuit que
riîomme sensible n osoit plus quitter
ses foyers , pour ne pas être exposé à
rencontrer deS prisonniers qu'on trans-
féroit d'une prison dans une autre. Ces
translations se faisoient en effet pen'i
dant lesr ténèbres. On craignoit sans
doute que la sensibilité des spectateurs
fï>ût été trop vivement émue , si le jour
les eut éclairées. Les tyrans , comme
les voleurs , redoutent la lumière. Cin-
quante à soixante malheureux , pâles et
défaits , étroitement garottés , conduits
par des hommes d'un regard farouclio ,
qu^ tenolent d'une main un sabre nud»
^ DE Pi O B E S P I E R R E. ^S
et de lautre une torcke , erroieat ainsi
pendant le silence de la nuit. Le, pas-
sant , que le hasard conduisoit à leui?
rencontre , deroit concentrer dans soix
cœur toute pitié. S'il laxssoit seulament
échapper un soupir , il côuroit risque,
d être associé jaux infortunés qui com-
posoient ce lugubre cortège.
Chaque section avoit sa prison. La
première leçon que recevoient les geô-
liers , c'étoit d'être impitoyables. Celui
quimontroit des sentimens d'humanité,
étoit destitué sur-le-champ.
Un homme eut le courage de mettre
sous les yeux.de Robespierre le tableau
de la situation douloureuse des prison*
niers , et de lui dire qu'aucun d'eux , à
moins d'un prodige , ne pouvoit vivre
long-temps : « £h bien! répondit ce
» monstre , quelle nécessité y a-t-il que
» ces gens-là vivent » ?
Cette réponse atrocie du tyran aimon-
çoit clairement que chaque citoyen ar-
G a
y6 . C n I ME s
rété éti^lt destiné à là mort. Robespierre
ne s'occupoit que du soin de grossir le^
listes de proscription. Le fer de la guil-
lotine n'ailoit point assez vite à son gré.
Un de ses courtisans lui annonça qu'on
avoit inventé un glaiye qui frapperoie
neuf tét€$ à la fois ; eette découverte lui
plut , et il en i>t faire des expériences à
Bicétre; elles ne réusârent pas, mais
Thumanité n'y gagna rien. Au- lieu de
trois, quatre victimes par )our , Robes-
pierre voulut en, avoir journellement
cinquante , soixante ; et il fut obéi !
Cétoit entre le Pont-tournant et les
Champs-élisées que les exécutions se fai-
soient alors. Ce lieu situé entre les deux
promenades les plus agréables de Paris^
310 p itViût c tre plus mal choisi. Lesha-
bittins tU s rues dans lesquelles on prome-
îioit les victimes , fatigués du spectacle
dérliirant quon leur donnoit chaque
jbur , firent également entendre des
j)laii3Ltes, Robespierre aussi ombrageux
DE Robespierre. 77
qu'il ètcAt cruel , fut effrayé 4e ces mur-
mures et de ces plaintes ; pour prévenir
un soulèvement , il fit placer ailleurs le
théâtre du carnage .Féchafaudfut élevé
sur la place de la Bastille. On crut que
les habitans du fauxbourg 8t.-Antoine
seroient moins sensibles, que ceux de la
rue Saint^HoncHré ; on se trompa. Le
peuple du fauxbourg St. -Antoine mur-
mura. Robespierre fut donc obligé de
changer de no«iveau le lieu du supplice,
et le fit reculer jusqu'à la barrière.
La inarche des condamnés au lieu de
Texècution, étoit elle-même un supplice
cruel ; il y a une Ueue des prisons de la
conciergerie , d'où ils partoieat , à la
barrière où ils recevoient la mort : on
leur Msoit laire ce trajet len|;ement; il
étoit d^ plus de deux heures. Serrés ,
entassés sur une charrette , la tète nue ^
les mains douloureusement liées der-
rière le dos , ils^ recevoient de cette
seule position de mortelles souffîrânces :
78 Crimes
le soleil qui dardoit sur leur visage , te«
brûloit de ses feux , et la sueur qui dé-
couloit en abondance de leur âront ,
^toit un nouveau tourment. Cette cu-
mulation de peines ne suffisoit pas en-
<:ore : une horde d'hommes , de femmes»
environnoit chaque charrette pendant
toute la durée de la marche , et vomis-
soit contre ces infortunés toutes sortes
d'injures. On a vu de ces satellites du
tyran Robespierre , pousser la brutalité
jusqu'à frapper les condamnés , jusqu'à
leur jeter des immondices.
Néron , dit-on , désiroit que le peuple
romain n'eût qu'une tête , pour l'abattre
d'un seul -coup : Robespierre sembla
vouloir faire de ce conte une vérité ; on
ne peut dire jusqu'où il seroit- allé , s*ii
n'eut pas été arrêté dans le cours de ses
cruautés ; non-seulement il avoit ses ta-
blettes de proscription, il permettoit
enrore à ses familiers , à tous ceux qui
lui étoient dévoués, d'avoir de sembla*
DB R0B1BSFIfiRR£. jg
bles listes. Henriot , l«s officiers de son
état-major, ses valets, plusieurs mem- .
brea du tribunal révolationnaite , quel-
ques membres delà commune , proscri-
voient qui lenr plaisoit; Il n y avoit pas
jusqu'aux geôliers qui ne jouissent d»
l'affreux privilège d'envoyer à la mort.
Les noms que tous ces scélérats ti-
roient de leur mémoire ne suffisant pas ,
on dit que Robespierre avoit transfor-
mé l'almanach , que dans lancien ré-»
gime on appelait roy$J , en liste de pros-
cription. . «
Où se seroit arrêté ce moderne Né-
ron? On assure que quelqu'un lui ayant
fait c«tte question , il avoit froidement
fait la réponse suivante : « La génération
» qui a vu l'ancien régime , le regret-
» tera toujours. Tout individu qui avoit
» plus de quinze ans en 1789 y doit être
» égorgé ; c'est le seul moyen de conso-
la lider la révolution »,
On a raconté dans le temps ^.que JId'«
So G R I M £ s
|>e^i€rre ayazit proposé de mettre à
anort quiconque seroit soupçonné de ne
pas aimer la rév^olutîbn , GoUot-d*Her-
bois dit : « Cette loesuse ', >dans les pré-
as jugés ordinaires, paroit dure; mais
a» les circonstances Fexigent impérieu-
V sèment». Le patrîotisine n'étoit pour
lui qu'un mot vide de sens. On voyoit
confondus dans la même charrette , le
royaHste , le constitutionnel , le répu-
blicain ,. celui que le peuple a voit tou-
jours regardé comme un çincère pa-
triote. Ainsi les jacobins qui le regret-
tent aujourd'hui , ont certes bien tort ^
car ^pré^ avoir servi le tyran, ils eussent
fi«i par venir , à leur tour , se perdre
dans ce lac de sang qu'il avoit ouvert â
la barrière ci-devant du trône.
Dans le cours de &es cruautés , Robes-
pierre dévoila toute la férocité de son
caractère. On apperçut facilement que
les deux passions qui maitrisoîent son
cœojt , étaient la jalousie «t la haine , car
»E Robespierre. 8i
il n'aublioit pas de mettre- au nombre
des proscrits ceux qui , dans la première
assemblée nationale , lui avoient témoi-
gné du mépris , et ceux qui dans la troi-
sième lavoient deviné.
î)es hommes sans pudeur, sans mo-
rale , et perdus de réputation , pouvoient
seuls consenj^iQià devenir les instrumens
d'une aussv épouvantable tyrannie , et
malheureusement Robespierre parvint
à s'entourer de pareils scélérats. Mcds
c'étoit dans le tribunal révolutionnaire
qu'étoient les principaux ministres de
ses fureurs ; entr autres Fouquier-Tin-
ville , Dumas et Coffinhal. Le premier
avoit été , sous l'ancien régime , prpcu-
reur au Châtelet , et honteusement dé-
gradé par ses rapines et la turpitude de
sçs -mœurs. Hérault de Séchelles , dit- '
on , en avoit fait la connoissance dans
un lieu de débauche. C'étoit ce Fou-
quîer de Tin ville qui, chaque soir, al-
loit recevoir des mains de Robespierre
6z Grimes
la liste de oeux qu'il falloit envoyer le
lendemain à la mort. ,
Robespierre s'étoit réservé exclusive-
ment le département de la police géné-
rale , dont l'exercice , comme on le con-
çoit , lui donnoit la facilité de commet-
tre journellement tous les genres possi-
bles d'injustice et de cruauté.
Il en étoit des départemçns co^ime
de Paris. P^r tout le sangruisseloit. Dans
tous les chefs-lieux la guillotine étoit
permanente.
Quand on demandoit à Robespierre
quel étoit le but de ces interminables
tragédies , il répondoit :Je régén/ère la
nation.
Lorsque Carrier -écri voit à l'assem-
blée'nationale , pour l'instruire qu'il en-
tassoit ses victimes sur des bateaux , qui',
au moyen de soupapes qu'on ouvroit
à volonté , laissoient tomber dans l'aby-
me des eaux les malheureux qu'ils por-
toient , Caj^rier ne fut pas blâmé. Sa dor»
D£^ Robespierre. 83
testable invention fut applaudie par Ro-
bespierre et ses complices comme une
âécouverte dont la France devoit s'ho-
norer.
Malheur à ceux qui osoient témoi-
gner quelqu^intérêt pour des proscrits.
Dés qu un citoyen avoit été frappé par
Robespierre , il falloit que ses parens ,
que ses amis Foubliassent. Il falloit , pour
ne pas irriter la rage de ce tigre , ar-
racher de son cœur les affections les plus
chères , méconnoitre les devoirs les plus
saints, briser les liens du sang et de Ta-
initié.
Tousîes esprits étoient aîgrispar cet-
te conduite impérieuse ; mais on n osoit
pas faire éclater son mécontentement.
On cssayoit seulement de temps en
temps d'effrayer le tyran par des lettres
anonymes.
Cependant quelqu'un eut la hardiesse
de faire graver une estampe qui repré-
$entoit le Peuple Français sur la place
84 Crimes
de la révolution. L'échafaud s'élevait
au milieu des spectateurs , qui tous
étoient sans tête. On voyoit au bas de
réchafaud quelques corps qui venoient
d'être décapités; Le bourreau seul aroit
encore sa tête ;. mais étendu sur la fatale
planche , il se disposoit à se donner lui-
même la mort. On ne pouvoit mieux
peindre les tristes effets de la tyrannie
de Robespierre,
tHe scélérat n employoit que deux
sortes de prétextes pour faire assassi-
ner ceux qui avoient encouru sa haine.
Ou Ton a voit conspiré contre Tunité
et l'indivisibilité de la république, ou
Ion avoit conspiré contre lui*méme.
La jeune Renaud, etTAmiral, maî-
tre de pension , furent arrêtés comme
ayant voulu Tassassiner. On se rappelle
que la jeune Renaud s'étoit transpor-
tée dans la maison de Duplai , chez le-
quel demeuroit Robespierre, et qu elle
avoit demandé à lui parler. Son ton pa-
rut
DE Robespierre. 85
nit insolent , on Tarréta. Interrogée
pourquoi elle avoit voulu voir Robes-
pierre , elle répondit : « J ai voulu voir
» coi^meat étoât fait un tyran». Cette
réponse parut à Robespierre une preu-
ve évidente que cette jeune fille aVoit
voulu le poignâorder.»
Collot d'Herbois avoit été attaqué
par rAmîral. De cet attentat commis
sut- la personne de Collot , Robespierre
conclut que TAmiral avoit eu le pro-
jet de Fassassiner.
Cardinal tenoit une pension où il
rccevoit des enfans d'étrangers. Il fut
dénoncé comme ayant dit que les Fran-
çais étoient des lâches de se laisser ty-
ranAiser par Robespierre. Ce dernier
en conclud que Cardinal étoit un agent
de la faction de l'étranger, et qu'il
étoit certain qu'il avoit voulu l'assas-
siner.
En lisant le discours que ce tyran
prononça à la tribune de la conven-
Tome I. H
86' Crimes
tion , quelques jours après la visite de
la jeune Renaud , on seroit tenté do
croire qu'il étoit persuadé qu'elle avoic
voulu en effet attenter à sa vie,
« Réjouissons-nous , disoit-il dans ce
» discours, et rendons grâce au ciel,
» puisque nous avons assez bien servi
y> )a patrie pour avoir été jugés dignes
» des poignards ! Il est donc pour nous
s» de glorieux dangers^ à courir. Le se-
» jour de la cité en offîre au moins au-
» tant que le cliamp de bataille. Nous
» n avons rien à envier à nos braves
» frères d'annes j nous payons , de plus
« d'une manière , notre dette à la pa-
» trie.
» Il y a quelques mois que }e disoîs
» à mes collègues du comité de salut
»^ public : Si les armes de la république
» sont victorieuses , si nous étouffons
» les? factions , ils nous assassineront ;
» et je n'ai point du tout été étonné de
» voir se réaliser ma propliétie.
DE A0BESPIERR£. 87.
» Entouré d assassins , je me suîs dê-
» )à placé moi-inême dans le nouvel or-
» dre de choses où ils veulent m'en-
». voyer ; je ne tiens, plus à une vie pas-
» sagére ; je me sens mieux disposé à
» attaquer avec énergie tous les scélé-
»» rats qui conspirent contre mon pays
» et contre le genre humain. Je leur
.» laisserai du moins un testament , dont
» la lecture fera frémir les tyrans et
.» tous leurs complices ; je révélerai
» peut-être des secrets redoutables,
» qu'une sorte de prudence pusillani-
» me m'auroit déterminé à voiler. Si
» les mains perfides qui dirigent la rage
•» des assassins ne sont pas encore visi-
» blés pour tous les yeux, je laisserai
» au temps le soin de lever le voile qui
» les couvre.
» J'ai Vssez vécu ; j'ai vu le Peuple
» Français s'élancer du sein de l'avilis-
» sèment au faite de la gloire. J'ai vu
» Siis fers brisés , et les trônes coupables
H 2
SS G K 1 M É s
» qui pèsent sur la terre, prés d'être
» renversés sous ses mains triomplian-
» tes.
» Achevez , citoyens., achevez vos su-
*> blimes destinées. Vous nous avez pla*
» ces à Favaht - garde pour soutenir le
» premier effort des ennemis de Thu-
» manité ; nous mériterons cet hon«
» neur, et nous vous tracerons de no*
» tre sang la route de l'immortalité ».
En exagérant ainsi les prétendus dan-
gers qull avoit courus , Robespierre ns
s occupoit qu'à affermir sa tyrannie.
Pour la rendre plus formidable enco-
re, il trou voit que ses agens ne ver-
soient pas assez de sang humain. Quoi-
que les assassinats juridiques se multi-
pliassent chaque jour, il se pLaignoîc
souvent de ce qu'on ii'égorgooit pas à
la fois un assez grand nombre de vic-
times. Il surpassoit encore en cruauté
les féroces Dumas, Fouquier et Cof-
CnliaL
iJE Robespierre. 89
Aussi leur fit-2 plus d'une fois des re-
proches de ce qu ils ne vouloient pas
faire tomber plus de soixante têtes par
^ur ; il en vouloît au moins trois cents ,
et Ton assure même que dans des con^»
ciiiabules dont il étoit Famé , il fut ques-
tion de mener au Qiamp de Mars trois
mille proscrits à la fois , liés ensemble
et attachés à une longue chaîne de fer y
et de faire tirer sur eux le canon. C'est
en formant ces ptojets sanguinaires ,
que ce tigre , entouré des cadavres dont
il avoit couvert la France , osa invoquer
Fauteur de la nature , et demander qu'on
célébrât une fête en l'honneur de l'Etre
«upréme.
Dans ces affîreuses circonstances ,
tout serabloit annoncer que la puis-
sance de Robespierre seroit inébran-
lable. Ses collègues du comité le fia-
gornoient de la manière la plus servile.
Barrére l'appeloit, dans ses carznagn^O'
les, le républicain incorruptible ^ et le
go ' Grimes
patriote par excellence. Le vîl GouthoijL
faisoit à chaque instant lel<^e empha-
tique des vertus de son roaitre ; tandis
que Saint-Just poussoit la démence jus-
qu'à lui rendre des hommages divins,
et à exiger qu on partageât sa stupîdo
admiration. Robespierre n'étoit pas seu*
lement loué par ses compUces, il avoit
des écrivains à gages , qui étoien^ssez
déhontés pour le mettre au-dessus des
héros de lantiquité.
Si l'on rencontroit Robespierre dans
les rues, on Tappercevoit entouré de
satellites qui lui étôient dévoués. Le
même cortège Taccompagnoit dans les
cérémonies publiques, au milieu des
Jacobine , et j usqu'à là porte de la con-
vention.
Xorsqu'il avoit prononcé un discours
à la tribune , des crieurs forcenés se ré^
pandoient dans la ville , et arinonçoient
le grand discours , le sublime discours
de Maximilien,
DE Robespierre. 91
Ses courtisans étoient parvenus à un
tel point de dégradation, qu'on en a vu
pousser la bassesse jusqu'à baiser respec-
tueusement sa main,
Le tyran exerçoit un empire si ab-
solu sur tous les esprits, que la conven-
tion même alloit au devant des désirs
4e ce monstrfe. Elle décréta, en eflfet y
siir sa demande , qu on célébreroit une
. fcte en Thonneur de TEtre suprême ; et
comme il vouloit y remplir les fonc-
tions de grand prêtre , il se fit nommer
président , pour jouir des lionneurs de
la prééminence pendant la cérémonie.
Il parut sur Festrade éleVée dans le jar-
din des Tuileries , vêtu d'un liabit bleu ,
tenant un bouquet à la main, et tout
rayonnant de gloire. Après avoir pro-
noncé un discours emphatique, il se mit
à la tête de la convention pour se ren-
dre au Champ de Mars. Arrivé sur le
sommet de la montagne qu'on y avoit
construite , il agita d'une luainson bou»
Q% Crimes
quel, de Fautre son chapeau , et ce fat
ainsi qu'il invoqua FEtre suprême.
Depuis quelque te^inps k comité de
salut public étoit divisé en trois partis
bien prononcés. Deux de ces partis
fonnoient chacun un triumvirat. Uu
de ces triumvirats étoit composé de
Robespierre , de Saint- Just et de Oju-
thon; Fautre de Barrére, de Collet-
d'Herbois , de Billaud de Yarennes.
Dans F un et dans Fautre , il y avoit tm
égal désîr de dominer , une même éina-
lation à proscrire ; tous les deux maitri-
soient la convention , insultoient au
public par de faux rapports , et mépri-.
soient le peuple. Mais dans celui qui
comptoit Robespierre pour un de se«
membres , il y avoit plus d'insolence
encore et de férocité. Robespierre avoit
subjugué Saint-Just et Couthon , et vou-
ioit , avec eux , subjuguer le reste du
comité. Ce triumvirat ne refusoît aut
cune des têtes que Fautre lui deman-
D£ Robespierre. 9S
doit ; il en demandoit souvent que Fau-
tre , ou refusoit , ou n accordoit qu*a-
vec répugnahre. Ces contradictions
donnoient de riiiiineur à Robespierre.
Sa hauteur, ses menaces, ses injures ,
Tenvie qu ii déguisoit mal de dominer
au comité comme â la convention, ren-
dirent Barrére , Collot , Billaud , ses en-
nemis irréconciliables. Ceux-ci sachant
à quelle bête féroce ils avoient à faire ,
dissimulèrent leur haine ; mais ils ne
purent tellement la concentrer en eux-
mêmes , qu'ils ne la laissassent souvent
percer au-dehors. Robespierre , par la
seule manière dont ses propositions
étoient quelquefois reçues , devina ses
adversaii-es. Ombrageux à Texcés , ne
rêvant que conspirations , il se persuada
qu'ils complotoient sa perte ; il voulut
les devancer.
Il s'éloigna du comité, et n'assista
plus à ses séances. Son absence alarma
Barrére , Collot et Billaud. Ils virent
c)( Crimes
bien qu'ils étoient placés dans Taltema-
tive , ou de le perdre , ou d être perdus
par lui. Ils cherchèrent à lui susciter
des ennemis ^ principalement dans le
comité de sûreté générale ; mais ils ne
tardèrent pas à s'appercevoir que la po-
pularité le rendoit invulnérable. Ils pri-
rent donc le parti de le caresser , de re-
doubler pour lui de complaisance ; ils
devinrent, hors de rassemblée, ses cour-
tisans les plus assidus, et dans Tassem-'
blée , ainsi qu'aux Jacobins , ses pané-
gyristes les plus outrés.
Robespierre devint ainsi le maître de
toutes les délibérations du coBftité de
salut public. Non-seuleràent on'lui ac-
cordoit aveuglément ce qu il deman-
doit ; on n osoit encore rien décider ,
ians avoir eu préalablement son avis
et son agrément. Il profita de cet as-
cendant pour multiplier les listes de
proscription ; et celles qu'il présentoit
avoient toujours la priorité. Ce fut tou-
DE ROB'SSFICRRE. qS
jours chez lui que Fouquier-Tin ville
vint assidûment deméinder , tous les
soirs , les noms de ceux qu'il falloit
égorger le lendemain.
Robespierre se livra donc sans rete-
nue , à toute la férocité de son carac-
tère. Dans les six dernières semaines de
sa vie , il fit couler des tdrrens de sang.
Il étoit temps d'arrêter cet ennemi du
genre humain dans le cours de ses -as-
sassinats. Le moment arriva enfin. Le
comité de salut public ayant fait met-
tre , dans une maison d'arrêt , un juré
du tribunal révolutionnaire , on trouva
parmi ses papiers, une liste de pros-
cription dressée par Robespierre. On
lisoit sur cette li*te les noms de Bar-
rère , Billaud de Varennes , CoUot-
d'Herbois , et de plusieurs autres mem-
bres de la cbnventioa , entre autres ,
de Talfien , Fréron , Bourdon de l'Oise,
Garnier de l'Aube , Cambon.
Les députés proscrits , étant instruit»
96 Crimes*
du sort qui les attendoit , se réunirent ,
et arrêtèrent de prévenir Robespierre
en lattaquant. L'issue du combat étoic
incertaine ; mais quel risque couroit-
on de tenter la fortune ? Si on succom-
boit, on trouToit la mort; on la trou-
voit également en restant dans Tinac*
tion. Il n'y avbît pas à hésiter. Il fut
donc résolu de commencer iiacessam-
ment ce combat à mort.
Robespierre , soit pressentimem^soit
qn il eût été instruit , par ses espions^
de ce qui se tramoit contre lui , s'ef-
fraya. Cet homme si vain , si insolent ,
descendit , pour écarter lorage , aux
supplications. Il prononça dans la con-
vention , le 8 thermidor, un discours
dans lequel il vanta son patriotisme ,
et conjura la convention de croire qu'il
n,'ambitionnoit pas la dictature ; il eut
ensuite la mal*adresse , en finissant , de
s'emporter contre ceux de ses collègues
qu'il avoit proscrits, il en nomma quel-
ques-uns.
1>E ROBESPISRAS. ^y
q«es - uns , et entre autres Cambon^
Ceux qu'il ne. nomma pas , il les dési-
gna si bien , qu'ils ne purent se mécon^
ncHtre.
Les députés désignés eutent alors
rentière conviction qu^il avoit juré leur
mort, et ils n'en furent que plus ardens
à le devancer. La séance fut orageuse ;
mais les deux partis s'observèrent plutôt
qu'ils ne Se combattirent ; ils furent
plus timides que courageux. De part et
d'autre , les orateurs enveloppèrent
leurs pensées de phrases mystérieuses.
Tandis que Bourdon d^ l'Oise de-
mandoit le renvoi dû discours de Ro-
bespierre aux comités dé sûreté gêné-'
raie et de salut public , Barrérë faisoit
entendre ces roots ,• qui n'a voient aucun
sens : « Et moi aussi , j'estime la qualité
» de citoyen français j dans un pay«
9 libre , tout doit être connu ».
Gambon se plaignit de Ce que Ro-
bespierre l'avoit inculpé. Robespierre
2'ome L 1
g8 Crimes
r^^oodit qu'il avoit attaqué le système
actuel des finances , et non Fauteur du
système.
Vadier se plaignit également de ce
q\ie Robespierre àvoit attaqué im de
ses rapports. J'ai voulu , répondit Ro-
bespierre , attaquer le Mpport , et noa
le rapporteur.
Cout^OQ s'oi^Qsa alors à ce que le
discours de Robespiàixe fût renvoyé
aux deux comités ^ et dit : « Depuis
» long7temps il c^iiste un système d«
» calomnie contre les aftcieHs athlèteuf
9^ delà révolution. // esl de^ éères ini-
» moraux. La coRVeiitioa » dans sa œa-
» jorité , €,^t un exeiwple 4e la perfec-
n tion humaine. Méfiee-VK^HS des intri*
» gans y et que , dés «Hajoiird'hui , la
» ligne d^ dèsBafc'atàeai soit pronon*
» cée ».
Parmi les députés proscrits , Fréron
se montra le plus courageux. Il s'écria :
^ I^e moment de re8suscit?er la liberté ,
X)X RoB£SPilSRRS. gg
>» est celui à,e rétablir k liberté des opî*
» nion^. Quel est celui qui peut parler
» librement , lorsqu'il craint d'être ar*
» rété ? Je dêxnaade , ajouta'^-il , le rapt-
» port du décret qui accorde aux co»-
» mités le droit de faire arrêter leè
» membres de la tonirention ».
La proposition de Fréron fut forte*
ment appuyée.
Les membres du comité vouloienc
bien écraser Robespierre , mais ils ne
VQuloient pas qu'on les dépouillât du
4roit de faire arrêter un député sans
Tentendre. Biliaud^ surtout, frémit de
la proposition de Fréron , et il la réfuta
ainsi:
<c Si la proposition de Fréron étoit
s» adoptée , la convention seroit dan»
» un eut d'avilissement effrayant. Ce-
» lui que la crainte empêche de dire
» son avis , n'est pas digne du titre de
» Représentant du peuple ».
Ces débats occupèrent la séance , et
I z
loo Grimes
Robespierre eut Tavalitage de cette
lutte j car il fut décrété que son dis-
cours receyroit les honneurs de Tim-
pression , sans être soumis à Fexamen
•des- comités.
» En sortant de la convention , Robes-
pierre courut aux Jacobins pour y lire
«on discours. 11 y excita un entliousias-
tne général. Les Jacobins jurèrent ,
avec des sermens horribles , de le dé-
fendre jusquàla dernière goutte de
leur sang.
Le lendemain , la séance de la con-
vention commença paisiblement. Elle
avançoît avec le même cahne ; les heu-
res s'écouloient -, tout annônçoit qu elle
se termineroit sans orage. Quelqum-
^érét qu'eussent les proscrits à faire de
cette journée une joutnée décisive , il
sembloit qu'aucun n osoit donner 1©
premier signal de Tattàque ; il sembloit
que Robespierre faisoit encore tr çmbler
ses ennemis.
DE Robespierre. ioi
Tout-à-coup Saint- Just monte à la
tribune , et commence le discours sui-
vant :
«Je ne suis d'aucune faction. . Je
» viens vous dire que les membres du
» gouvernement ont quitté la route de
» la justice. Les comités de salut pu-
» bUc et de sûreté générale m'a voient
» chargé de faire un rapport sur les
«/causes qui , depuis quelque temps,
» semblent tourmenter Topinion pu-
» blique Mais je ne m'adresse
» qu'à vous. . . . On a voulu répandre
» que le gouvernement étoit divisé ;.,..
» il ne l'est pas ».
L'orateur n'alla pas plus loin. Tallien
rinterrompit en s' écriant :
« Aucun bon citoyen ne peut rete-
» nir ses larmes sur les maUieurs de la
» patrie. Hier on a commencé à atta-
•» quer le gouvernement , aujourd'hui
» un autre membre vient vous débiter
» les mêmes maximes ; moi je vien«
102 Crimes ,
» demaxider que le rideau soît arra-
» ché. . . . » .
Billaud de Varennes dit alors :
« Je demande que l'on s'explique.
» La convention est entre deux égor-
» gemens. Oui , vous £rémirez d'hor-
» reur , quand vous saurez la situation
» où nous sommes ; que la force publî-
» que est entre les mains d'un homme
» que le comité a dénoncé ; qu'un
» membre l'a maintenu en^place ; que ,
» depuis xln mois , ce membre médite
» la dissolution de la représentation na*
» tionale ; et qu'enfin ce membre est
» Robespierre,
» Des listes de proscription ont été
» dressées. Je le demande : est-il un re-
» présentant du peuple qui voulût exis-
»> ter sous un tyran » ?
Robespierre , comme frappé de la
foudre , reste immobile ; lui , devant
qui ses collègues trembloient il y adeux,
jours j tremble à son tour. Il s'enlurdit
DE ROBXSfIERRE. lo3
ensuite , se lève , agite les mains , et de-
mande qu'il lui soit perçois de parler.
Tallien lui lance un regard furieux y lui
fait un geste menaçant , lui ferme la
bouche , et dit :
« Par ce que je viens de voir, les
» conjurés seront anéantis, et la liberté
» triompherai).
£n disant ces mots , Tallien tire uli
poignard , le fait briller aux yeux des
spectateurs, et continue :
« C'étoit dans la maison de Robes-
» pierre où Ton conapiroit , où Ton
» dressoit des listes de proscription*
» J'ai vu la séance d'hier , j'ai vu celle
a» des Jacobins , et s'il étoit possible que
» le décret d accusation ne fut pas por-
» té contre Robespierre , je me tuerois
» à l'instant même avec ce ppignard.
a> Hier un memWe du tribunal révo-
» lutionnaire voulut porter le peuple à
» insulter un représentant , et ce repré-
» sentant a été insulté* On sait que Ror
104 CïlîMtS^
» bèspîerre a composé ce tribunal. Cet
»> homme A défendu aux journalistes de
"y» publier ses discours avant de les lui
y> avoir communiqués. Et moi} adjure
» les journalistes patriotes de nous aider
» à sauver la iilrertè.. Catilina est dans
» rassemblée». •
Tallien conclut, en demandant un
décret d'accusation contre Robespier-
re , Henriot^ ie général La Valette. Sa
proposition fut- fortement appuyée.
Dehnas «t Barrére se firent surtout re-
marquer. BïUaud les animoit du ^este
et de la voix.- CoUot qui présidoit , les
secondoit de tout son pouvoir. Cepen-
dant ils n*ob tinrent pas d'abord une
victoire cèmplette. Il intervint seule-
ment un décret qui mit en arrestation
Henriot , d'Aubigni , Lavalette, Du-
fraisse , tous les> chefs de l'état - major
de la garde nationale , et SijaS.
Pendant que le président prononçoit
ces diverses arrestations, Robespierre
'' DE Robespierre. io5
s'étoit emparé de la tribune. Dés qu on
s'apperçut qu'il Foccupoit, on cria de
toutes parts : à bas , à bas le Crom^
wel ! Robespierre fit des efforts in-
croyables pour être entendu. « Tu ne
» parleras pas , lui cria un député , le
» sang de Danton retombe sur ta tête ,
» il coule dans ta bouche , il t'étouffe ».
Ecumant de rage , et grinçant les
dents , Robespierre s'écrie : « Ah ! ah I
» brigands , c'est donc Danton 1.... » Ya-
dier l'interrompit , le fit descendre de
la tribune , et parla en ces termes :
ce Robespierre est un tyran ; c'est un
» personnage astucieux, qui a pris tous
9» les masques , qui s'est attaché à tous
» les conspirateurs , et les a abandon-
iy nés pour éloigner les soupçons. Il a
» défendu Chabot , Camille - Desmou-
» lins, Danton.
» C'est lui qui a nommé les membres
» du tribunal révolutionnaire , et qui
» en a remis la liste à Couthon , sans la
io6 Crimes
» communiquer aux comités. H a îiv-
» carcéré , de son autorité privée , un
» comité révolutionnaire qui est connu
» par son patriotisme.
» Il vous a dit dans son discours ,
9» qu'il ne se mêloit pas des arrestations.
» Non ) il ne se mêle pas d'arrêter les
» ennemis du peuple , mais bien de ,
» sauver les coupables , et d opprimer
» l'innocent.
» Vous avez rendu un décret qui en-
» voie au tribunal révolutionnaire les
» auteurs d'une conspiration. £h bien !
» Robespierre n'a pas voulu que votre
» décret fut exécuté ; il a défendu àl'ac-
» cusateur public de suivre cette ajEPaire.
» Lorsque j'en ai parlé à l'accusateur
» pubKc , il m'a répondu , en parlant du
» comité ; ce n'est pas ils , mais îl qui
» s'y oppose, et je ne peux faire autre-
» ment.
» Robespierre a une armée d'espions
» qu'il a reyêtus de pouvoirs pour s'iiv
DE ROBESPIERRI!. I07 •
» troduîre par tout. Ils épient toutes le»
» démarches, et les discours les plus in-
» nocens. Si Fon t!émoigne quelques in-
» quiétudes sur la marche de Robes-
» pierrCjalors Robespierre raisonne mo-
y> destement ainsi : Je suis le meilleur
» ami du peuple , et le plus grand dé-
'» f(Miseur de la liberté ; on m attaqué ,
» donc on conspire , donc il faut me dé-
»> faire de ces gens-là. Néron raison-
» noit-il autrement » ?
Le discours de Vadier produisit le
plus grand effet sur tous les esprits. Do
toutes piEu-ts on vit éclater des mour-
veinens d'indignation. Les tribunes ,
comme ]; assemblée, témoignèrent Fhor-
reur que leur inspiix)it Robespierre. Se
voyant abandonné , il se tourna vers ses
complices , les regarda avec des yeux
où se peignoit la fureur , et leur cria :.
vous eues des lâches ! Il se tourna en-
suite vers le côté droit , lui tendant les
bras, et il s'écria ; eh bien! je inor
io8 Grimes
dress^e à la vertu. Mais le Côté droit '
rejeta sa prière avec indignation.
TaUien demanda alors la parole pour
ramener , disoit-il , la discussion à son
^ vrai point.
Je saurai Vy ramener l s'écria Ro-
bespierre. Il alloit continuer; mais des
murmures couvrirent sa voix, et la pa-
role fut accordée à TaUien.
« Ce n'est point , dit ce député , à des
» faits particuliers que je m'arrête. C'est
» sur le discours prononcé liier dans
» cette tribune , et répété aux Jacobins,
» que je veux fixer l'attention de la con-
» vention. C'est là que je rencontre le
» tyran , et que je trouve toute la cons-
» piratîon. C'est dans ce discours que je
» veux trouver des armes pour le ter-
» rasser , .cet homme dont la vertu et le
«patriotisme étoient tant "vantés j mais
« qu'on avoit vu, à l'époque mémorable
» du 10 août , ne paroitre que trois
» jours après la révolution. Cet liomjne
, »qui
DE ROBE«P IKK R E. IO9
» qui devant être dans le/ïcMiiité de salut ;
» public, le défenseur' des 'opprimés;
» qui , devant être à son poste , Fa abaa-
» donné depuis quatre, décades. Et à'
» quelle époque ? lorsque Farmée du
» nord donnoit à- ses collègues de vives
» sollicitudes. Il la aljandonné poiu: ca-
» lomnier les coiiiîtés qui ont sauvé la
» patrie. Certes si je voulois retracer les
» actes d'oppression particuliers qui ont
» eu lieu , je remarquerois que c*est
» pendant le temps que Robespierre a
» été chargé de la police générale , qu'ils
» ont été commis n. >
Robespierre se répandit alors en. in-
vectives contre Tallien et le président ;
mais sa voix fut encore couverte par !•«•
murmures de rassemblée. Loucliet dit
alors : « je demande le décret d*arresta-'
» tion contre Robespierre ». ' •
Un autre membre ajouta t « Il est
» constant que Robespierre ^a été domi-
» nateur ; je demande , _pour cela seul ,
2'onie I. K
\
210 Crimes
>i un déeret d'accusation contre lui ».
lï Ma mfotîoh étant appuyée , reprit
sïLouchet, je demande que Farresta-
r tion soit mise aux. voix ».
Robespierre jeune s'écria alors r « je
» suis aussi coupable que mon frère , je
'ï partage ses vertus , je demande aussi
w un décret d'accusation ».
Robespierre laine ayant apostroplié
le président et tous les membres de ras-
semblée, dans les termes les plus inju-
rieux, un député dit : « président,
M est-ce qu'un liomm'e sera le maître de
» la convention » ? Lozeau : a aux voix
3* î arrestation des deux frères ^.
Btllaud de Varennes. — J^i des faits
positifs, que Robespierre ne pourra pas
denier. Je citerai d'abord le reproclie
qu'il a fait au comité , d'avoir voulu dé-
sarmer les citoyens.
Owî ,■ s'écria Robespierre , J'ai dit
é^it'il y f^voit des^ scélérats, .... Des
murmures rempêchent de continuer.
DE Ro B' È SI» lE R R E. m
Blllaud de YftreRnes ajtiuta : — a Je
dîsols que Robespierre a reproché au
comité d'avoir désarmé les citoyens. Eli
)>ien, cest lui seul qui a pris cet arrêté.
f.i accuse le gouA^er,nement d avioir fuit
disparoitre tous les monumens consa*-
crés à rEtr« suprême i eh bien , appre*
nez qpe c'est par Coutlion.»... Ce der-
nier , prenant la parole , s'écria ; ouï ,
y y ai coopéré»
^ Aux voix Tarrestation •, crient plu-
sieursi membres. Le présddent layant
mise aux voix , elle fut décrétée,
« Je ne veux, pas partager l'opprobre
?» de ce décret , dit Lebas en fureur ;
?>..)e demande aussi un décret d'arrcsta-
» tion ».
Comme on n'avoit encore prononcé
qu'un décret contre Robespierre ainé^
plusieurs députés demandèrent que ce
. décret fut étendu à Robespierre jeune,
à Saîrit-Just , à Coutlion et à Lebas.
K a
tiia .C« 1 ME s
Le préaïdfent* mit cette proposition
aux voix , et elle fut décrétée au milieu
."des plus vifs applaudissemens.
Collot d'Herbois dit alors ; — 1< Il est
une mesure que je crois essentielle^
c'est de demander que Saînt-Just dé-
pose sur le bureau le discours qu'il de-
voit prononcer , pour. contribuer aussi -
à amener la contre-révolution ».'
Cette proposition ayanlj été adoptée ,
CoUot dit ; — * « vous venez, citoyens ,
de sauver la patrie. -î— La patrie sotrpi*
rante, et le sein. presque déchiré, ne
vous a pas parlé en vain. Vos ennemis
disoient qu'il falloit encore un 3i mai ».
■ • Il pn a menti , s'écria brasquêment
Robespierre aîné.
Clausel demanda qae les huissiers
exécutassent le décret d'arrestatiom .
' A laharre y à laburre ) Crie-t*6n
de toutes parts. D'autres voix .*' o«i;,
oui y à la barre^ • > .
La convention ayant décrété cette
BC RoBBSP'IfiRRS. Il3
proposition , les pri&rehus deseenilîrent
enfin à la barte.
CoUot reprenant la parole , dît ï -;— <c Ci-
toyens, la patrie sourit à votre énergie.
Ses ennemis disoient qu^'ii' fcdSoît une
insurrection du 5i mai. Non , ce n'é-
toit pas une insurrection qu'il fàlloit ,
car cent miUe contre-révolutionnaires
étoient prêts à saisir le premier mouve-
ment pour égorger la liberté. Je le di-
rai , ^'étoient les véritables proscrip-
tions de Sylla ; car il ne s'agissoit pas ici
d'amis où d'ennemis du peuple ; il s a-
gissoit de proscrire ceux qui ne vou-
loient pas obéir à tel ou tel individu. Je
vais citer un fait qui prouvera que Ro-
bespierre, qui depuis long-temps ne
parloit que de Marat, a toujours dé-
testé cet ami constant du peuple. A la
fête funèbre de Marat , Robespieire
parla long-temps à la tribune qu onavoit
dressée devant le Luxembourg , et ïe
nom de Marat ne sortit pas une seule
/ois/de sa bouclfts. Le peuple peut-îl
croire qu'on aime Marat, quand on dé-
clare arec humeur qu on ne veut pas
lui écre assimilé » ?
Je dois y dit dans ce moment Dubois
de Crancé , xendr.c hommage à la sa-
gacité de Marat ; à Tépoque du juge-^
ment de Capet , il me dit en parlant de
Robespierre : — tu vois bien ce co'*
^uirp-là ? — Comment coquin l-^Otii^
reprit-il , cet homme est plus danger
reux pour la . liberté , if ne tous les
despotes coalisés, ^ ^
Tandis qu'on discutoit à la conven-
tion, les partisans de Robespierre ne
perdirent pas un moment pour rassem-
bler et électriser leurs complices.
L antre des Jacobins et la maison coixh
mune étaient les deux repaires où s'ai-
guisoient les poignards qui dévoient
sauver le tyran.
Le parti de Robespierre prenoit tou-
tes les précautions qu'exigeoit la g-avité
DE ROBESPIEREC. Il5
âe^ circonstances. Les Jacobins se réu*
nissoîént dans leur salle y et envoyoient
des conjurés soul^v«r les sections, le
camp de la plaine des Sablons, les ou*
yriers de Grenelle. La commune faisoit
sonner le tocsin ; elle ccuvroit la Grève
d'hommes armés , et faîsoit traîner sur
le quai Pelletier des pièces d^artillerie.
Elle faisoit fermer les barrières de la
ville , et invitoit les sections à la révolte
par la proclamation suivante :
« Une faction Veut opprimer les pa-
» tr^otes. Du courage! —Le point de
V réunion est à la commune , et le brave
» Henriot exécute ses ordres : vous ne
» devez obéir qu'à lui seul «•
De son côté Henriot parcouroit les
rues entouré de gendarmes. S'avançant
au ]inilieu des groupes , il crioit : v A
9 moi , mes amis ! qui m'aime me suive ;
» aux armes î on égorge dans ce mo-
» ment, on assasine le citoyen Robes-
» pierre ».
11 6 Crimes
Tandis que la commune s'apprêtoît a
soutenir un sîége, et concertoit avec
les Jacobins, avec le tribunal révolu-
tionnaire , avec la plupart des i!nembres
Aes comités révolutionnaires , une san- '
glante insurrection , des gens envoyés
par Henriot se précipitoient vers lé pa-
lais des Tuil^ies; des canonniers trai-
îioîent leurs canons jusqu'aux portes de
rassemblée nationale , et les tournoient
contre elle ; une horde d'hommes armés
pénétroit dans la salle où étoien^ réunis
les comités de sûreté générale et de sa-
lut public , et Vouloit en arracher les
cinq députés décrétés d'accusation ;
mais des s^dats Hdelles mirent en fuite
les bandits qui assiégeoîent les comités,
s'emparèrent des cinq prévenus et les
conduisirent en prison.
Le concierge du Luxembourg ayant
refusé de recevoir Robespierre , celui-
ci fut conduit à la maison commune,
DE Robespierre. 117
où il fut accueilli avec de bruyans^ap-
plaudissemens.
Lostruite de lia révolte de la commu-
ne , la convention en mit les membres
JiOrs laloi. Henriot se présenta de nou-
veau dans la cour des Tuileries, avec
un petit nombre de scélérats qu il avoit
ramassés. Sans s- effrayer de. cette auda-
ce , la convention le mit kôrs la loi. Aus-
sitôt mille voix crièrent au-dehors :
4c. Arrêtez Henriot ; il est liors la loi ^ l
Hènxiot , épouvanté de ces cris,' quitta
brusquement le champ de bataille , et
alla se réunir à Robespierre. La conven-
tion, mit. également hors laloiRobes-
pi{si3fe et. les autres députés .qui étoient
atoemblés à la maison commulie.
- . En prononçant ce décret, Thuriot ,
qui'jdans ce moment présidoit^ s'écria c
(c Les conspirateurs sont«^OFS la loi; il
» est du devoir de tout républicain de
» les tuer; le Panthéon, attend, celui
ii8 Crimes
\
» qui apportera la tête du scélérat Hen-
» riot »!
Deux des d^yputés qui s^étoient mis à
Ja tète de la force armée , suivis des sec-
tions des Graviiliers, des Arcis et des
Lombards, marchèrent en bon ordre
sur la commune. Les canonnîers qu'elle
avoit mis en bataille sur. le quai Pelle-
tier , instruits par ces deux députe?» qa«
tou? se* membres étoient hors la loi,
tournèrent contre elle-même leurs ca*
nons. La.mtiison commune fut investie ,
et ils entrèrent dans la salle où les con-i
jurés délibéraient. A la vue des deuxdé'^
putes , Feffroi les saisit ; 41s perdirent
tout espoir.' Robespierre, aussi là(^^
que cruel, se cacha dans une des sal-
les âoÀà inAtsoii comirtune. On Vy trou-
va p Aie et treiiiWcmt, bloti contite.un
innr. Un gendarme , en Fappercevant ^
lui tira deux coups de pistolet, dont
im lui :c assit. la. mâchoire. Il tomba bai*
DE R OITES P 1ER R E. II9
gné dans son sang. On le releva , et on
le plana sur un fauteuil de cuir rouge.
Sa maclioire inférieure étant détachée,
on passa , pour la rapprocher de Tau-
tre , une bande sous son menton , qu on
noua sur sa tête. Ce fut dans ce déplo-
rable état qu'on le conduisit sur les six
heures et demie du matin, au comité de
sûreté générale ; il tenoit dans sa mnin
droite un mouçlioir blanc sur lequel il
a5>pu70Ît son menton. Lorsqu'il arriva
au comité , on demanda^à la convention
si elle vbuloit qu'il parût à la barre ;
« Non, non, s'écria-t-on d'une voix
» unanime , il ne faut pas que cette en-
» ceinte soit souillée par la présence de
n ce scélérat ». Il fut donc déposé au
comité de sûreté générale, où on reten-
dit sur une table ; le malheureux , le vi-
~ Sage pâle , la tête ouverte , les traits-hl-
deusement défigurés, rendant à gros
bouillons le sang parles yeux, les nar-
rines et la bouclie , reçut , pendant plu^
120 Crimes
sieurs heures , les injures et les reproches
de ceux qui renvironnoient. On a as-
suré que la plupart des spectateurs lui
crachérenjt au visage , en Faccablant de
malédictionSé D parut souffîrir avec par
tience ces outrages. Il ne lui échappa
aucune plainte , et il ne répondit à au-'
cune des questions que lui firent ses col-
lègues du comité.
Sur les neuf heures du matin on le
plaça de nouveau sur le fauteuil qui
avoit servi à, le conduire au coI^ité, et
on le transporta à l'Hôtel-Dieu , au-mi-
lieu d'une multitude immense qui ac-
couroit sur son passage. Un chirurgien
ayant mis un appareil sur ses blessures ^
il fut tiré de l'hospice et conduit à la
Conciergerie , où il fui, jeté dans un ca-
clioç pour y attendre le bourreau ; mais
avant de lui être livré , il fut conduit à
laudience du tribunal révolutionnaire ,
pour y être reconnu. Cette formalité
ayant été remplie , le boureau s'empara
de
DE ROB KS P I B R K È. 121
de Robespierre et de ses compKces.
A quatre heures du soir, le lo thcnni-
dor^ le cortège sinistre sortit de la cour
du palais. Jamais on aroit vu une tel-
le affluence de peuple. Les' tues étdient
engorgées. Des spectateurs de tout âge ,
de tout sexe , reinplissoient les fenêtres ;
on voyoit des hommes montés jusque»
sur le faite des maisons. L'aîégresse étoit
univjerselle. £lle semanifestoit avec une
sorte de fureur. Plus la haine qu'on por-
toit à ces scélérats avoitité comprimée ,
plus lexplosion en étoit bruyante. Cha-
cun voyoit en eux ses ennemis. Chacun
applaudissoit avec ivresse , et sembloit
regretter de ne pouvoir applaudir da-
vantage. Les regards s'attachoient sur-
tout à la charrette qui portoit les deux
Robespierre , Gôuthon et Henriot. Ces
misérables , mutilés et couverts de sang,
ressembloient à des bandits que la gen-
darmerie a surpris dans un bois , etdoni
elle n'a pu se saisir qu'en les blessant.
2'o7ne /. L
122 C K I M £ S
Op remarqua que Robespierre avoît,
> en allant à Téchafaud , le même liabijt
qu'il pôrtoit le jour où il av^oit procla-
mé Texisteace de TÉtre suprême aa
Champ de Mars.
Il est difficile de peindre, sa conte-
nance. Rien ne rappeloit l'idée de lasu*
préme puissance qu'il cxerçoit vingt-
quatre heures auparavant. Ce n*étoit
pjus le tyran des Jacobins , ni le domi-
nateur insolent de la convention ; c'étoit
un malheureux, dont le visage étoit à
moitié couvert par un linge sale et en-
sanglanté. Ce qu'on appercevoit de se«
traits, étoIt horriblement défiguré. Une
pâleur livide achevoit de le rendre af-
freux. Soit qu'il fut accablé par les dou-
leurs que lui causoîent ses blessutes , ou
que soname fut décliirée parles remords
causés par le souvenir de ses forfaits , il
affecta d'avoir les yeux baissés et pres-
que fermés.
Ce fut clans cet état qu'il traversa les
ti E Ko B* E s P I E R R E. laS
quais et la rue Saint-Honoré. Arrivé au
milieu de la rue ci-devant royale , il fut
tiré de lespèce de léthargie dans laquel-
le a étoit y par une circonstance qui mê*»
rite d'être conservée dans Thistoire.
Une femme Tatt^ndoit dans cet en-
droit. £12e étoitrproprement habiHée et
d'un âge moyen. En appercevant la
charrette qui poïteùt Robespierre y elle
fendit la presse et saisit avec une de ses
moins les barreaux de la charrette. La
contenance -et la manière de s'exprimer
de cette femme y annonçoit qu'elle avpit
reçu la meilleure éducation. Tandii
qu'elle étoit attacliée^ la cliariwtte par
une de sesmains eUemehaçoitde l'autre
Robespierre, erlui crioit : «« monstre^
» vomi pa* les enfers, ton supjïlice
» m'enivre de- joie ».- A ces mpts Robes-
pierre entrouvrit les yeux et leva les
épaules. «• Monstre abominable, confti^
» mia cette femme , je n'ai qu'un regret y
». c'est que tu n'ayespas imlle vies pour
La
ia4 Crimes
» jouir du plaisir de té les voir toutes
» arracher Tune après Tautre >>. Cette
nouvelle apostrophe parut importuner
'Robespierre ; maïs il ne rouvrit pas ses
paupières. Alors la femme courageuse
lui dit en le quittant près de réchafaud :
<c Vas , scélérat ; descends au tombeau
» avec les malédictioaos de toutes les
» épouses , de toutes lès mères de famil-
» le» !On a présumé que Robespierre
a voit privé cette femme d'un époux oit
d'un fils. Ses accens douloureux durent
pénétrer dans son ame. Cette torture
morale étoit sans doute bien foible pour
expier des CFÎme»*^ussi énormes que
ceux dont Robespierre s'étoit rendu
coupable; mais ce fût au moins une
satisfaction pour les âmes sensijjles d ap-
prendre que ce monstre Favoit éprou-
vée, et qu'elle aVoit pu augmenter
Thorreur' du supplice trop doax qull
^Uoit* subir, -.i -, . . •
Lorsqne la charrette fui arrivés ùu
nm 'ROBESPIEKRX. 125
pied de réchaJfeud , les valets du bour-%
teau descendûfent le tyran et reten-
dirent par terre jusqu'au marnent ""oâf
son tour Vint de recevoir la mort. On
observa que pendant le ^)telnps qu'on
exééutoit ses complices ,il ne donna aur
cun signedé sensibilité. Ses yeux furent'
constapunent ferziiés , et ir n« les tou^
Vrit qùelorsqu il se sentit transporter
sur réchafaud. On prétend ^u «n àp-
percevant le fatal instrument, il- poussa
un douloureux soupir; niais avant de
recevoir la ratort , il eut une souffrance
cruelle à endurer. Après avoî^ ^^té son^
habit," qui .étoit, croisé 8ur ses épaules,
le boujreau lut arracha bruissement
l'appareil que le ichirùgiî&n'^a^pôir mis
sur ses blessures. La/m achoire inférieure
se détacha alors de la mâchoire supé-
rieure , et laissant jaillir des flots de sang ,
la tête de ce misérable n'offrit plus qu'un
objet monstrueux et dégoûtant. Lors-
qu'ensuite cette tête effoyable eut été
126 G&IMBS DE HOBESPIfiRlCC.i
/^oupjèe , et que le bourreau la prkpar
Ibs cheveux pour la montrer au peuple y
•lie préseufâ l 'iinage là plus hsDrribl»
^uon puisse se peiadre;.
C'est ainsi que le plus grand scélérat
que la n^ure humaine ait> produit^ a
terinÀfté sa carrière. S'il n'eut pas été
arrêté dans le cours de ses attentats ; s'il
eut vécu encore sk mois, il eût fait ex-
t^rj^nin^r le tiers de la population de la
yraijce;' •
l 'Puis^e^- r.^xé«i;^tîon de la génération
'gré$^xi!lie. §,% de. la postérité , s'attacher
1^^ ces$ei|i sa mém(^irA y et remuer écer-
nellement^ejs cendres , pour appaiserles
manes^^^df^S'-victimes que ce monstre a
iintu^léed^â iei fatale auibition 1
F m' du l^îHe premier.
geok(;k s roTTTiiox
LES CRIMES
DE ROBESPIERiUE,
BT PB
SES PRINCIPAUX COMPLICES;
Leur supplice ;là mort de Marat ; son
apothéose ; le procès et le supplice
de Ghaelotts Gorday*
TOME II-
A PARIS,
Chez Des Essarts 9 Libraire ^ me du Théâtre
Français f N.^ 9 , au coin de la Placç»
An y. (1797 V* «t.)
PRECIS HISTORIQUE ,
DE I-A VJP ET DES CllIMEÇ
DE COUTHON.
Li A nature sembloit avdir disposé Coa?
thon à toutes les vertus douces qui at»
tachent à Thumanité, etfontle charme
de la vie sociale. Il avoit une de ce^
physionomies lieureuses , où la candeuc
paroissoit avoir fixé son asyle ; sa voix
étoit toucliante , son langage doucereux
et persuasif; la sensibilité se peignoit
dans ses regards , et son abord affabla
sembloit «ippeler la franchise et com-
mander la confiance.
L'infirmité à laquelle il étoit en proie ,
avoit rendu ces dons de la nature plus
touchans encore ; et quand on appre->.
noit surtout qu'il la deVoit à son amour
excessif pour la femme qu'il avoit épou-
sée , riutérét qu il inspiroit devenoit,
A a
CtEoii gf. s cou tu o:sr
LES CRIMES
DE ROBESPIERRE ,
Br DE
SES PRINCIPAUX COMPLICES;
Leur supplice ; là mort de Marat ; son
apothéose ; le procès et le supplice
de Ghaelottb Corday.
TOME II.
A P A R I S ^
Chez Des Essarts 9 Libraire ^ me du Théâtre
Français I N.^ 9 y au coin de la PUcç»
An y. (1797 V* «t.)
6 Grimes
» dans le public , dit-il ; on ose parler
» de royauté ;' mais les rois ne convien-
» nent qu'à des esclaves ; j'ai entendu
» parler , et j'en ai frémi , de dittateur ,
» de triumvirat; je crois que c'est ime
» calomnie de nos ennemis. Il.con vient
» donc à la convention d'exposer clai-
» rement les principes qui font la base
» de ses opérations : jurons tous la sou-
M veraineté du peuple , toute cette sou
» veraineté , rien que cette souveredne-
» té ; décrétons la peine de mort con-
» tre ceux qui oseroient porter atteinte
» à la souveraineté du peuple , à la li-
» berté et à l'cgalké ».
Qui eût dit alors que cet homiïie ,
qui mettait tant d'importance à assurer
la liberté des Français , en seroit un .
jour le . plus sanguinaire ennemi , et
qu'il feroit partie de ce triumvirat
dont le nom seul le &isoit frémir d'hor-
reur.^
Son kngage insinuant , ses propo-
dbGouthon. 7'
suions qu'un esprit de paix sembloit.
toujours lui dicter , ses réflexions/ hy-
pocrites , les larmes dont ses yeux se
^mouilioipnt en parJant du bonlieur du
peuple et de lamour de la patrie ; une
grande apparence de douceur et d©
modération le firent bientôt distin-
guer dans la nouvelle assemblée , on
le crut vertueux*
Mais le fonds de son ame n avoit
point échappé à Robespierre , dont le
grand intérêt étoit de se former do
loin des complices qui pussent , les
uns par leur hypocrisie , les autres par
leur enthousiasme fanatique^ lui ai-
der à jeter les fondemens -de sa 'ty-
rannie. ' ' '
Il se forma donc entre Robespierre
et Couthon une étroite amitié. On se?
demandera peut»<tre comment Robes-
pierre qui a sacrifié ses meilleurs amis ,
et qui les a tous prétîipités , les uns
après les autres, sur Técliafaud , a pu
8 . C R I MX s
excepter Couthan de ]a disgrâce com-
mune à ses pareils ; c «st que jamais il
ne fut d'homme aussi bas et aussi ram-
pant auprès de Robespierre , que Cou-
thon : malheur à quiconque osoit dou-
teir devant lui de Fincorruptibili^é de
Robespierre , son arrêt de mort étoit
prononcé , et tôt ou tard il de voit ex-
pier son audace sur Féchafaud. L'am-
bition qui dominoit cet homme , en
qui les sotirces de la vie ^toient à moi-
tié détruites, étoit le principe de ce
dévouement sérvilo et criminel. Cou-
thon ayoit vu que Robespierre mar-
choit à grands pas vers la domination ,
et âl s'étoit .fortement attaché à son
char , pour monter avec lui au pou-*
1$qîr suprême , dont il convoitoît eiî
aecret une portion.
Aussi fut-il' constamment lapologiste
des mesures révolutionnaires qui en-
Iroient dans . lès^ vaes de Robespierre »
«tqui devoîcfnthii'applanîr le chemin
peCovtson. 9
de la dictature. Quelquefois même il
osa étire son organe , comme pour lui
épargner la konte des pooposîtions les
plus désastreuses , et le sauver des suites
de rindignation publique, si elles ve-*
noient à soulever Topinion contre eUes.
C'est ainsi que le 22 prairial on Fen-
tendit d'une voix hîrpocrite , proposer
la loi de sang qu avoit rédigée son ami.
L'histoire remarquera que les lois les
plus sanguinaires qui aVoient été ar-
rachées à la convention, avoient été
conçues pu proposées pair cet infâme,
ministre de la tyrannie de Robespierre.
Son génie fécond en inventions atro-
ces , sembloit ne se reposer que lorsque
fes âammes ou Téchafaud avoient tout
dévoré autour de lui.
Tout entier à son système de vzV*
force , qui n'étoit que Fart funeste de
faire crouler des cités , de les livrer
aux flammes , et d'anéantir la gêné-
ration entière par le fer et le feu ;
lo Crimes
c'est lui qui , repoussant tout moyen
de conciliation , a causé les désastres
de Lyon , et a plongé cette cité , ja-
dis si florissante , dans une désolation
étemelle.
H ne faut , pour s'en convaincre ,
que lire la lettre que lui écrivoit , au
moment où il présidoit le comité de
salut public , un d^ ses collègues qui ,
sans doute , n étoit pas dans le secret
des desseins médités contre la ¥ille de
Lyon.
« Un motif bien intéressant pour un
» patriote tel que vous , me détermine
» à vous écrir-e pour vous prier de
» prendre connoîssance d'une lettre
» que j'écris par ce' même courrier,
» à Lacroix notre collègue. Vous y
» verrez la douce attente dsins laquelle
» nous sommes ici pour la ville de.
» Lyon. Oui , je vous l'assure , et
» croyez que je n'ai point l'art de
» tromper, vous ave» été mal instruit,
deCouthon. ït
» et hyonnest pas aussi coupable
» qu'on voifis Vu présenté. Je vous ci-
» terai plusieurs faits insérés dans un
» rapport que vous avez fait sur cette
» ville , et dont nous avons vu le con-
» traire. Lyon en masse est bon , et
» vous allez voir bientôt les plus lieu-
i> reux. résultats de mes promesses ; tâ-
» chez d'empéclier qu'une pareille vil-
i> le soit désolée , et que ^ sans s' entendre ,
» des milliers de patriotes s entregor-
» gent mutuellement , tandis que les
» un2î' et les autres veulent le bien , et
» ne veulent surtout que la républi-
» que *». \
Mais c*étoiè à un tigre que parloit ce
député : Coutlion trouvant cruelles et
intolérables les lenteurs du siège de
Lyon, alla consommer lui-même le dé-
sastre de cette mallieureuse ville , et la
livra , vaincue , ^ans défe«|e , à Finfâme
Cbllot-d'Herbois , son digne émule , qui
acheva sa ruine par des attentats qui
12 Crimes
porteront rhorreur gU son «ojii ju^
qu flux siècles les plus xfi(iviés.
En traçant le pprtrak da scélérat
Couthon , nous désbrerioiis bien r«p«*
puyer de quelques-uns àb ces. mono-
mens d'h^rpocrisie profonde , dont This-
toire de la convention nationale OI&0
presqu a chaque page des traits Êrâp-^
pans , et qui servoient à courrir la per*
versité de son ame , eomitie les Beurs
qui naissent sur une eau bourbeuse et
infecte, en^eclient d'appercer<Nur la
corruption qui fermemte sous leur tige |
mais le. cercle étroit dans lequel nous
nous sommes circonscrits, ne nous per»
met guère de ces sortes dé citations; il
nous suffira de dire que ce qo^il 7 a de
plus sacré parmi les hommes , a servi
de voile et de prétexte aux barbaries dei
cet hypocrite infàme«
Jamais on ^'a prononcé le nom de
vertu avec une onction pareille à la
sienne j jamais, persoanp ne parut plus
passionné
passionné pour le bonheur dej^A sei^-
blables ; jamais Thumanité n eût en ap-
parence un plus zélé défenseur, et la
divinité même un adorateur, pkis res-
pectueux et plus sincère. Il faut Fenttn-
dre jusques dans son fameux rapport
Au. 22 prairial , sur la réorganisation du
tribunal révolutionnaire , où il fouloiç
avec t^t d*ai^dace les droite sacrés de
la nature et de Thumanité. Là, tandis
qu*il rédigeoit en principes l'assassinat ^
e.t qu'il creusoit im tombeau à l'inno-
cence , les noms de ji^stice et d'hunia-
nité retentissoient presqu a chaque li-
gne de son discours ; il sembloit avoir
honte en quelque sorte des horreurs
qui lui échappoient , et il les environ-
noit dks i4ées de la yertu, pour les faire
passer à la feveur de ce, cortège hono-
rable. Enfin, après avoir présenté le
code le plus- complet d'iniquité , qui
soit jamais so^i des conceptions de la
tyrannie, il termine par ce langage
2'ome IL B
l4 C A I Ht K s ^
hypocrite. « C'est encore des poignards
» que nous dirigeons contre nous , nous
» le savons ; maïs que nous importent
» les poignards î Le méchant seul trem-
» ble quand il agit ; les liommes ver-
» tueux he voient point de danger
n quand ils font leur devoir ; ils vivent
» sans remords et agissent sans crainte ».
Cependant il faut le dire , Couthon
ne vit pas toujours son hypocrisie cou-
ronnée d'un succès complet ; une cîr-
cftnstance que nous allons rapporter
faillit déranger son système de fourbe-
rie , en le montrant tel qu'il étoir , et en
dévoilant aux yeux de la France la tur-
pitude et la férocité de son aine. Voici
le fait. Un de ses collègues , en mission
dans un département , fit circuler un
écrit contre lui. Quel fut rétonnement
du public accoutumé à toujours enter-
dre parler du vertueux , du sensiV. •
Couthon, de le voir traiter dans cr:^
écrit c/e nions fre exècraUe y d'hypa-
D E C ou T H O W. l5
cri te , d'homrri^ barbare , qui , sous
nne sensibilité apparente , avoit un
cœur de tigre, de scélérat enfin^^
qui àvoit mérité mille fois dépérir
du dernier supplice*
Coutlion étoit à cette époque ipein-
bre du comité de salut public. On s'at-
tend , sans doute , qu'il va écraser du
poids de sa puissance laudacieux qui
avoit eu le courage de le peindre avec
tant de vérité : non. Couthon , que ce
trait avoit blessé jusqu'au fond duxœur,
n'en témoigne , pour ainsi dire , aucun
ressentiment, il se contente de déclarer
à la tribune que cet écrit étoit dicté par
le génie infernal de la contre-révolu-
tion y et quant au châtiment que la con-
ventiqn paroissoit disposée à faire subir
au calomniateur y il implore , en quel-
que sorte, sa clémence jusqu'au retour
de son ennemi.
Mais que vouloit Coutlion par cette
conduite astucieuse ? Il vouloit amener
B 2
i6 Crimes
son accusateur au point de lui faire une
réparation telle que sa réputation sortit
>coùiplettement victorieuse de cette
lutte. En effet , quinze jours après , ef-
frayé des dangers qu'il avoit appelés sur
sa tête , le proconsul , de retour de sa
mission , monta à Jla tribune , où il désa«
voua récrit dans lequel il avoit calom-
nié Couthôn , ajoutant qu'il le vouoit à
l'exécration publique , et que jamaisll
ne Fauroit publié 's'il avoit toujours été
lui , s'il n'a voit .été trompé par des in-
trigans et par des scélérats.
L^ame expansive de Coutlion se di-
lata en entendant une pareille rétrac-
tation , et il paya par des embrassemehs
fraternels, la bassesse de son accusa-
teur , qui , pour sauver à Couthon l'op-
probre de sa perversité publiée , voulut
bien prendre pour lui la honte d'une
c|ilomnie reconnue.
Couthon , toujours fidelle partisan de
Robespierre , se rallia à lui lorsque la
D E Co U T H O ir. 17
scission éclata entre les membres du co-
mité de salut public , et prépara de loin
la chute des uns et des autres : c'est
alors que se forma le liidsux triumvirat
de Robespierre , Saint- Just et Couthon ,
quoique ces deux derniers n'en fussent
qu'une portion provisoire : car il n'y a
pfis de doute que Robespierre, après
avoir sabriHé ses concurrens les plus re-
doutables, n'eut brisé à leur tour les
deux derniers appuis de sa tyrannie ,
|)our régner seul sur les ruines fuman-
tes de la France asservie.
Mais Coutlion ne l'en servit pas avec
moins de chaleur dans ses dernières en-
treprises. C'est lui qui , quelques jours
^vant le 9 thermidor , se chargea d'an-
noncer à la tribune des Jacobins que le
bonheur du peuple exigeoit encore lo
sacrifice de quelques tètes. Dans cette
société, où Robespierre, accablé par
ses terreurs et ses remords , répondoit
depuis quelque temps ses alarmes >
i8 Crimes
Couthon se montra son plus zélé défen-
seur : — « Pour moi , disoit-il, je veux'
» partager lès poignards dirigés contré-
» Robespierre, et je déclare que le fer
» qui perceroit soh cœur , perceroit
» aussi le mien , ou je le vengerois ».—
Dans la ftuneusje séance du 8 thermi-
dor , où éclatèrent les premiers signes
de Forage qui devôit fondre le lende-
main sur la tête de Robespierre et do
ses complices , la convention ayant agi-
te là question de savoir si le discours*
que Robespierre avoit prononcé à la
tribune seroit imprimé ou renvoyé à
Texamen des comités , Couthçm s'expri-
ma ainsi :
« Je vote pour l'impression, et j'y ,
ajoute un amendement qui a Tair trés-
foible , et que je regarde comme trés-
sérieux ; il faut que la France entière
sache qu'il est ici des hommes qui ont
le courage de, dire la vérité toute en-
tière j il faut que l'on sache que la ma-
deCouthon^. 19
jorité de la convention sait Tentendre
et la prendre en considération : je de-
mande , non-segleinent que ce discours
^it imprimé , mais aussi qu'il soit en-
voyé à toutes les communes de la ré-
publique ; et quand On a osé demander
quil fut renvoyé à Texamen des deux
comités, c'étoit faife un outrage à la
convention , car elle sait sentir et juger.
» Je suis bien aise , au reste , d'épan-
cher mon ame : depuis quelque temps
au système de calomnie contre les re-
présentans fidelles et les plus vieux ser-
viteurs de la révolution, on joint cette
manoeuvre abominable de faire circu-
ler que quelques membres du comité
de salut public cherchent à Tentraver;
je suis un de ceux qui ont parlé contjre
quelques hommes, parce que je les ai
regardés cbmme immoraux et indignes
de siéger dans cette enceinte , je. répé-
terai ici ce que j'ai dit ailleurs , et si je
croyois avoir cofitribué à la perte
20 Grimes
d'un seul innocent y je m'ijmnole'^
rois moi-Tnême de douleur ».
Tant de dévouemeBt pour Robes-
pierre méritoit bien que Couthon par-
tageât son sort et subit sa destinée; aus-
si , dans la séance mémorable du lende-
main, fut -il compris dans le décret
d'arrestation qui mit aux fers cft mons-
tre. Dans la chaleur de la discussion qui
précéda ce décret, Coutlion , à moitié
étendu sur une banquette , ne pouvant
faire entendre sa voix , que le tumulte
étoufpoit , levoit de temps eh temps ses
mains et ses yeux vers le ciel; il avoît
si fort contracté le ton de Thypocrisie ,
que même, dans cet instant décisif, il
cherchoit encore à en imposer par lea
apparences d'une sensibilité vertueuse :
mais il fut bientôt tiré de cet état par les
propositions foudroyantes qui se succès
dèrent contre lui. — Couthon est un ti-
gre altéré du sang de la représentation
nationale , s'écrioit - on de toutes parts;
DE COUTHON. 21
îl a osé , disoit Frcron , par passe-temps
royal y parler dans la société des Jaco-
bins de cinq ou six têtes de la conven-
tion ; ce n étoit là que le commence-
ment , et il vouloît se faire de nos ca-
davres autant de degrés pour monteir
au trône. Je demande le décret d'ar-
restation contre Cou thon.
Ce décret fut porté à Tinstantàu mi-
Keu des plus vifs applaudissemensl
Comme il ne pouvoit se rendre à lât
barre où étoient déjà Robespierre , son
frère , Saint-Just et Lebas : — Qu'on
ôte ceiie charrogne d'ici, s'écria un
député , et il fut porté au milieu de ses
complices pour les suivre bientôt à l'é-
chafaud qui les attendoit.
Les particularités de sa conduite jus-
qu'au moment fatal ne présentent rien
de remarquable; comme ses compli-
ces , et sur leur invitation , îl trouva le
moyeu de se faire porter à la maison
commune, où il partagea leurs com^
22 Crimes
plots ; mais la lâcheté de Robespierre
entraîna la sienne ; il fut surpris agitant
Stupidement un couteau , et menaçant
de'se percer le sein ; depuis cet instant ,
soit frayeur, spit hypocrisie, il tomba
dans un accablement qui Ht croire à
quelques personnes qu'il s'étoit tué ;
mais , le lendemain , lorsqu'on le con*
duisoit à Téchafaud, on eut lieu de se
convaincre qu'il étoit encore plein de
vie.
Ainsi ce scélérat qui s'étoit j6nè de
tout ce qu'il y a de sacré parmi les hom-
mes , et qui avoit osé se dire vertueux
avec un cœur noirfci de forfaits, enten*
dit les imprécations qui le poursuivi-
rent jusques sur l'échafaudj^et les ap-
plaadissemens qui précédèrent Finstant
de son supplice. — L'hypocrisie , qui
avoit fait son caractère distinctif , sem-
bloit le rendre plus hideux à la multi-
tude détrompée; et jusqu'au moment
surtout, où, porté sur l'échafaud , on
deCouthon. a3
vit ce corps frêle, perclus, et déjà à
moitié dans la tombe ; ce corps à qui la
nature sembloit avoir prescrit de végé-^
ter sur une chaise ou dans un lit, et
pour lequel tant de victimes avoient été
immolées, et tant de désastres accumu-.
lés sur la France , alors mille sentimens
d'horreur, d'indignation et de mépris
saisirent les spectateurs , et son ame
horrible s'exhala couverte de l'exécra-
tion publique.
Précis historiifue de la vie et des
crimes de Saint^Just,
Si Ion veut avoir l'idée de tout ce
que peut enfanter d'extravagant Fesprît
humain, Ihvré aux déréglemens de l'im-
moralité, de l'ambition , et d'une igno-
rance présomptueuse , il faut lii'e les
sentences morales et les maximes poli-
tiques que débitoit Saint-Just à la tri-
24 Crimes
bune de la convention , dans le temps
qu'il conspiroit avec Robespierre , pour
asservir la France et la livrer à ce
monstre.
Il semble que la tâche particulière
de ce conspirateur fut de faire dispa-
roitre à jamais du sein des Français les
principes de la morale sociale pour les
plonger dans Taorutissement des habi-
tans des forets : il faut Tentendre en
effet, proscrivant tout principe et tou-
tes bienséances , comme n ètartt fav-o^
rabiei ^uà l'aristocratie ; parlant de
la révolution comme d'un coup de
foudre , qui devoît anéantir en im ins-
tant , tous les ennemis de Tégalité ;
comme d^xm fatal niveau qui devoit
se promener sur les tètes , semblable à
peu près à celui de ce tyran qui éten-
doit sur ^on Ut de cinq pieds tous les
. voyageurs', et les faisoit réduire à la
mesure de ce Uu
A peine échappé de la poussière de
fécole
D B S A t N T-J U S T. âS
récole (i), tout gonflé de» son érudi-
tion , Saint-ïùst avoit lu dirfs un grand
homme (a) , qui! n entendoh pas sans
doute , quun peuple s'étoit laissé cor-
rompre par le luxe , enfant* des arts et
du commerce, et voilà qu'aussitôt il
conçoit le projet danéaxltîr les arts , le
commerce et le luxe , et que d'un ton
de suffisance , qui n'auroit été que co-
mique , s'il n'eut pas été atroce , il an-
nonce à la tribune : qne ce nest pas
le bonheur de Persépolis , mais ce-
lui de_ Sparte , ^u'il doit donner à la
France,
Ailleurs , il n'admet plus de foi pri-
vée ; une foi publique lui suffit , et on
la possède dès qu'on est membre d'une
société populaire.
Ailleurs il détruit le ressort de la sen-
sibilité : les larmes versées sur la tombe
(i) Il avoit 26 ans.
(2) Montesquieu.
Tome IL
ajS ; Crimes ^
,d'un\ pèrô V ; ^^'^"^ ârpre ou d'un âmi ,
rsont ua vqj[| fait à la cité. Cetok un
crime qijp de s'attendrir en particu-
lier; et ne, pas pleurer généralement,
. c'étoît conspirer.
]La loi agpire étoit visiblement le but
de son System^. Il prophétise avec em-
phase le, temps où chaque Français
^yant sa chaumière et sa ch^rue, ,n en-
viera plus les jouissances de la ricliesse,
et se reposera dans les seuls besoins
de la nature.
Veut-on connoître enfin , par un seul
trait , quel étoit dans ses pensées le ter-
me atroce qui devoit couronner la ré-
iVolution : qu'on l'écoute dans son fa-
meux rapport sur la police générale.
« Formez les institutions civiles , dî-
soit-il , ces institutions auxquelles on
n'a point pegisé encore : il n'y a point
de liberté durable sans elles ; elles' sou-
tleiment l'esprit révolutionnaire , même
quand la révolution n'est plus... L'es-
DE S êLtn t -îAj s t. »7
prit Ihummn Mt aajo«rd!|MA riialade , et'
safbibLessd produit ié'nkdbeur , parce
qo'eUe souffre Yuffteiijai&n : nèndoitr-
ièz pas, tout o)s dfidvèsgistè auâoiiv^
denausdoii changer^ finir y parce
^le tout ce éfUi^xU'ié^utoHrdé nou^
est injuste ». ' '" '^^»
C'est sans doute en flftttu de ce pro-
jet de destruction ^ cju'H. àvok écrit dans
une note trou-rée pâttmi ses pa{>îers,
qift*un révolutionnaire ^ Voit étr^ prêt
à mareker l»s pieds-' dans le sang et
dans les larmes.
Saint -Just étek ^à Mrancourt,
près Noyon, dfiiiii^ 1^ ^partement de
TAime ; ilavoit ireçii HaCa nature un de
ces caractères ardens('/%ui ouvrent le
cœur à toutes l^s impVru&ons fortes , et
précipitent dans un abyine de dérègle-
mens, lorsqu'ils ne seMit pas contenus
pç: des Jprincipesv ' 'fij
L*enthousiasine de la nouveauté , idi-
ment ordinaire d'une 4111e active et re-
C 2
muante, le lajfeât d^bonne heure dans
la carrière ré v.ç^tk>nnaire , et lui Rt dé-
sirer d*y figureA4ans-les grandes scène)
qtai sepréparoiei^. Quelques talens , et
une grande apjj^arenee.de dévouement
à la causf3 de la jSberté , le firent remar-,
quer des hal>ita;ns de son canton j il fut
nommé électei^ > ,
Une lettre ^q^-'il écrivit à Robes-
pierre , p^ndan^que celui-ci n étoit en-
core que dépu^ à . l'assemblée consti-
tuante , donne .larmjesUre de son carac-
tère.
« Vow»^ lui di^;g)Ât-il , qui soutenez la
patrie chanceladjte. contre le torrent du
despotisme, et. de l'intrigue ; vous ^ue
je ne connoif ^ué comme Dieu ,
par des menteiiles , je m'adresse à
vous , Monsieur , pour vous prier de
vous réunir à u^i pour sauver mon
triste pays. La vi]]e de Coucy s'esj: fait
attribuer les marchés francs du bourg
de Blérancourt ; pourquoi les villes en-
DE Sai^t-Just. 2g
gloutiroîent- elles les privilèges des cam*
pagnes ? Il ne restera donc plus à ces
dernières que la taille et. les impôts l
Appuyez , s'il vous plait , de tout votre
talent , une adresse que }e fais . ^^r le
même courrier , à rassemblée ^utipn^le.
» Je ne vous connois pas ^ mais. vous
êtes u/i grand homme. Vous n êtes
point seulement le député d'une pro-
vince , vous êtes celui de Vhum,ani'
Èèy et de la république : faites , s'il vous
plait , que ma demcmde ne soit point
méprisée ».
, ; " Signé Saiht-Just.
Lorsqu'il entra à la convention na-
tion^e , son premier soin fut de se ral-
lier au grand .hoinm^e y dont il avoit
déjà admiré les merveilles. Il fut ac*
cueilli par Robespierre , et bientôt après
admis dans ses confidences. Quelques
preuves que l'on ait données de l'insuf-
fisance des moyens de Robespierre pour
3o C E I M £ s
conspirer, il en avoit du moins un bien
puissant et bien efficace , c'étoit de sa-
voir choisir les instrumens de sa tyran- '
nie .* Saint - Just , dont l'enthousiasme
révolutionnaire ne connoissoit pas de
bornes , dont Thumeur atrabilaire et Va-
poreuse n'^étbit propre qu'à enfanter les
idées les plus sombres , dont les demi-
principes étoient si faciles à égarer,
dont Tadmiration exclusive pour Ro-'
bespierre et Marat , donnoit déjà lieu
à tant de préventions , dont le jeune
cœur tressailloit à Tidée de là célébrité
que donnoit la tribune nationale , et
dont peut-être les premiers sentimens
avoient été fortifiés par Fespoir de la
régénération d'un grand peuple , par le
prestige de Faraour , de Thumanité , et
par la haine des tyrans, doutThistoire ,
des nations lui avoit offert les traits
dans ses pages immortelles ; Saint-
Just, disons-nous , parut à Rtîbespîerre
Fhomme qui convénoit le plas à scff
DE Saint- Jus T. Si
desseids. Il le choisit doâi;; poidr êtreV
après lui , le tfrsk dé Mn pays. ,
Les premiers pas de ce eonspîrafe«<«r'
dans la caniére' politique ,' &e forant
marqués par a^iouwdéi ce$ iuccés bril--
lans , qui présagent la célébrité et de-
viennent le gage d'une 'influence futu-
re : les âgitatioias :d« la éonvention na-
tionale , dans s^ pi^éniiêJr^s époquâs ,'
semblèrent TeJffipayer ; il paioissoit at-s
tendre , en ^uelqde te£te , le triomphé
de Robespierre , pc^ur se mottixrer son
partisan, et marli^her axidaciensemeÀt
ay>ec lui vers le crime. Cependant il
étoit. compté au nombre des fidellei
montagnards , et il y4>toit toujours avec
eux. On le connoissoit à peine, lors-
qu'après le 3i^ mt! il parqjt à la tribune
avec ce langage d*âi^dace qui ne le
quitta plut : le premier rapport d'tm
grand intéiér:qtfil:iit, «ut poiur objet
de faire déclarertraitres à la patrie les
députés de la Gironde , qui avoîe;Bt
Zz Crimes
fui , et de faijre décréter d'accusation
ceux qui a voient été arrêtés et plongés
daxis les fers.
Dès lors la tâche d'enyoyer à Fécha-
£aud ses collègues j lui fut spécialement
affectée. .^ ...
Souvent en imission., il sembloit ne
reparoitre à la triJb^utiie, que pour y dé-
signer des coospirate^rs, et; les livrer à.
la hache dc^s bourreaux; après, a voir,
couvert dé sang et .de cadiots les dé-
partemens confiés à son :actîvité révo-/
lutionnaire , ilxevenoit;seGonder à Paris
les sombres fureurs de Robespierre , et.
dénoncer avec une audace sans exem-)
pie ceux de ses collègues que ce tyran
avoit proscrits.
C'est ainsi qu'il se chargea dû f^neux
rapport^qui précipiti^ Danton , Hérault-
Séchelles, Phelippitm;, etCi sur Técha*-
faud. L'intrépidité qu'il:imt dans cette
lutte, qui étoit vraiment lexoup.de'
JBbrce de Robespierre^ et latroce perfi-?/^
DE Saint-Jus T. 33
die qu il employa pour accélérer le in-
génient et le supplice de ces hommes,
dont les réclainations vigoureuses pou-
voient si fort compromettre le tyran ,
et dévoiler ses forfaits, lui valurent les
honneurs du triumvirat. Dés lors il en-
tra dans tous les seci(ets de la conspira*-
tion de Robespierre , et celui*ci lui en
conHa un des principaux resscots , en
partageant .avec lui la surveillance de
la police générale.
£n servant les projets de Robespierre,
Saint-Just avoit adopté la marche hypo-
crite de ce scélérat; son audace, se9
crimes, ses atrocités, tout cela étoit
justice , vertu*, probité. C'étoit au nom
de rhumanité , de la divinité même ,
^ii'îl marchpU les pieds dans ■ le
sang el dans les larmes.
Veut-on apprendre comment il avoit
appris à tirer parti de labus suborneur
des mots?£ntendons-le tracer lui-même
le caractère des conjurations. «' Selon
. ^4 Crimes
» lui j ce 'Caractère est le dégnîsement :
» on senÀt imprudent d annoncer ses
» desseins et son crime ; il ne faut donc
?> point, ajoutoit-il, s^attacher à la sur*
V face du discours , mais juger les kom-
» mes par ce que la probité conseille *»
Si du caractère et des principes gé*
néraux de ce con^rateur , nous pas-
sons à des faits .particuliers , on rerra
qu^il ne le cédoit en rien aux Conikon,
aux Maigneû, aux Coîlot-d' Herhois ,
aux Carrier , et à tant d'autres bour-
reaux de rhflBinamté , dont les £6r£adts
épouranberont les généraâtions futures»
U seimhknt jRvotr dioîsi les départemens
Totsins du théâtre die la guerre , pour y
ajouter aux calamités qu'entxaine ce
fléau , les malheurs d'une tyrannie in-
tolérable. Ses rexations et ses atrocités,
répandoient par tout , dans ce pays in-
fortuné , le deuil et la consternation.
Des peuplades entières fuyoient à Tap*
proche de ce fr,énètique révolution^
\
I> K 5 A I N "P-J U S T. 35
luure ; et , àguàs^ leur désefif^ok , alloient
chercher un asyle parmi )«s ^nnevbis de
leur patri!e.> Les départemens du Rhin
n avoiem plus ai cultivateura , ni artis-
tes ; quelqueshommes de sang régxkoient
sur des chaumières déserta ^t des vil*
lages abandonnes.
Parlai les moyens qu'il employoit
pour réduire au plus aiïreux dé^spoir
les infortunés habitans de cette partie
de la Frai^^ce , les contributions arbi-
traires étoiént le plus ordinaire ; il avoit
imposé la ville de Strasbourg pour une
^omme de neuf millions , payables en
vingt - quatre heures. Un banquier
n ayant pu trouver sur-le-champ trois
cent mille livres , fut attaché , par ses
ordres , pendant six heures à la guillo-
tine 'y d autres furent jetés dans des ca-
chots , et voués à la mort.
Saint-Just étoit en mission à Farmée
du nord , lorsque des lettres pressantes
de Robespierre le rappelèrent à Paris*
56 C m M B s
La grande époque où ce tyran devoît
consoiçmer son ouvrage , approchoît ;
il avoit besoin de tous ses appuis , et la ^
circonstance étoit trop décisive pour
que Saiiit-Just n'y jouât pas le rôle qui
lui convenoit. Il s'agîssoit de dénoncer
à la convention , et par conséquent de
livrer k Féchafaud , les membres du co-
mité de salut public , qui , depuis quel-
que tetnps , ayant séparé leurs intérêts
de ceux de Robespierre , devenoient
susjpects à ce tyran. Plein de ce projet ,
et pour y préparer les esprits , Saint-
Just , en arrivât , fit donner la plus
grande publicité à un fait que voici.
Un officier autrichien , disoit - il ,
ayant été fait prisonnier dans^ne der-
nière action , lui avoit tenu ce propos :
« Tous vos succès ne sont rien ; nous
» n'espérons pas moins traiter de la paix
>ï avec un parti , avec une fraction de
»> la convention, et de clianger bien^
w tôt votre gouvernement ».
En
D K S A l TX T-J U S T. * 5f
Ext ménie - temps JElobespterr^ qui ,
depuis long-temps n avoit-paru à ras-
semblée , fai^t un discours , où il dé-
crioit tQutes les opérations du gouvjçr-
nement , et décl^^moit contre ses mem-
bres , après avoir préalablement vanté
son incorrupljlbiliié et sa vertu.
Mais le grand coup 4e voit être porté
par Saint- Just ; il avoit.déjà pa^lé à ses
collègues du comité dé saLttt public ,d'uîn
jpapport qu'il devoit faire le^g tliermi-
dor à 1$ convention , et il navoit .Jijis
dissimulé que plusieurs membres du
comité y étoient accuses et déxipncés.
Alarmés de cette déclaration , ses col-
lègues , réunis en séance le 8 au soir ,
Iqi dirent que sans doute il étoît de son
devoir de dénoncer à la convention
tout* ce quil sauroit devoir compro-
mettre la chose publique ; mais quax\r
paravant il étroit juste d'examiner en
commun les faits, iaQn de ne pas jeter
le trouble. ^
2'ome IL . D
38 Crimes
Saint-Just répondit qu il contsentiroit
Volontiers à ce qu*on lui demandôit,
s'il n eut point envoyé les premières
feuilles de son rapport' à un de ses ainis.
^ En ce cas, répliquèrent ses collè-
gues , faites-nous j^art de la conclusion.
— — Saint-Just ne lé voulut pas. Sur
ces entrefaites , Collot-d'Hcrbois arriva
jfiu comité ; en entrant , ses regards se
portèrent sur Saint-Just , qu'il 'observa
Ê-oidement. Saint-Just lui ayant d^
mandé ce qui se passoît aux Jacobins.
> ■ « Quoi ! lui dit Coilot-d'Herbois ,
» tu nous demandes ce qui s« passe aux
» Jacobins ; n es-tu pas le complice de
» Robespierre ? N'avcz-vous pas com-
•> biné vos projets ? Je le vois , vous
» avez organisé un infâme triumvirat ,
» votre projet est de nous assassiner.
«» Mais , je vous le déclare , quand bien
» même vous réussiriez; , vous ne jemi-
» irez pas long-temps de vos forfaits ; et
9 le peuple , qui ne tarderoit pas à être
DE Sain t-J u s t. Sg
i» éclairé 9 vo^s luettrpit en pièces ». A
ces paroles véhémentes , Saint -Just
pâlit et se déconcerta. ■ ?■ Tu a^ dans
ta.poche , reprit un^des membres ^ des
notes contre Vious ; montre-nous-los.
■ > S^int-Just; vida ses poches , et as-
sura qu'il nen avoit, aucune. A cinq
heures du matin , Saint-Just sortit du
çopiité , ^ promit, 4e revenir à on*«.
heures , pour £g^ire part à ses collègues
. du rapport qu'il devçit faire à la con*-
vention ; mais il ne tint pas parole. A
midi , le comité reçut une lettre de lui «
ainsi, conçue.: — — .«."Vous avez, flétri
» mon cœur ; je vais Touyrir à la con-.
w vention nanonaAe ». — — En effet,
Saint-Just ^ ^rendit dans rassemblée,
où il demanda à faire un rapport , du
plus grand intérêt poitr la chose pu*
blique. .
Arrivé à la tribune, il y cdmpAsa
long - teinps sa contenance , et ^^rès
avoir déroulé un papier qui renferwpit
D a
4o C R I M X s
son discours., il parla à p«ti prés ainsi :
ce Je ne suis d'aucune faction. Je
» vic^ns vous^dire que les membres du
» gou\^memeht ont <{uittè la route de
^r la justice. Les comités de' sàlut public
»' etdesâreté génél^alç m*aVoient cteff**
» gé dé faire un rapport surles causes -
w qui , depuis quelque temps , semblent
» tourmenter Fopinion publique. , . . .
» Mais je ne m adressé (ju'à vous. . . . .-
»' On a voulu répaiidre que le gouvef-
» nemeht étoit divisé. ... Il ne Test
» pas ».
A ces mots iî fût interrompu, coiiime
t<yut ié liionde le ^it', par'ï'allien; et
alors s*ehgageaTa terrible diicussîon qui
finit par la cîmté du tfx,m et de ses
com{)îices.
Pendant qù*âïe data, Skint-Just ne
quitta pas un instant la tribune ; il laisr
soit la place libre aux orateurs qui s'y
sucœdoient rapidement*, pour ou con-
tre Robespierre ; mais il s'en réservoit
DE Sain t-J v st. 41
constamment un coin , toujours prêta
reprendre là parole , et à continuer soû.
discours , si les chances de là, discussion
^e lui perinettoîent.
Nonchalamment appuyé eut litTàes
côtés dé cette tribune , fl pàrdîs^oit pres-
que insensible aux gtandes scènes gui
se passoîënt àûtoUr de lui , et do'nt il
étoît le premier moteur ; de téilips en
temps il lançoît des regards de dédain
sur les principaux âcteuirs de cette
journée ; niais jamais il ne prit la jpafo-
le , et le décret d arrestation ftoît làhtè
contre lui , sans qu'il eût opposé la
moindre résistance aux acctfsàtioni qui
le ihôtivèrent. On asèiii^è qu'ô^ lui vit .
verser des larmes , maïs c*2toït sans
doute dé rage : de loin Sa ligure paarols-
soit couverte d'une pâleur à^eusô; à
mesure que le dénouement de là discus-
sion approchdit , sa contenarfcé' deve-
noit pénible et embarrassée. Sur la pro-
position d'un membre , et d'après le dé-
42 Crimes
cret qui s'ensuivit) il déposa sur le bu-
reau du pressent le discours <|u'il te-
noit dans ses mains , et dont il n*avoit
lu que les premières pkrases. Enfin, H
quitta , 1^ tribune pour se rendre à la
barre avec . Robespierre et 9eB com-
plices.
Depuis ce^ instant, ^ tout lui fut com-
mun avec ce monstre. A la maison
commune , où il se rendit , il se cons-
titua le chef dû comité d^ exécution ,
qui devoit préparer la mort et Técha-
faud ajux auteurs de la révolution du 9
thermidor. Mais if ne jouît pas long-
temps de l'espoir de la vengeance ; il fut
arrêté da^ç le lieu m^me où il en médi*-
toit les moyens. Bien différent de ses
complices , ^ui , presque tous, cher-
chèrent à attenter à leur vie , il ne fît
aucun mouvement pour se détruire.
Ceux qui Font vu dans ce moment , as-
surent qu'il étoit d'un sang froid éton-
nant ^ il n'opposa aucune, résistance à
B E S.A I ir T-J U S T. 43
ceux guî,,.l0»pi;€yi?;iieiïl,»9c saisirent ie^
sa personne, fi . deuianA^ seulemenc
qu on ne lui fît point de mal , assurant
que son întèn^on n'^tpk point de so
défaire.
Le lèndematîn , sur la fatale cbarret*
te ^ il fut presque le seul dont la conte*
nance étoit calme , et dont Taspect
n*o£&oit rien <3bB lûdeiu:. Ceux qui Ta*
voient yuJa^reiUeàîa tribune , et qui
KpbserveJ'eiit m^cl^ant à Téchafaud ,
tfecrouTére^t,ep lui Je n^ême sang froid ,
•t la Bi)Bii^e.ex^eksi<^. dans les tr^ts.
lies malédictions que cent mille boa*
cbes lui ad^Q^f^t à la fois , et de tou-
tes parts, n'^j[f|iUé?:ent.en aucu^ ma*
kdére son intrépidité *, il considéroit tout
avec des yeux où le calme se. peignoit ;
la vue 4e YéchaS^à ne \^^ causa aucun
efOroi ; ,et chargé des crimes les plus
odieux , tout dégoûtant du sang de
rii&noceiice ^ il rej^t la mort comme un
boinjtne vertueux ^ dont le sentiment
44 G m M li sf
d une consciéhcé trâtiqufflé ct'saiis re-
morjds , seroftla^coriisoldtion et Tâppui.
AI ■>' '^^ :„iiw i jni }\mii v,^\\ mi
JP-ré^i^i àislorifue des crimes de
f.ayqnya§enff,noknon(il delà, corn-»^ ,
Xorstiùe tes s'^fiîptôtetëi te Valnsetchié
fêv-oïiitionnaîré s'artfîoricêre< peà t8ti-
te ta France ; il 'cii îniie^é iàomenti
Corinne ête cetui^lii&ftébèâà xingratld^
orage, où 1 on ^oif la ttfirf'e'^^ôirfrit'
âliiie ïbuîe ffiràectkïtè^^èSSsétrè^
ineux ; alors oh vit'iôi:^ âS?teuT*obsètt-
rité' une îïiùltîtiiiîW d^dïdfiiies înooii-*
nus , qui , prenant tôtït à cotip ïè mas-
que 'du patriptisine^etîe langage hypo^
crite de îà VèrtW , s'éiancéfeiït, arîdës de
sang et de rïcîiesses , dtos- lï carrière
politique, cherchant â se f allier aux ty-
rans dé la France ,, afin départager avcô
eux là dépouille de leut patrie , ou do
DE P A Y A W.
Tensanglanter pftr leursliovfaks. Âsjie
de cette tourbe impure d êtres immo-
raux, la société des Jacobin^^ où domi-
aoit, à cette époque déisâstretisè, Robes-
pierre, étoit comime le côirps derésenr^
où ce tyran plaçoit à leur arrivée , lév
vils complices de son «mbition, en
attendant le moment de les feijCe serrir
efficacement à ses protêts , et de les dé-
chaîner dans la société pour 7 porter
le ravage etTefiBroi.
Parmi ceux que ce monstre* y chol-»
sit , lorsqu'il fot question de composer
Bok «xécrable tribunal révolutionnaire^
Payan , sorti des contrées méridionalee
de la France , mérita de* fixer son atten-^
tion : 01» a trouvé dans ses papiers | tine
liste, dans laquelle Payan étoit consi-
déré par lui comme um Ammmê éner^
gi^i0e ci probe , eupaàte dès foHc*-
tiôns lei fias importatues^ (1).
(1) K^. 39 des pièces jiutilîcatiyes du rap-
port de Courtois.
4^ Crimes
.On jugera.si P^an népondie aux vues
et à lattenté de JElobçq>iesre , tandis
qu'il fut juré du tribunal révolution-
naire de Paris, par les leçons quil don-
noit à un certain Aoman-jPourpusa ,
devenu membre de la commission po-
pulaire d'Orange , qu'un de ses amis lui
avoît dénoncé comme un liomme sus-
ceptible de quelque scrupule dans les
fonctions de sa place , et trop aini des
formes : voici comment Paya» crut de-
voir le rassurer.
«J'ai été Ibng-temps y mon oher ami,
membre du tribunal révolutionnaire ,
et je crois , à ce tifcre , te Revoir quel^
ques observations «sur la conduite des
>uges ou des jurés. Il est bon de t'ob^er-
vei?4'ab6rd , que les commissiQjos char-
gées de punir les conqp^^ateurs , n*ont
abiKdument aucun rapport avec les tri-
bunaux de l'ancien régime.! A ni même
avec ceux du nouveau. U ne doit y exis-
ter aucunes formes j la conscience du
D E • P A T A W. 47
juge est lâ , et les remplace. H ne s'agît
point de savoir si Faccusé a été inter-
rogé de telle oa telle liianiére , s'il a été
'entendu paisiblement et long -temps ^
loTû de sa justification ; il s'agit de savoir
s'il est coupable. £n un mot ^ ce» com-
missions sont des commissions révolu-
tionnaires ) c'est-à-dire , des tribunaux
qui doivent aller au fait , et frapper sans
pitié les conspirateurs ; elles doivent
être aussi des tribunaux politiques ;
elles doivent se rappeler que tous les
hommes qui n'ont pas été pour la ré vo-
lution ,ont été ^poureela même , contre
elle , puisqu'ib n'ont rien fait pour k
patrie. Dans une place de ce genre , la
sexisibilité individuelle doit cesser ; eUe
doit prendre un caractère plus grand ,
plus auguste ; elle doit s'étendre à la rè-
publique. Tout ^oimne qui échappe à
la justice nationale , est im scélérat qui
fera , un jour , périr des républicains
que vous devez sauver. Oa répéte.sans
4S C R X M B s
cesse e^wi juges : |»ren^ garde ; sauves
ïinnoceiace ^ et mai jer Isùr dis ^ au nom
de la patrie : tremblez de sauver un
coupable.
» Danslaposkionioii tu té trouves , )e
K>utiens qu'3 est imposable , avec la
plus grande sévérité , que tu condamnes
jamais un patriote. Le tribunal est en-
touré 4'hommes prdi>eÀ , de ckoyens du
pays même ; et la démarcation est telle-
ment établie entre les amis de Thuma-
nité et ses ennemis , que ft|i ne frappe-
ras ' jam^ que ses ennemis. Je t'en con-
jure , an' nom. de la république , au nom
de Tamitié que je- l'ai voirèe , je t'en
conjuTfisrois au nom de ^on intérêt par-
ticulier même , si Ton de voit en parler,
Idrsqu'il s agit de limtérét général ; bis-
se des formes étr^gères à ta place ;
n'aies de l'bnmanité que pour ta pat]t>ie ;
marcbes d un pas égal av<c tes collè-
gues. Fauvetty saitrimpulsion qu'il feut
donner au tribunal^ il a acquis l'estime
et
D E P A Y A W. 49
,et rajnkîé de tons les républicains. On
applaudit toujours à sa justice ; et les
aristocrates seuls , dont il détruisoit les
partisans , lui reprochèrent sa rigueur.
Il n y a point de milieu , il faut être to-
talement révolutionnaire , ou renoncer
à la liberté. Les demi-mesures ne sont
que des palliatifs qui augmentent sour-
dement les maux de la république. Tu
as une grande mission à remplir, 07/-
hlie' ifue la nature te fit homme et
sensible. RappeUe-toi que la patrie t*a
fait juge de %^^ èarmemis»^ Elle éléveca
un jour sa voi^ contre toi , si tu as épar-
gné un seul conspirateur; et dans les
commissions populaires , Thumanité in-
dividuelle , la modération qui prend le
voile de la justice , est un crime. Je n'ai
vu dans ces genres de tribunau^c , que
deux sortes d'hommes , les uns qui tra-
hissoient les intérêts de la liberté , et le»
autres qui vouloient Li faire triompher.
Tous ceux qui prétendoient être plus
Tome IL E
5o Crimes*
sages et plufô justes que leurs cpUégues ,
étoient des conspirateurs adroits y ou
des hommes trompés, indignes de la
république. Choisis entre lamour du
peuple et sa haine. Si tu n'as pas la for-
ce et la fermeté nécessaires pour punir
des conspirateurs , la nature ne ta pas
destiné *à être libre. Tu sens , mon ami ,
que ces réilexions me sont inspirées par
l'amour de la patrie , et par l^stiine que
)'ai conçue de toi ; elles sont jetées à la
hâte sur le papier , mais elles sont bon-
nes. Lis-les sans cesse , et surtout avant
le jugement dès scélérats que vous ares
à ^frapper.
Salut et fraternité , Payan,
C'est avec de pareils princi^s que
Payan exerça, pendant prés d'un an,
les fonctions de juré au tribunal rév^o-
» lutionnaire de Paris- Quelque utile
quil fut dans ce poste , aux vues
dp Robespierre , il en fut cependant
1) E P A Y A N. 5l
tiré dans }e mois de genniruil , an II ,
et le comité de salut public le nomma
agent national de la commune de Paris.
Il seroit infiniment curieux de tracer
ie^ la conduite de ce nouveau magistrat^
dans sa place d'agent national , si les
bornes étroites que nous nous sommes
prescrites , pou voient nous le permet-
tre ; parmi les traits qui peuvent ce*
pendant intéresser par leur singularité >
nous en citerons un.
On sait que dans tous les temps les
femmes se sont réservées de tenir le
sceptre de la toilette ; qui eut imagiiinâ.
qa*un grave magistrat du peuple pût
empiéter surleurs droits , et faire de cet-
te partie des jouissances du beau sexç ,
lobjet de sa surveillance révolution-
naire? Voici pourtant comment Tâgent
national , Payan , disserta un jour', çn
pleine ftéanœ du conseil général de la
commune, sur ce sujet.
« II est , dit-il y une nouvelle secte qui
£ ta
02 .Crimes
vient de se former à Paris ; jalouse de
se réunir aux contre-rérolutionnaîre«
par tou)^ le)$ moyens possibles , animée
d'un saint respect , dune tendre dévo-
tion pour les guillotinés , ces initiées
fpnt les mêmes vœux , ont les mêmes
sentimens , et aujourd'hui les mêmes
cheveux. Des femmes édentées s'em-
pressent d'acheter ceux des jeunes
blondins guillotinés , et de porter sul^
leur tête une chevelure si chérie; c*est
«ne nouvelle branche de commerce,
tm genre dé dévotion tout-à-fait neuf.
Ne tmuWons point ces douces jouis-
sances ; lâissorts , respectons même les
perruques blondes. Nos aristocrates ser-
viront du moins à quelque chose ;
leiîirs cheveux cacheront les têtes chau-
ves de quelques femmes, et la courte
<:hevelure de quelques autres qui ne
furent jamias Jacobine^ que par lès
cheveux».
Cette harangue est ridicule sans dou-
D r P A T A w- 53
ie; mai5 on la trouvera bicut pJu» ridi*
ct>îe encore , quand on en connoîtra le
véritable motif, qui répandît Falanne
parmi toutes les femi&es en qui ie goût
des perruques c<»nmei£çoît à se manl*
La maîtresse de Robespierre, par un
de ces caprices ordînairieç delà caquet*
lerîe, avoit imaginé , le jour de la fête à
I!Être suprême , de cacher &es cheveux
noirs sous une p^ruque élégante cte
longs cheveux blonds, et de se mon-
trer , parée de cette coëffure , parmi
les Êezpmes qm composoient- la société
des triumvirs. La maîtresse , alors en
titre , de Barrère , jalouse de ce raffine-
ment de coquetterie, s'en- plaignit à
son amant , qui, se»sible comme Ju-
piter aux plaintes de Junon , fronça ^e
sourcil , et résohit de venger lamomv-
propre outragé de son amante.
Il mande , en <ionséquence , Tagent
54 Crimes
de la commune de Paris. « Sais-tu , mon
ami , lui dit-il , quand il fut en sa pré-
sence , que Taristocratie relève la tête ;
qu il s'établit une secte singulière et
dangereuse : des femmes achètent les
cheveux blonds des guillotinés , et sert
iont faire des perruques , pour signal
de ralliement dans leur dévotion ^ cn^
vert les ennemis de la république ; il
faut arrêter ce désordre : un seul mot
de ta part , à la commune , suffira ».
Barrère avoit le talent de présenter
un objet sous tant de couleurs, que
Tagent national le plus olair<voyant se
seroit laissé tromper par ce ton de zèle
jet de vérité. Le lendemain , Payan em-
bouchant la trompette des dénoncia*
tions , ne manqua pas de tonner contre
les perruques blondes. Tout Paris , toute
la France, fut entretenu solennelle-
ment de Félégant édifice de la coiffure
des femmes , pour saus£ure le dépit et
© E P A Y A N. 55
la jalousie d'une virtuose , et Barrère
suffoquoit de rire quand il se rappeloit
cette gentillesse.
On voit par ce trait que Payan étoît
autant, le vil instrument des atrocités
sanglantes des oppresseurs de la France »
que le ministre de leurs jeux ridicules.
Sa tâche , à la commune , étoit surtout
de célébrer comme un bienfait , le gou-
vernement de Robespierre , de prépa-
rer l'esprit du peuple aux exéci^tions
sanguinaires qui convenoient aux vues
de'ce tyran , et de lui applanir , par tous
les moyens possibles , le chemin de la
dictature. Semblable à ses maîtres, il
avoît adopté le langage de Thypocrisie
la plus perverse ; à l'entendre , dans ses
réquisitoires, la France n'avoit jamais
eu un gouvernement plus juste , ni plus
humain ; tout avoit été remis dans l'or-
dre ; la république entière étoit un
temple consacré à la justice et à la
probité ; jamais la Divinité n'y avoit eu
56 Crimes
un culte plus pur , ni reçu des homina-
• ges plus dignes d'elle.
« Autrefois , disoit-il , dans un dis-
cours prononcé dans le temple qu'oa
apçeloit alors de la raison y Tesprit
public étoit anéanti , le despotisme avi-
lisSoît tout, détruisoit tout; on voyoit
te brigandage uni avec te pouvoir;
tous lés principes du gouvernement
étoient corrompus; les caprices du des-
pote tenoiéht lieu de toutes les lois ; la
tyrannie exercée â l'ombre de la justi-
ce , enlevoît aux tribunaux leur éner-
gie , et auic particuliers leur liberté (i) :
il falloit une révolution aussi étonnante
que la notre, pour parvenir â une ré-
surrection morale, et perdre jusquau
souvenir de nos moeurs ridicules et bar-
bares.
(i) Ne seroit-onpas tenté de croire qu'il
avoit puisé ces traits dans le tableau déplo-^
rable qu'ofi'roit alors la France \
D I P A Y A N. 67
* Les inéchans^ a)outok-il, »e rap-
prochent pai«r conspirer contre nous ;
umsfions-nous tous pour nous insurger
contre le vice. Nous avons abattu les
tyrans , détruisons la tyrannie des hom-
mes corrompus ; nous avons conquis la
liberté y rappelons*nous que le* vertus
en sont les conservatrices , et que tout
partisan du vice est ennemi de la répu-
I^que ».
Quel homme hoimâte ne sent 'pas Tin-
dîgnatîon s'allumer dan^ son cœur., en
voyant un pareil langage sortir de la
IkOttche d'un pareil spél^rat ?
Si les succès eussent couronné Tain-t
Ktion de Robespierre , il n y a pas de
4oute que Payan a eût joué un grand
rôle sous sa dictature : il régnoit entre
ce& deux personnages une intimité et
«ne confiance parfaites. Robespierre
sembloit même avoir une sorte de dé-
férence pour les avis et les conseils de
Payan. C'est diaprés ses notes qu'il fut
58 Crimes
décidé qu*un tribunal révolutionnaire
seroic établi à Orange , son pays natal,
et voici la maniéi^e curieuse dont il en
dressa le plan.
« Neuf ou dix mille prévenus à met-
tre en jugement ; Fimpossibilité de les
transférer à Paris , puisque cette trans-
lation exigeroit dans une distance de
deux cents lieues , ime année pour es-
corte ; Finconvénient de déplacer trente
mille citoyens au moins, qui seroient
î^pelés en témoignage , et parmi les-
quels se trouveroient le petit nombre
de fonctionnaires publics restés fidelles;
la désorganisation politique qui en ré-
sulteroit , voilà les motifs de rétablisse-
ment.
» Quant à l'organisation , on propose
les articles suivans :
1®. Créer un tribunal révolutionnaire
qui siégera à Orange , à l'effet de juger
le$ contre-révolutionnaires du départe-
D s P ▲ T A ir^ 5g
ment de Vauçluse , et ceux des Bou-
ches-du-Rhône.
2^. Le composer d*i;n accusaleûr pu*
blic et de six >Qges.
5^, L autoriser à se diviser en deux
sections en cas de surcharge *de travail. '
4"*- Il jugera révoliitionnaireinent ,
«ans instruction écrite , «^ sans assis*
lance de juré f.
Ô'^-^Nommer pour le- composer ,
' Trinchard et Fauvetty , jurés du tri-
bunal révolutionnaire de Paris , Mille*
ret e^ Fourousa , connais par les ci-
toyens y Payan , Crosmarie et Rouilhon ,
connus du citoyen Coutbon , été. »
Conformément à ces instructions de
Payan , un tribumd révolutionnaire fut
établi à Orange , par arrêté du comité
de salut public , du 21 floréal an II : on
y envoya Içs individus qu'il avoit dési*
gnés , et le 19 messidor sfiivant, Fau*^
vetty lui écrivoit :
« Enfin ^ mon ami , nous allons , et
6o C R I M F s
nous ayons plus fait dans les six pre-
miers jours de notre activité , que n'a
£sit dans «ix mois l6 tribunal révolu-
tionnaire de Nîmes ; 'enfin , la commîs-
ncm^a pointant rendu cent' quatre-
^imgt^dix'^ôpt jugemens dans Ulx'
huit jours. Je te prpmets qUe nous
mettrons dans le diabolique comtat^
la vertu et la probité à Tordre du
, }oxa^ etc. » ^-
D un autre cftté , ie greffier du tr9>u-
liai, en lai envoyant quelques exem-
plaires des ptemi«rs jugcmens, lui di-
sok ; « Tu les recevras exactement é
l'avenir , et je me <5harge d'autant plus
volontiers de cette tâche, que 'tu ne
pourras voir fn*avec plaisir tomber
les têtes contre-rév6lutionnaîresr. Neuf
conspirateurs Orangeais ont ^éjà subi
la p«ii)^ due à leur crime : tu connoîs
la position ^Oitange; la guillotine est
placée devant la montagne ; on di-
roit que tùutes les tites lui rendent ,
en
1) B P A Y A N. 6t'
en tombant, l'ïpomm0ge ftii'eUe mé"
rue. AlHgorie pré.cieii,sfi (i) pour de
vrais amis de la Uberté.^ Adieu , mon
ami , compte que çara, etqiie ça ira »»
fin rece vaut ces lettres^ combien rama
férqce de Pa/an devoit s'applaudir do
son ouvrage! aussi ce régénérueeur dtà
midi s'en faisoit-il un t^tirè puissant au-
près de Robespierre pour obtenir , soit
pour lui ou ses ^mis, tojut ce qui de venoic
Vobjet deleur ambition. Un ^ ses ûrèpes
(i) fut nommé à la place de commis^
saire de Tinstruction publique ;ail]ie^irSy
il dresse une Hste de citoyens où se trou-
vent des noms à japiais exécrables , et
tous ces houunes sont bient&t établis le«
(i) Quelle horreur! Aindi on en étoît reni»
au point d*iinmoler des homme» à la Monta*
gne , comme autrefois ceHaîns peuples im«
moloient leurs fils et leurs Elles aux esprit»
malfaiaans.
(a) Mîs hors la loi le 9 thêroûxlor.
Tome IL \ f
.6z Crimes
jttgés'de leurs àembfebles. Quels juges,
6 grand Dien! ic'étoîeht les furies qui
s'étoient eitiparécs du sîége de Minos
et de RbadâinàHite.
• Nous avons dit que Robespierre avpit
une espèce 'de déférence pour les oori-
ééiU de Payan"; 6n va en juger par un6
courte analyse delà letttc , 6a pllitôt
âu*plan**de contre-fêroîurion déji cité
âans rhîstotre Ôe Robespierre, que
fayanîai Et passer àTépoque de Taf*
feite de Catherine Théos , et doht il
f ëmble iqtie^îlobespîerre se soit fait tTn
texte de conduite dans sa marche.
Oïl se rappeHe que Robespierre heur-
la de front le comité de sûreté géné-
rale y dans le r^^ort que ce comité fit
contre Caèlierine Théos ; et qu'il en
résulta V du reûroidissement entre les
membres qui ie composoient et Ro-
bespierre.
A ce sujet, Payan Imvitoit à faire
faire un rappott important par le co-
I> E P A Y A N. 63
mité de salut public pour détruire ce-
lui du comité de sûreté générale , un
rapport , di&oit-il , philosophique, pré-r
sentant que cette conspiratloo- é^oit
née des factions du roy^sme t^t dg Fé*^
tranger. •
/. Quelle fureur ! Une vieille fojle s'en-
ferme dans son gren^çr , où elle s'amuse
à distribuer à quelques fous comice elle 9
des bons de béatification pour l'autre
monde ; et voilà que Payan imagine A9
ce sujet une double , unb triple con^
piration de factions réunies. C etoit
bien 1^ le génie de Robespierre, qui
clierçhoit et vouloit fjstire voir partout
des conspirations.
Payan , après avoir rehaussé ensuite
le comité de salut public aux; dépens du
comité de sûreté généraljç , /iP^*^^ V"^
vaudroit mieux qu'il y eût dans ce co-
mité des hommes avec des talens mé-
diocres , qui se laisseroient co^iduire par
le gouMeraement , qud des hommes de
Fi
€4 Crimes
génie ; et que dans ce cas , tout iroit
bien, et Tunité d'action sauveroit la pa-
trie.
VoSà cette unité tant prêchée par
Robespierre, que Payan déguise ici
soiisle titre d'ui&té d'action , tandis que
dans ses péi^ées , comme dans celles de
Robespierre , ce n*étoit que Funité de
pouvoir et de despotisme.
Seroit-il inconséquent , contînuoit
Payan , de présenter vaguement à ses
amis des réflexions sur cet objet , et de
leur faire sentir que le comité de salut
public , après tout , sauveroit la patrie ?
Qui ne voit dans ces mots que Payan
avoit entendu parler de lunité de pou-
voir dont le comité de salut public se-
roit d'abord le^ centre unique , et par
suite Robespierre , et que ce plan étoit
en tout celui de ^ce tyran , dont le des-
sein étoit d'amener peu à peu la chute
du comité de sûreté générale , afinda-
yoir ensuite un meilleur Qiarché du co-
D E P A Y A N, 65
mité de salut public , quand il n*auroi(
tn face que ce rival à quelques têtes ?
C est ainsi que Payan écrivoit à Ro-
bespierre pour accélérer la marche de
ce tyran dans sa carrière ambitieuse , et
être à portée de partager bientôt avec
lui la dépouille de la France. Et ce n'é-
toitpas seulement par des conseils qu'il
cherchoit à lui faciliter la domination
suprême , il exaltoit encore son orgueil
par des éloges dont il savoit bien que la
vanité de Robespierre rehausseroit le
prix.
•c Je n*aipu , lui écrivit-il , entendre
sans attendrissement plusieurs mor-
ceaux de votre rapport ( sur Texistencè
de TEtre suprême. ) Le caractère de
sensibilité avec lequel vous l'avez pro-
noncé lui donnoit un nouveau prix;
c'est , sans contredit , le rapport le plus
parfait qui ait été fait : les idées en sont
grandes , neuves et sublimes , Fironie y
tçt maniée avec une noblesse y une fi-
GS Crimes
nesse qui servira de modèle à n<w ora-
teurs : ce que vous dites surtout dç9
rois doit produire uû effet étoimant
chez les peuples étrangers ».
En récompense de tant de dév^oue-?
ment, Fintentiondu tyran étoit de con-
sacrer le pouvoir delà commune sur
lautorité départementale. Il paroit en
effet que Payan devoit présenter une
pétition à la convention , tendante à la
suppression du dép^rjtement , comme
autorité rivale , et lui proposer de nom-
mer le département, commission des
contributions publiques jmais le 9 tli^er-
midor^empécbarexécutionde ce projet.
La conduite que tint Payan à cette
époque , fut celle d'un homme qui
a voit bien senti que son sort étoit lié a
la destinée de Robespierre : aussitôt
qu'il apprit les résultats de la séance du
^ thermidor , il s'empressa de se rendre
au . conseil général de la Gommu;[ie ,
pour y déterminer avec le maire, son
•D £ P A. Y Air. .67
aini et son complice , fleuript-Letcot ,
les mesures^ qu'il sesoit nécessaire df
prendre pour faire trioinplier le t^aih
Si les succès des moyens q^'il proposa
eussent dépendu de lui , il n'y a^pas de
doute que la dernière heure de la liberté
étoi^t sonnée pour la France, ainsi que
celle de tous ses amis. Voici comment
il s'exprima au milieu de la foule nom*
Breuse que la nouveauté des év.éne-
mens y avoit attirés.
«Citoyens, c'est idi que la patrie a été
sauvée au 10 août et au 3pL mai ; eâe est
plus que jamais en danger; c'est ici
qu'elle sera sauvée encore ; que les bons
citoyens se réunissent donc à l'instant à
la commune ; le danger est pressant*;
déjà les' meilleurs patriotes , les amîs
constans du peuple sont jetés dans les
fers; moi-même je ne suis arrivé }us*>
qti^à vous qu'an milieu des asisa^sins.
Que nos mesuras soient promptes et
terribles ».
68 (j R l M X s
Aussît&t après il proposa , cntr au-
tres mesures , les arrêtés suivans.
« H est ordonné aux sections , pour
saiuver la chose publique , de faire son-
ner le tocsin et de faire battre la géné-
rale dans toute la commune dé Paris ,
et de réunir leurs forces dans la place
de la maison commune , où elles rece-
vront les ordres du général Henrîot.
»>Le géViéral Henriot se rendra sur-le-
champ au comité d'exécution,
« Le génjéral ttenriot fera passer au
comité d'exécution des fusils, des pis-
tolets et des munitions.
» Le cQnseil général arête que le
commandant général d^ la force ar-
mée ^igeva le peuple CQnQre les cons-
pirateurç qui oppriment les patriotes ,
et délivrera la convention nationale
de l'oppression des contre-révolution^^
naires ».
T^ même-temps il faisoit écrire à
D E P A Y A N. 6Ç)
tous les concierges des Inaisons d^arrêt
la lettre suivante.
« Nous t'enjoignons , citoyen, sous
ta responsabilité , de ne point recevoir
aucun détenu , ni de dodner aucune
liberté que par les ordres de Tadminis*
tration de police ».
Sur sa proposition , il fut encore ar-
rêté que plusieurs membres de la com-
mune se répandroient dans les sections
de Paris , pour les exciter à Tinsurrec-
tion.
Qu'une députation seroit envoyée
aux Jacobins pour les inviter à fraterni-
ser avec le conseil. /
Et que les sections correspondroient
de deux en deux heures avec la com-
mune.
Ce fut lui qui proposa d'aller mettra
en liberté le général Henriot , détenu
au comité de sûreté générale , et que
des commissaires , pris dans le sein du
conseil 9 iroient, accompagnés de la
70 , C RI M E 8
force armée , arracher des fera Robes.'
pierre et autres.
A Finstant où Robespierre parut.dans
le conseil, il se précipita au-devant de
lui y le pressa dans sei$ bras , et le con.n
duisit sur lestrade du président , en lui
renouvelant les sermens d'im dévoue-
inent éternel.
Payan , en un mot , n oublia rien de
ce qui pouvoit ass^irer le succès de
cette journée ; mais il luttoit contre le
génie de la liberté , qui devoit tourner
eontre lui et ses complices tous- les ef-
forts qu ils faisoient pour lanéantir.
Déjà des pressentimens afBreux sem*
bloient Faccable^. L'inquiétude se pei-
gnoit dan&^s regards, et danaTagita-
tion extrême de ses mouvemens : rien
ne s^exécutoit comme ill'auroit désiré ;
il méloit la fureur à son impatience :
Henriot étoit un lâche , les sections des
ramas de contre-révolutionnaires ; sa
surveillance s'étendoit à tout; miU#
D E P A Y A K. 71
fois il fit r^;^ter au conseille serment
de mourir à son poste. ^C*est ici qu'est
le dépôt des vrais amis de la liberté , ju-
rons de le défendre , s e'crioit-ii. -~ U
alloit sur la place yîl liaranguoit La force
armé^, il exh^rtoit, il menaçoit. ....
Vains efforu ! Bientôt le cri de vive la
conrention se fit entendre sous les fe-
nêtres de la commune. A ce cri , Payan
Êrémitde rage-et drûadignation : un ins-
tant après il se vit abandonné de tous
ceux qui venoient de jurer avec lui de
mourir à leur poste, de Robespierre
lui-même qui essaya d'attenter à sa vie :
seul aloj^, il conserva son audace , il
tour ut aux armes pour défendre ses
jours, inaîs il fut arrêté au ifiéme ins-
tant.
Ici finit son courage : le lendemain il
parut , sur là charrette , pâle , défait
et portant dans tous s^s traits Tem-
préinte dé Fabatteméfit le plus pro-
fond y k peiiieril osott lever les yeux sur
7» Grimes
k multitude, qui , après avoir contem-
plé le tyran , cherchoit à démêler ses
principaux complices. Son nom reten-
tit plusieurs fois au milieu des malé^
dictions dont on couvroit de, toutes
parts cet^e horde d'assassins. Enfin il
expia par sa mort les forBaits doiit il
s'étoit souillé , laissant à Fhistoire un
scélérat de plus à tracer.
Détails hiseoHtfiies sur la vie et le^
crimes d' Henriot , commandant^'
général de Paris.
Parmi les plats valets quetlobesr
pierre avoit tirés de la fange , du vice
et du crime , pQur les associer à ses pro-
jets sanguinaires 9 c^lui qui inspire le
plus d'horreur «st le trop fameux Hen-
riot , commandant de la garde pationale
de Paris. Jamais la nature n avoit formé
en effet une ame plus vile et plus pro-^
pre à servir les fureurs de la tyrasinie ,
beHenkiot. 73
en se prêtant é toutes les rombinaUons
de sa perfidie et de sa férorit^.
Henrlot apparrenolt à des parens
pauvres, mais pleins de probité. II
a voit passé la plus grande partie de sa .
jeunesse dans Tétat de doniestirité ; il
étoit, avant la révolution, laquais d*un
conseiller au parlement ; il obtint dans
la suite , par le rrédit de son maître ,
une plare de comipis à une des barriè-
res de Paris : il orrupoit encore cette
plare à la fin de Tannée 1789.
£rutal , insolent , sans éducation ,
sans principes , Henriot n'avoit que des
vices , et pas une bonne qualité. Il ne
connoissoit de jouLSsanres que ceUes
que donne une vie crapuleuse , de lan-
gage que celui des tripots et des caba-
rets , et de frein que la crainte de la po-
tence.
Quand la révolution fut toute entière
livrée à Tintrigue et au crime , Henriot
commença à jouer un rôle dans sa sec«
Toine IL G
74 C K I M B s
tion. D s'y fit remarquer surtout par un
acharnement féroce contre les riches
et les propriétaires ; voici , en toute's
lettres , comment il y parla dans une
occasion où il s'agîssoit de mettre une
taxe sur les riches : « Faisons des billets
» sur chacun desquels nous mention*
» nerons une somme ; nous irons en-
» suite chez les riches un de ces billets
» dans une main , et un pistolet de Tau-
» tre. Nous dirons au riche : paie cela ;
» s^il ne le paie pas .... hé bien , nous
» aurons le plaisir au moins de Vé'
» gorger ».
L^ardeur aveugle avec laquelle cet
homme se portoit à adopter et à outrer
toutes Içs mesures de cruauté mises en
avant pour préparer le règne de la ty-
rannie , la voit déjà Élit remarquer de
Robespierre ; mais Tintelligence féroce
qu il avoit montrée à Fépoque afFrcusp
des massacres de septembre ,1e lui avoit
rendu encore plus cher.
DE Henri o-t. y9
Henriot fut en effet un de&][)ourreaux
qui se signala le plus , et par le nombre
de^ assassinats , et par son industrie à
torturer les victimes : il avoit choisi
pour théâtre de ses barbaries ,1a maison
dite de Saint-Finnin ; on Ten vit sortir
en chemise , les bras nus , le visage ,
les cheveux, les mains, tout son corps
dégoûtans de sang.
Depuis cette époque il étoit devenu
Tami, le confident, le favori, et Tun
des exécuteurs de Robespierre. Sa sec-
tion elle-même Tavoit choisi pour son
commandant : il Tétoit encore lorsque
le 3i mai arriva.
Au milieu des préparatifs qui se fai-
soien.t à la commune , sous les ordres
de Chaume tte , pour assurer le succès
de cette épouvantable journée , on eut
besoin de la présence du commandant
général de la garde nationale parisienne;
mais celui-ci ne s'étant pas rendu aux
sommations de la municipalité , le con-
G a
^6 Grimes
seil général pro^^lama, à ruriammîté,
Henriot commandant général provisoi-
re /et c'est ^ainsî que rexécution du
complot formé piar Robespierre pour
affermir sa tyrannie , fut confiée à Y\in
de ses agens le plus dévoué et le plus
capable de répondre à ses vues.
Tout le monde sait maintenant avec
quelle audace ce digne ministre du plus
sanguinaire des tyrans , se conduisît
pour faire triompher la faction aux ga-
ges de laquelle il servoit ; comment il
arma cent mille hommes, qu'il disposa
autour de la convention nationale , avec
l'appareil militaire le plus formidable ,
pour]VfPrayer,et luicùracherlesdécreU
'^de proscription qui convenoient aux
vues-de Robespierre. Avec quelles im-
précations féroces il excitoît au massacre
des députés proscrits , les citoyens pai-
sibles, qui, sans ronnoitre le motif de
Tinsurrection , éfoient devenus les ins-
tmmens de la tyrannie la plus odieuse.
D B -^H E N ft I O T. 77
— Demandez, mes amis, leur tlîsoit-
a , en parcourant les rangs , demande»
la punition des traîtres , des ' Btrîssotins
et des Girondins ; ce' sont eux qui ont
ouvert Condé à Fennemi , qui oiit pré-
paré les inalheurs éprouvés p^r Tarmée
du Nord ; qdi sont les auteurs des trou-
bles de Lyon et de la Lozère , <jui veu-
lent anéantir Paris , et livrer k France
entière aux tyrans coalisés. Déffendons
la montagne et les déj^utés patriotes
que ces traîtres veulent assassiner; por-
tons aujourd'hui le dernier coup à cette
faction scélérate ; qu'elle soit anéantie ?
Mais son dépit et sa rage furent aa
comble , lorsqu'au lieii de celte fureur
qui présage des massacres , il né vit par
tout , dans la masse des hommes qu il
commandoit , que lapparence du cal-
me et du respect pour la représenta-
tion nationale. C'est alors que, retiré
avec quelques affidés , qui , coînme lui,
étoient dans le secret de cette jôurnéô,
yS Crimes
il s'emporta en insultes et en outrages
contre les Parisiens , ajoutant qu'il n'y
avoit rien à fairo avec de pareilles
bnçhes.
Pour ranimer Ténergie , il ordonna à
un i,e ses amis de se transporter aux
Jacobinfi ^ où étoit le foyer de Tinsur-
riection^
Arrivé 4 1a tribune , cet émissaire ,
après avoir fait le tableau de Tignoran-
ce et de Tinsouçiance des eitoyens ,
s'exprin^i^uainsi : « J'ai vu le brave Hen-
ïiot parcourir vaineinent les rangs « Je
sabre à la main, pour électriser.les es-
prits. — — Qu estrce donc , se deman-
doit-on avec étonnement ? Que veut-
on faire ? Et ce n est , qu'avec la plus
grande pçine que nous sommes parve-
nus à faire connoltre à quelques-uns le
but civique de l'insurrection.
ce Je vois ^avec doujeyr, ajouta cet
orateur , que la nuit, est privée ," et
que nous sommes trèsTpeu avancés : je
dbHevkiot. 79
ne VBux point jeter du découragement,
luais il ùut prévenir la lassitude $ pre*
nez gwds <{ue le* citoyens , ajurés avoir
soulevé une masse imposante , ne s sot*
rétent ; nous poùrriont dire alors , la
république oit perdue. Que les mesures
les plus fi)Ftee et les plus, vigoureuses
soient adoptées , et que demain le soleil
ne se Lave paa avant que la liberté soit
assurée ».
Henriot eut beau faire pafT lui ou par
ses émissaires, le massacre projeté n'eut
pas lieu , et il ne put Siêrvir qu'à demi
les desseins de Aobespierre. Il n'en ob-
tint pas moins la récompense de ses sejy
vices. Quelque temps après le 3i mai ,
le$ sections furent convoquées pour
noimner le commandant général de la
garde nationale de Paris ; les suffrages
se trouvèrent partagés entre lui et Ea^
{et ; enfin , il obtint y pour ainsi dire , à
force ouverte, la majorité des voix»,
qui , dans une ville comiue' Paris ,
8o Crimes
n'excédèrent pourtant pas le nombre
de six nïille , et il fitt proclamé com-
mandant général de la garde pari-
sienne. , -•
L'histoire de; sa vie , depuis cette
époque jusqu'à* celle de son supplice ,
est un enthainement si ti^vbltant de
bassesses auprès àfi ftobespterre et de
ses jcomplices , de rrtrantés enVets les
citoyens pros'^rits, de dissolutions et de
débauchesiians sa conduite privée , que
noufe croyons devoir en épargner à nos
lecteurs le hideux tableau. Nous ne
placerôns'i^^^i q«e quelques ordres qu^U
donnoit , en sa qualité de commandant
général, et qui, parleur singularité^
pro^avcront de qtielle hypocrisie étoit
capable cet homme v qtii , à Texemple
de ' ses maîtres , osoit aussi parler de
vertu , d hum»nitéjct de Liberté.
« Mes û-ères v'disoit^il , ai une époque
où les assigiiats perdant de leur valeur-,
forboient les ouvriers à exiger de, plus
beHenkiot. Si
fortes journées , les ouvriers des ports
n'ont pas donné Texeinple des priva-
tions que nous autres , pampres dèmo^
crates sans culottes , avons contrac -
tées dés le berceau; ils exigent pour
leurs journées . un salaire trop fort , qui
ne peut qu'oc casioriner la cherté des
denrées , et priver nos pauvres mères
de familles de celles de première né-
cessité. Vivons honnêtement, vêtissons-
nous décemment et proprement ; n a-
bandonnons/pas nos vertus et notre
probité ; ce sont nos seules richesses ;
ellçs sont impérissables ; fuyons l'usu-
re ; ne prenons pas les vices du tyran
que nous avens terrassé ; soyons tou-
jours aux yeux de V univers , ce que
nous avo^ toujours été ».
« Des citoyennes , disoît-il dans une
autre circonstance , indignes de ce
nom , se font payer pour passer la nuit
à la distribution du charbon. Viles
égoïstes ! vous n'êtes pas faites pour
82 Crimes
rester à côté de nos vertueuses répu-
blicaines ; vous ne savez pas vous pri-
ver comme elles ; vous n'aimez pas ,
comme elles , les bons magistrats et
les bonnes lois ; vous ne désirez pas ,
comme elles , de n'avoir à cette opéra-
tion , qu un officier civil et un ruban
tricolor. Hé bien ! les républicains se
coaliseront pour séparer et distinguer
les bonnes, d'avec les mauvaise^. Les
bonnes seront secourues , et la loi pu-
nira les méchantes ».
Voici comment il s'exprîmoit le len-
demain de la fête à l'Etre suprême.
<f La fête du ao s'est passée avec
beaucoup de décence ; la simplicité , les
moeurs et les vertus étoient en évi-
dence ; la représentation nationale , le
ciel , »la terre et toute la nature ren-
doient leur hommage à l'Etre suprême :
il ne faut plus , pour régler l'ordre et
la marche de nos cérémonies religieu-
ses , qu'une flamme tricolore , l'égalité ,
DE Henriot. 83
la fraternité et Tartiour de son pays*.
« Toutes les lettres anonymes adres-
sées au général de Paris , disoit-il ail-
leurs , resteront au rebut j les menaces
et les injures des méchans sont trop
méprisables pour occuper un instant
les fonctionnaires publics. Quelques
faut* patriotes se. rassemblent dans les
cafés , et s*y comportent d une manière
très-indécente ; tous ceux qui aiment la
patrie doivent arrêter cette espèce de
perturbateurs , et les conduire au co-
mité' de sûreté générale ;'^e/«^* qui mé-
prise le gouvernement actuel est un
agent de la faction anglaise et m,i^
nistérielle : mais qu importe ! nous
avons pour nous et pour notre gouver-
nement les hommes probes et vertueux
de tous les pays ».
« Ailleurs il disoit : mes frères , je suis
bien content de votre exactitude dans
le service r c'est ainsi que les .'hommes
vertueux doivent se conduire ; lorsque
84 Crimes
nous aurons séparé de la société les hoin-<
mes sans mœurs, les perturbateurs , les
fripons , alors la société sera heureuse.
Ayez confiance dans les vertueux mon-
tagnards , dans les infatigables ma-
gistrats de la commune , (^ Chaumette
et Hébert ) ils préféreront tous plutôt la
mort ijvj'uiji vilpt inéprisable esclavage ».
« Mes frères , éçri voit-il à Tépoque'^JÉa-
tale où les ^iyrans çherchoient à répan-
dre le bruit d'une révolte dans les pri-
son^ , pour avoir un prétexte d assassi-
ner les mallieureuses victimes, qui y
etoient détenues , mes frères , surveil-
lons les prisons ; il se trame dans c«s
asiles tm complot contre la liberté ; les
déténus coupables veulent s'ouvrir les
portes à quelque prix que ce soit, pour
assassiner les représentans fidelles^et les
meilleurs démocrates. Quils tremblent,
leur punition sera prompte , et la loi
inexorable ; les Juges sauront Vnp.pU"
^uer à propos ».
n
deHenriot. ^
n est fadile de rtecoimoitre à tous ce$
traits , rélèye et le disciple de Thypor
crite Robespierre. Vil instrument de ce
monstre , itenriot se prêtoit à, tout ce
qui devoit concourir à raffermissement
* de sa tyrannie ; il. avoit rempli de se^
créatures les compagnies de çanonniers
de Paris ; Tarsenal étoit à sa disposition ;
il commandoit à six mille jeunes Seïdes
qui form oient le cainp de la Plaine dos
Sablons ; tous 'les jessorts de la force
publique lui avoiept été remis , ainsi ,
tandis que le? poinités révolutionntdres
ne reconnoissoîent que la voix de Ro-
bespierre , que Fouquier-Tin ville im-
moloit à son gré tou^ ceux qui deve-
noient Tobjet de $es soupçons ou de sa
vengeance ; que la société des Jacobins
n'agissoit que d'^rés les impulsions d&
sa tjrrannique volonté , et que la con-
vention nationale. elle-même plioitsous
son redoutable empire , Henriot prépa-
roit tous les moyens de réduire^ , par la
2'ome IL H
86 C R r M E s
force , ceux qui aurôlent osé braver sa
puissance.'
]Mais Henriot , comme tous lés autres
"complices en chef de Robespierre,étoit
un être aussi lâclie que féroce ; la cîiute
de son maître le plongea dans un état
de désordre et de trouible qui lui ota
jusqu'au souvenir dès moyens puissans
qu'il avoit entre ses mains poxu' le dé-
livrer et assurer son triomphe ; il ne
prit aucune des mesures qui auroient
•pu changer le 9 thermidor , en un jour
d'horreur et de désolation pour la
France entière. Un de ses aides-de-
camp fut même obligé de lui écrire â
la hâte ces mots : — Mon général , vu le
rapport qui vient de m'étre fait , je
crois que vous ferlez bien de monter à
•cheval , et de vous montrer dans Pa-
ris.-T— Et lui , après avoir rassemblé Té-
tat-major dans la cour Saint-Martin , et
dress3 un ordre par lequel il înstruisoît
les chefis de la force armée , que le con-
DE H R N B I a T. 8f
sel! général de la commune avoit arrê-
té que le commandant général dIrlge->
loit le peuple contre les conspirateurs
qoi opprimment les patriotes , et déli*
Yreroit la convention de l'oppression
des contre - révolutionnaires y après
avoir commandé une réserve de deux
cents hommes prêts à marcher fiux
ordres de* magistrats du peuple , et
indiqué la commune pour point de réu-
nion ^ il se contenta de parcourir en
jprcené les fauxbourgs en criant : aux
armes y et frappant à coups de sabre
les citoyens que sqs cris ne remplis-
saient pas de Vesprit de rage et de fu-
reur qui lanimoit. II laissa trmner de
prison en prison Robespierre et ses*
complicea , et bientôt après il fut arrê-
té lui-même dans la rue Saint-Honoré ,
avec quelques-uns de ses aides-de-
camp y comme il exhortoit ceux qui
s'attroupoient autour 4e lui de prendre
les armes contre la convention , et de
se rendre à la commune. H 2,
88 Crimes
Conduit an comité de sûreté gé-
nérale , il fut déposé dans la pièce
qui précédoit celle où le comité tenoît
sa séance : oi^ lia ses deux- bras avec une
' eordenQuée par derrière, de sorte qu'il
ne pouvoit faire usage de ses deur
mains , fortement écartées Tune de Tau-
tre : lès aides-de-camp faits prisonniecs
avec lui , furent simplement attachés
par les poignets.
Il étoit alors sept heures et demie
du soir ; il y avoit environ une heure
qu'Henriot étoit au comité de sûreté
générale , lorque les choses changèrent
die face, et prirent pohr un moment une
tournure vraiment alarmante.
* Marchant à la tête de douze cents
hommes armés , que soutenoit un fort
escadron de gendarmerie à cheval avec
quatre pièces de canon servie par les
canonniers les plus dévoués à Robes-
pierre , Coffinhal , décoré de Vécharpe
municipale, se présent^ à la porte du
T) E H E W R I O T. 89
comité de sûreté générale ; les membres ,
de ce Gomké se crurent perdus , et leur
ef&oi se propageant j usqu'au sein de îa
convention nationale, y porta le trouble
€tle désordre ; mais CoffinJialet sa trou-
pe n'usèrent que d'une partie de leur
avantage : après avoir désarmé , sans la
'moindre résistance , les gendarmes at:-
tachés à la convention , ils délièrent
Henriot et ses aides-de-camp , et les
emmenèrent avec eu3ià la maison com-
mune. Il est incontestable que si après
cette expédition ils se fussent portés
dans la cour du cliâteau des Tuileries ,
et de la dans la salle de la convention ,
la journée étoit décidée, et le tyran
triorajîhoit.
Ce fut là le seuï trait de courage qui
distingua les complices de Robespierre.
Henriot ramené en triomphe à la mai-
son ron> m nrjç , crut suppléer à sa pre-
luîfre imprévo^wince en prenant enfin.
un parti décisif; nji»is* il n'étoit.plus
go Crimes
temps ; la convention nationale avoit
prévenu Taudace des conjurés ; les sec-
tions étoient éclairées , et tous les bons
citoyens s etoient ralliés ; les nouvelles
tentatives d'Henriot ne firent qu'accé-
lérer sa. perte et celle de son parti. S'é-
tant présenté sur la place du CarOusel
avec son état-major , et ime suite as$e2i
nombreuse, en vain il essaya de soûler
vet le peuple , et surtout les canonnière
sur lesquels il comptoit le plus : des cri$
tumultueux étouffèrent sa Voix ; les car
nonniers refusèrent de faire feu sur 1^
convention ;*enm«me temps il étoit mi$
hors de la loi par rassemblée : le bruit
die ce décret terrible acheva 4© le dér
concerter ; il s'enfuit avec précipita^»
tion, et se réfugia dje nouveau k la mai^
son commune , où bientôt Robespierre
et tous ses complices se trouvèrent en-
veloppés et prêts à tomber entre les
iiaains de ceux qu un instant auparavant
DE H E N R I O T. g.|
îfs prpscrivoient comme des factieux
dignes du dernier supplice»
Plein de trouble , et £rappé de ter*
renr » Henriot cherchant son salut dans
la fuite y se glissa dans xxa des couloirs
de la maison commun^ \ là il rencontra
CofTinhal quis'enfuyoit aussi. A Taspect
d'Henriot, qui^ en sortant du comité^
avoir garanti sur sa tête le succès de la
conspiratipn , Goffinhal ne put contenir
sa foreur. — Lâche ! lui dît-il y voilà
donc où ont abouti tes moyens si cer»
tains de défense î scélérat , tu n'échap^
peras pas à là mort que tu cherches à
éviter l — En disant ces mots , il. saisit
Henriot parlennlieu ducorps ^tle pré-
cipita par une fenêtre du second étage
de la maison commune.
Henriot tomba d abof d sur un toît , çt
de là dans une des rues étroites qui en*
vîronnent la maison commune. Surprix
et reconiin par quelques gendarmes, il
$e s«nva daj&s un ègoût à coté duqud
ga Crimes ,
il étoit tombé , mais un gendarme en-
fonçant sabayonnefte dans Tégoût , lui
creva un oeil et le força de se rendre.
Le lendemain il parut sur la fatale
clic^rrette , n'ayant pour vêtement qu'u-
ne chemise et un gilet, et toiît couvert
de fange et de sang ; sa chevelure , ses
mains ensanglantées , un de ses yeux qui
tomboit sur une de ses joues ^ tout cela
'formoit un tableau si dégoûtant et si ef-
froyable , qu*on n'osoit lé fixer long-
temps. Le voilà , le voilà , dîsoit le peu-
plé , tel qu'il étoit lorsqu'il, sortit de
Saînt-Firmin, après y avoir égorgé les
prêtres l
Son aspect , en réveillant par tout le
souvenir affreux des épbu van tables jour-
nées de septembre , attestoit une véri- '
té terrible, que jamais les assassins de
Finnocence n'écliappent au cliâtiment
4|ui les attend.
' Enfin ce scélérat trouva le terme de
sa vie mêlée de tant de crimes et d'hy-
D E H E N R I O T. <)S
pocrisie. Il périt sous le fer qui véngeoit
à la fois tant de fàrfaits.
— i— oi— M ■ ■ Il m 1 1 Il iiaM— — ■ > i iM t l u mm '
Nonce historicfue des crimes de
Dumas , président du tribunal
révolutionnaire.
Uk des comj)lices de Robespierre'
qui inspirera le pins d^iorreur^ et dont
le nom rappellera le plus de forfaits ,
c'est Dumas. Il n'est pas un homme sen-
sible à qui ce scélérat n ait fait répan-
dre des larmes de douleur et de déses-
poir; il n*est pas une fajnille honnête et
vertueuse qu'il n*ait plongée dans la
deuil et la consternation : c'est lui que
le tyran jugea digne d'exécuter , dans
toute son étendue , la loi barbare du 23
prairial , et qui fit vei'ser ces torrens de
sang , qui , pendant six semaine», cou-
lèrent sur l'échafaud où il égorgeoitse*
victhnes.
Le portrait de ce monstre est un des
g4 Crimes
plus h^euK à txacer. Ailleurs , le fana*
tisme pouvoir, en exaltant les âmes ,
leur donner ces dispositions atroces qui
ont fait commettre tant de crimes ; mais
dans le coeur de Dumas il n'y ayoit que
là soif du sang , que la haine de Thuma-
nité , que les impressions de la férocité
U plus monstrueuse , que le mépris le
plus forii^el de toute justice et de toute
vertu , qui fassent le principe de sa con-
duite. ^
Il étoit né à Lons-le-Saulnier , dons le.
dép«irtement du Jura , de parens honnâ-
t#s j il avoitreçu de la nature quelques ta-
lens ; son éducation avoit été soignée ; il
exerçoitl^ profession honorable dlhoia-
«ae de loi; mais la perversité de sou-
ame avoit étouffé tous ces germes de
bienséance et de probité. On Tavoit vu
au commencement de la révolution , fa*
yoriserle parti des éoftigrés , souper avec
un de ses frères la veille de sa sortie de 1^
f rance , puis se jeter dans le parti de ce
D E D U M A s. 96
qu'on appeloît dXors fédéralisme , puis
se réfugier aux ^acobinspour s'y livrer à
rintrîg lie , et enfin devenir un des plus
iélés partisans delà tyrannie de Robes-
pierre. ' *
Son dévouement aux intérêts d^ ce .
scélérat lui valut d'être associé aux bour-
reaux qui dévoient former le tribunal
révolutionnaît'e ; il fut d'abor<î nommé
vice-président de ce tribunal , et survi-
vant ensuite à toutes les modifications
que le caprice de Robespierre fît éprou-
ver, à diverses époques, à'cetté société
d'assassins , il parvint à mériter complet-
tement sa confiance , et à obtenir l'em-
ploi de président du tribunal révolu-
tionnaire qu*il ambitionndit.
Dans ce poste , il étoit à la fois l'es-
pion de Robespierre auprès de ses col-
lègues , le dénonciateur forcené des .
proscrits auprès des comités de gouver-
nement , leur accusateur à la tribu Ae
des Jacobins, et leur juge implacable
gS Crimes
ku tribunal. On la vu plusieurs fois ^ ju-
ger lelendemain comme conspirateurs ,
ceux que la veille il airoit dénoncés dans
la société des Jacobuis commfe suspects.
Ce tigre a voit fini par fouler aux pieds
toute pudeur et toute bienséance. Tout
couvert de sang, eletpvès avoir envoyé
à lechafaud spixante victimes , il âlloît
le soir déclamer à la tçibune des Jaco-
bins contre linsuffisance de^ mojexis
qu'a voit le tribunal ]^gur Juger toi^s l^s
ennemis de la liberté. Son projet
étoit de joindre à la salle où se tenoient
les audiences , uçie partie de la grande'
salle du palais , pour y réunir à la fois
cinq ou'^ix cents victimes ; et coinine ^
on lui observoit qu un pareil spectacle
pourroit à la fin révolter le peuple , — ■
lié bien ! dit-il , il n'est qu'un moyen dç
remplir notre but , sans inconvéniont ,
c'est de faire dresser une guillotine dans
jU cour de chaque prison , et d'y faire
exécuter ,
D £ D ir 11 A s. 07
exécuter, pendant la nuit, les prison-
ni^s. * • **•
Ce eonséil qiAs Dutnds donnoit à Fôti-
qiiier-TirivîBe, en prédence de Robes-
pierre «t de <juél<jues autres affidés ,
aiiroit été îiifailliblcment exécuté , >si fe
g thei^midor h'eiit anéanti tous ces scé-
lérats avec leurs complots. Dumas étoit
encore sur son tribunal de sang , où ÎI
Vfenoit de? sïgn'éf'là niort de soiistnto
victimes, lorsqu'il rot arrêté par des
' dgens du comité de salut public.
Ne sachant pas ce qui Venoit de se
passer à la convention , et attribuant sa
disgrâce à Thumenr Sombre et capri-
eîeùse de Robespierre, qui immolok
ses amis comme ses ennemis , on dit
qu'il s'écria douloureusement ; — — Je
suis perdu, — — * Il se souvînt sans doute
alors que Robespierre , dont la grande
politique étoît derse servir d'hofaimes
que , d'un mot , il pouvoit envoyer au
supplice , avoit entre ses mains des pi4r
Tome IL I
98 Qk^ mes
ces qui pou voient le conduire à Téclia-
faud. C*étoit Robespierre , en effet , qui
par son crédit,, étoit parvenu, à itouffer
les suites de dénonciations graves qui
a voient été faites, aux Jacobins contre
lui , après s'être approprié toutefois les
pièces qui Àervoient 4'^ppuià ces^é-
^onç^tions., et les avoir gardées pour
s'en servir 2Ç|vi>f$oin.
Mais dès- que Dumas eut appris qae ^
sa disgrâce lui éltit commune avec Ro-
bespierre j le calme rentra dans son apie ; ^
il fut conduit à Sainte-Pélagie , versïes
quatre heures du soir ; à sept heures , il
n'y étoit çlusj. le concierge de cçtte
prison, docile aux ordres de la com-
mune , le laissa sortir sur la sommation
de quelques individus envoyés par elle
pour le relâcher. Dumas se transporta,
alors au rendez-vous générAl des cpnju*
xès ; et comme on le savoit exercé ^ux
opérations qui concernent un tribunal ,
. ^ lui iitriionneur de le charger de 1 or-
B £ D U M A s. 99
,gam$arion de celui qui , apréà le triom*
phe de Robespierre^ devoit exécuter
ses vengeances. On doit juger quel eût
été FefPet de ce cHoix , si le sort eut ser-
vi Tespoir de cette horde de canni*^
baies.
Au moment de Hnirasion de la mai*
son commune par les troupes /îdeUes à
la cohventioi^ , JDumas l^tifia là son tri-
bunal et ses plans , pour s'enfuir j il se
glissa de couloir en couloir jusques dan$
un réduit obscur et isolé ; mai» il ne p4t
échapper aux recherches que Ton fit de
lui : il fut trouvé dans son asile , et con-
duit, aux acclamations de tout le peu-
ple, à la Conciergerie.
Le lendemain il comparut devant le
tribunal que la veille il présidoit, pour
y entendre son arrêt de mort. Etrange et
bizarre effet des événemens qui signa-
lèrent cette époque mémorable î Ce fu-
rent ses complices, ses amis, ou plutôt
I a
i6o C & X M f f
le& esclaves de ses yolpntés^ qui ïtn^
vxuyérent à réchafaucL
£a irùarchant aulieu du supplice , D u*
snas étoit l'objet des imprécations par-
ticulières fie la luultitiide. — Le voilà,
s'écrioit-on , ce bourreau , cet assassin
à0 riimocence ; va\, iBonstcel va, scélé-
rat, présider les finies jdeJ'enfer. Par
tout il fut accueilli par des huées et des
uialé<^ctioiis , que sa contenance ha-
garde et furieuse redoubloit encore. Sa
tête tomba une des dernières. Elle étoit
ajussi hideuse que son aine ; elle révolta
la. multitude , effrayée eiicore du sou-
venir de sa férocité."
T'ableau des cHme^ de Fleuries
Lescoe, Maire 4^ Paris,
Fubukiot-Lescot étoit né en Autri-
che : la révolution, en se développant ,
lui parut propre à favoriser quelques
DE Fleuriot-Lescot. xôx.
projets de fortune qu'il avoit / conçut
pour s'arracher àl état d^ pauvreté dans
lequel il vivoit à Paris ; en conséquence
il emprunta le masque du patriotisme. ,
et se lança dafy le tourbillon des in^
trigues sectionnaires , qui alors ser<r
voient de premier échelon pour par-
venir aux emplois que donne la faveor
populaire. . «
Fleuriot-Lescot tourna aussi ses vues
du coté des Jacobins; il ambitionna
d'être admis dans cette société ;.et il j
fut reçu selon «es désirs ; le rôle qu'il j
Joua , quelqu'obscur qu il f ut « le &t ce-
pendant dist4ngu<tr de Robespierre : on
prétend qu'aux tém<|îgnageft de son ad*
miration,, et de son zèle pour ce vilin*
trigant , il ajouta quelquefois , vis-à-vi*
de ceux qui s'avisoient de contester de*
vant lui l'incocraptibilité àa KcAes-.
pierre, des preuves qui firent plus re-
douter la vigueur de son bras que U
force de ses raisonnemeniu
loa -T' . ■ Cri m-e s
Qui)i qu'il en soit , il obt^t laTécom-
j^ense de Son dévottemcnt , et il fut nom-
mé Fijn dessiibstitué&de Fouquier-Tin-
ville lors de la première organisation du
tribunal févolutionnaire de Paris. Fleu-
riot-Lescot remplit ses fonctions comme
un hoinme qui vouloit , à quelque prix
que ce fut, fëire oublier son origine
étrangère , et surtout se maintenir dans
la fa^euT de ceux qui lui àvbient si gé-
néreusement ouvert la carrière de la
fortune;
Quoiqu'il fut sans talens, il avoit du
m'oins ceux que .donne une ame ram-
pante et toujours prêtfe à 'tont sacrifier
5UX câprîcés de la tyrannie. A la fSveUr
de ces dispositions , il sut gagner la con-
fiance de RobesjJierrè , et lorsque ee
tyran fotilut organiser ^diites les auto-
rité? cdnltîtuées dePârià'dans le plan
dé sa conj uratipn , il le' fit nôlnmer maire
de Faris,nori cofiim'S Vh îïomrae qui
pou voit le servir dans cette place par
. DE FLKtJKrOT-LESCOT. lo3'
ses talens , liiais comme tin esclave dont
il pourroit disposer ià son gré, et qu'il
pourroît faire mouvoir selon ses fanta]U>
sies et ses besoins.
Robespierre ne fut pas trompé dan»
son attente. Fleuriot-Lescot , loin d'a-
buser des droits et des prérogatives de
sa place , n'en devint que plus déVouéà
son protecteur; rien ne se faisoit àla
mairie dont Robespierre ne fut instruit.
Ce vil courtisan sembloit craindre en'
quelque sorte de respirer sans Faveu de
son maître ; il le préconisoit avec un6
lâcheté révoltante ;' ses discours à la mu-
nicipalité ne rèspinoient que bassesse et
flatterie. Il auroit immolé sans remords
l'univers entier aux caprices du tyran f
pourvu qu'il eût conservé sa faveur.
Il savoitbien que'Robespierré iiV
voit , pour le perdre , qu'à rappeler qu'iï
étoit Abtrichiefn , et que d'Un mot,' il
pouvoit'le confondre aVec la faction do
l'étranger. Ces pensées le rendoie|it en-
3jb4 V C K X M E s
cotj^pluft rampant çtplus ^soumis ^quelle
humiliation pour une vill^ comme Pa»
ri$,. d'avoir pour premier magistrat un
homme capable de cet avilissement ! * «
Mait éloignons unepareille idée. Fleu*
ziot-Lescot n'étoit pas le maire desParir
BÎens^il étoitle maire des brigands qu'on»
avoitmisà la tête de la commune de.
Paris,
Cet homme étoit si généralement mé-
prisé , même par son partie qu'à peine
on ddi^aoit s^ souvenir qp'ii étoit maire,
de I?ariS', dans lesocçasions où il, s'agis-
soit de £aire intervenir sa qualité, C'étoit
Paysan qui avoit la grande, influence ,
qjiiaiitâ lui il n avoit guère que les^hon-
i^urs de la, représentation , et d'aut^es^
fonctions àii^n^p^ que 4^? donner Xe-
xemple d'u^dév^uen^çnt servile à Ro-
U se rrainoitainsi de I^hetés en bas*
sesses^ lor^ueIe-9 thermidor vint L'en-
velopper dazis k catastrophe des. tyrans.
D£ F1.BUKIOT-LBSCOT. 105
qu'il servoît. On doit pourtant avouer
qu'il fut ^}p. çle ce.ux qui montrèrent le
plus de caractère dans cette circons-^
tance décisive. A peine le bruit de ce
qui se passbit à la convention parvint
jusqu'à lui , qu'il s'empressa de se ren-^
dre à la maison commune , et d'y ras-*
sembler les membres épars du conseil..
Le discours qu'il prononça quand ses
collègues se trouvèrent réunis, fut ce-,
lui d'un homme qui étoit bien décidé à
subir les chances du parti pour lequel il
combattoit ; il rappela la gloire que la
municipalité de Paris avoit eue de cpn*
courir au triomphe de la liberté aux
époques mémorables du 10 août, et du
Si mai ;,il chercha à ranimer Ténergie
des membres du conseil, et prenant
dans ses i^ains le tableau qui représen*
toit les droits de l'homme , il s'érria avec
chaleur : « Quand le gouvernement
» viole les droits du peuple , Tinsurrec-
*» tîon est pour le peuple , ejt pour chaque
io6 ■ ' Crimes
» portion dû peuple \ le^plus sacré et le
» 'plus încUsp ensable de ses devoirs ».
Quelqu'un s^étant plaint que la feuille
sur laquelle les membres du conseil ar-
riVani s'étoiont iiiscrits , avoit été sous-
traite , il dît : — '• Noh , on ne nous ravi-
ra pas Thonnsfur d'avoir concouru au-
jou;:d-hui aux succès de îa liberté sur
la tyrannie et l'oppression : je pjropose
q'Ue rà liste soit renouvelée , afin que ,
déposée aux archives , elle atteste à ja-
mais la fidélité des vrais amis de la pa-
trie, -— Et il s'inscrivit le premier sur
la nouvelle liste.
Il sembloit avoir rések-vè tout l'éner-
gie dont il étôît capable pour cet instant
critiquer et décisif. Ce fut luî qui ordon-
na qu'on sonnât le tocsin de la maison
commune , qu'on fermât les Bianriéres ,
et qu'on fit avancer du canon sur la
place de grève et sur les quais. On con-
duisit deVant lui un concierge de la for-
ce, qui n avoit pas voulu reconnî)iire
DE FLJEUIVI.OT-1.ESC0T. 107
les orJres de la municipalité ; à son as-
pect Fleuriot-Lescot devint furieux ;
s'il neiit été. retenu, il auroit immolé
cet infortuné geoHer , qui , tremblant
de frayeur, demandoit à ses pieds
grâce et pardon.
Lorsque Robespierre pntra dans la
salle du conseil, Fleuriot-Lescot, ivre
dalégresse, sp précipita piu-devant de
lui , et l'appelant le sauveur de la liber-
té , il Je fit asseoir dans son fauteuil y et
fit prêter devant lui le serment fie mou-
rir pour sa défense. ,
Un officier porteur d'uji ordre de la
convention nationale s'étant présenté
au conseil, il arracha de ses mains lor-
dre qu il lui présentoit , et après l'avoir
déchiré , il traita cet officier de scélérat ,
ordonna qu'il fût dégradé à l'instant et
conduit à la commission d'exécution.
Il couvrit également <^'outrages un
commandant de section qui avoit refu-
sé d'envoyer ses canons, à là commune ,
io8 C&xik£s
et le fit traîner sar-IêTChamp en pri-
son.
Quelque tetaps après on apperçut au
coin d'une des rues qui donnent sur la
place dé grève , des co^nmîssaires de la
section des Arcis qui faisoient la procla-
mation de la convention nationale. Aus-
sitôt le maire ordonne qu'on aille arrê-
ter ces insolens proclanjateurs : plu-
sieurs membres se lèvent et bientôt
après reparoissent amenant avec eux les
commissaires de la section ennemie.
Dès qu'ils sont en présence du conseil ,
Fleuriot-Lescot ècumant de rage , épui-
se sur eux toute sa colère ; et les ména-
geant du plus terrible supplice , il les ren-
voie à la commission d'exécution.
Maïs le moment de la défaite appro-
choit : tout à coup on entend un coup de
pistolet qui part d'un des couloirs voi-
sins. A ce bruit , Fleuriot-Lescot des-
cend avec précipitation de sa place ,
court
DE FjLfeURiOT*LESCOT. lO^
court vers Tendroît d'où le coup étoi^
parti , et reparoit aussitôt pâle et trem*
blant, çn s'écriaJit ; 2'oiu es ù perdu.
Depuis cet instant le découragement
entra dans son cœur ; la dispersion gé-*
nérale de ses complices, leur arrestationi
les Cris tumultueux qui retentissoient
'autour de lui , tout cela le plongea dans
de vivâs alarmes ; enRn il subit leisort
commun. Conduit à FéchaÊLud il eut
sous ses yeux le spectacle du supplice
de tout les conjurés; en sa qualité de
maire de Paris , il fut elécuté le dernier ,
après avoir été lobjet , non pas à fci vé-
rité de Texécration générale, comme les
tyrans dont il avoit été Tinstrument ,
mais du plus profond mépris , châtiment "
inévitable des hommes qui , comme lui,
se rendent les agens de la tyrannie.
Tome IL
:iro Supplice,
' . ". S -"','. ■
Nrytice sur lès crimes de Coffinhal,
Président du tribunal révolution-
naireC '
PiERRE-AwDRi Coffinhal ', après avoir
liasse par toutes les charges révolution-
noires de sa section , où d'abord il avoit
exercé la profession de médecin , et en-
suite celle d'homme de loi , étoit enfin
parvenu à la place de président du tri-
bunal révolutionnaire de Paris. Les dé-
Jtaik'de sa barbarie dans ce poste soht
d'une telle atrocité , qu il faut avoir vé-
cu dans ces temps mallieureux pour les
croire. La postérité aura peine à con-
,Cevoirqu*un homme exerçant les fonc-
tions déjà si re.dputables de juge , ait pu
mêler le sarcasme aux arrêts de mort
.qu'il prononçoit , et insulter à l'infortu-
ne des condamnés en les envoyant au
supplice.
Dfi C.OFFINHAL. ^ m
. Mais ces temps où. Ion âvoit si fas-»
tueusement mis la probité et la vertu à
Tordre du jour,, n avoient rien de com-
mun avec les fastes les. plus extraordi»
xiaires des sociétés.humaines : il étoit ré-
sçrvé.au^^ hommes qui se disoient les^
enfans de la liberté , de surpasser tout
ce que les siècles des Néron, des Pha-,
laris, ^t des Tibère , avoient conçu d'hor-
reurs et exécuté de forfaits. .
Coffinhal, a^is sur son tribunal de
sang , et lançant des arrêts de "mort , re&-
^ sembloit plutôt à un baladin obscène ,
qui rassemble autour de lui des ^pecta-^
teurs avides de pasquinade;s , qu'à un.
juge devenu l'arbitre de la vie de ses
semblables : la taille des malheureux,
qu'on amenoit devant Jui , leur physio-
nomie, leur tristesse ,. le câline qu'ils
montroient, leurs réponses, leursilen- ,
ce, tout , jusqu'au son de leur voix,
sçrvoife à ce tigre de sujets de sarcasme
et de raillerie. Il outrageoit la beauti
K z
lia Supplice
par des propos îndécens , les talens par
des plaisanteries grossières , la vieiUé^e
par des dédaim atroces , Titmocenee par
des soupçons injurietix ; si lea prévenus
irouloient parlto, il leur disoit d*une/
voix terrible : — ^ Tu n'as pas la parole,
•^ S'ils se taisoient, ils conspiroient
dans le silence.
Un jour , il venoit de condamner un
maître en fait d'armes : — Pare cette
hotte-.là , lui dit-il , en éclatant de rire,
•-t-* Une autre fois il dit à des maiheu*
reux qui attendoient avec calitie Tarrêt
de leur destinée : — Vous seriez bieA
étonnési si je vous anrionçbîs que vous
allez être acquittés ; et après avoir gar-
dé pendant quelque temps le silence ,
comme pour s'amuser de leur conte-
nance , il leur annonça leur condamna*
tion,
O honte î 6 douleur î Texécration des
fiiècles suffira-t-elle pour venger de teî«
iittentats !
DE COFFIW ir A L. 1 13
Cpffmlial fat le seul de tous ceux qui ,
au 9 thermidor , avoient été mis hors la
loi , dont on ne put se saisir : après avoir
épuisé salage sur Henriot , en le préci-
pitant par tine fenêtre ; il parvint à s'é--
eliapper ; et s'éunt déguisé sous la £or«
me d'un batelier , il alla ie cacher dans
File des Cigneè au-de$so£ des Invalides.
. U 7 resta deux jours et dtsux nuits sans
prendre aucune nourriture ^ et li'ayant
pour asyle que quelques planches con-*
treun déluge d'eau quine cessade tom«
1>er pendant tout ce temps.
Le malheureux soufïrant cruellement
de la faim et de Fincommpdité , qu^il
rece voirde la pluie dont îl étoit trempé ,
sortk de sa retraite ; il se rendit che«
un' particulier quil a voit eu autrefois
pour ami. Ce particulier lui devoit i5
louis; CofBnhâl lui demanda du pain ,
des vétcmens et de Fargent. Mais cet
^mi le ferma sous la clef, et courut aver-
tir la garde que CoETmhal étoit chez lui^
ii4 5uppi/ics
En se voyant arrêté , ce scélérat, osa
«e récrier contre la violation des droits
de rhospitalité et de Tainitié , comme
/s'il eût encore eu quelque titr« aux liens
sacrés de. la morale sociale L arrivé à I^
conciergerie , il demanda, à boîre et a
manger., et raconta.au concierge qu'on,
se feroit difficilement une idée deé Jter-
ribles angcÂss^s, des douleurs crueUes
d'esprit et de corps qui lavoicut tortu-
ré pendant les deux jours qu il ayoit pas-
sés dans rile des Cignes. — La mort
qu'on me prépare , ajoutoit-il , sera .une.
douceur en comparaison de ce que j'ai
souffert.
Lorsqu'il alla . au supplice , . il fut
constamment l'objet des railleries de la
multitude^ les uns lui crioient ;•- — Tu
n'as pas là parole. — D'autres passant des
bâtons au travers des barreaux de la
charrette , et les présentant à la poi}:rine
du patient, lui rappeloient ses insultes
aux ii^ortunés qu'il condaiixnoit , et lui
T> F. C O F » ï N H A L. 1 15
crioieiit : — Hé bien ! Goffiiihal , que
dis-tu "de cette botte PdPare celle-là.
" Goffinhal regardoit de dxoite et d^i
gauche', 'et le voit stupidement les épau-
les. Il marcha à la mort ayct une sorte»
de courage , et la reçut avec asjsez de
résolution.
,__ mmaÊÊÊÊmÊmmiÊÊÊhÊÊimiÊÊmmmÊm^mm
Quelfues relaxions sur Robespierre
et ses agens.
Après avoir parcouru lés détails de
la vie des scélérats dont nous venons
de rappeler les crimes et le çupplice ,
on se demandera sans doute quel étoit
le but que ces monstres se propo$oient.
Nous répondrons qu'il est démontré que
Robespierre, le chef de cette horde de
cannibales , en avoît un : il aspiroit au
pouvoir dictatorial. Mais ses complices
n'en avoient aucun. Ils n'étoient que
desinstrumens passifs , qu'il faisoit mou-
voir à son gré II étoit parvenu à leur
1X6 R B F L E X^I O N S.
Uispirer un fanatisme politiq^ue si aveu-
gle , qu'ils commettoient de sang froid
les plus grands crimes , et qae plusieurs
d'entre eux se/aîédient même une gloire
de publier IcurrforÊdts.
Certes , s'écrioit un jouraVec enthou-
siasme un juré du tribunal rérolution-
}iaire , Robespierre doit être bien
contenu de moi, car j* ai toujours
'Voté pour la mort.
Un autre juré, rentrant gaiement
chez lui , àh à sa femme ; embrasse^
moi y ma bonne amie, j'ai bien gon^
gné aujourd'hui l* argent ^ue la res
publicfue me donne; je lui aiprocu^
ré plusieurs maillions, ^ — - "Cet assassin
avoit envoyé â la mort 4<5 infortunés ,
dont les biens avoient été coîifisqués;
Un proconsul dévoué *a la faction de
Robespierre , et cliargé par ce tyran
d'une mission secrète dans un départe-
ment, calculoit tous les soirs /avant de
6e coucher, combien les arrestations
Reflexiouts. 117
des suspects qu'il avoit ordoxmées pen-
dant la journée , produiroient à la répu« '
blique. Lorsque «es calculs ne mon*
toienC pas à un million , il s^éarioit dou-^
loureusement : je nui rien fait mi*
jourd'hui. — Dibm lPSRt)im!
Un agent de Robespierre envoyé
dans j^usieurs départémens pour for-
mer l'esprit public , dîsoit un jour à la
tribunèsde la société populaire d'une
vilk riche et coimnerçante : -— Mes
amis , pour anéantir les ennemis de la
liberté , je vais vous indiquer un excel-
lent moyen : il faut inviter les dômes»
liéfues à dénoncer leurs maîtres ,
leur promettre secret et récompense.
- ■ '■ Yoilà ce que les agens de Robes-
pierre appeloient former l* esprit pu»
biic.
âî Ton pouvoit rétrâicer txms les pro-
jets de- barbarie et de férocité qui ont
été discutés au milieu des nuits dans'
cett9 multitude ipMMubrable de comi*
ii8 Reflexioits.
tés révolutionnaires qui couvroicnt la
surface entière de la république ; toutes,
les trames ourdies pour immoler Finno-
cence j tous les moyens atroces imagi^
nés , pendant la tyrannie de Robes-,
.pierre, pour faire couler le sang hu-
main , afin de réduire la population de
la France ; toutes les manoeuvres enfin
qui ont été employées pour tâcher de
légitimer Tassassinat , on reculeroit
d'horreur à la vue de ces tableaux
épouvantables.
Nous nous bornerons, pour peindre
en peu de mots cette horde de canni-
bales , à dire avec Testimable auteur des
Mémoires d'un Détenu , que ces ma-
chines à destruction,, (les comités ré-
volutionnaires ) étoient la plupart com-
posés d'hommes féroces ou stupides qui
n'étoient pas dans le secret du tyran, .
et méttoient leurs fureurs à la place de
celles de ce monstre. Comme rien n'é-
galoit la mobilité du gouvernement ré-
Rbflexioits. 119
volutionnaire , ceux qui en étolent les
.agens's'empressoient de satisfaire leurs
vengeances particulières ; de là cette
multitude d'assassinats juridiques qui
ont effrayé la France et Feurope en-
tière : de là cette foule de crimes et de
forfaits inouis jusqu^à présent dans les
annales 'des nations ; de là enfin cette
corruption totale de Fesprit public ,
cette démoralisation qui , en changeant
toutes les idées , toutes les acceptions ,
n ont donné que trop souvent le nom
de vertu au crime.
Heureusement pour la France , et
pour Fhumanité , Robespierre s'est per-
du par la bassesse et la férocité de ses
agens et de ses complices ; car on ne
peut pas douter que les horrem*s dont
ces scélérats avoient épouvanté le mon-
de , n'étoient que le prélude du plan in-
fernal que leur chef avoit arrêté un
mois avant le 9 thermidor. Grâces soient
donc rendues au génie de la discorde ,
1 20 Pi É F t B X X b H S.
qui a Imd- ses serpens au inilieu des ri*
vaux du tyran , et les a portés à yen ver-
fer ridole qu'ils n avoieot encensée que
trop long-tçinps : c'est en cfiBet à ce gé-
nie , qui ne produit ordinairement que
des maux , que la France doit respéran-
ce du bonheur, qui a coimneacé à luire
pour elle depuis la cjiute de Tinsolent
dictateur qui Tavoit asservie.
Puisse enfin le règne des lois immua-
blement affernii , éviter à ma patrie le
retour des horreurs auxquelles elle a été
exposée, et lui faire oublier tous les
.malheui» qu'elle a éprouvés!
JFin du Tome second.
J . P . MA1\AT .
mTan"^' CHAIU/T™ COIVDAY.
LES CRIMES
DE ROBESPIERRE,
BT DB
SES PRINCIPAUX COMPLICES;
Leur suppKce ; la mort de Marat^ son
apothéose; le procès et le supplice
de Charlotte Corday.
TOME III.
A PARIS,
Chez Db8 Essarts 9 Libraire , rue du Théâtre
Français , N*^ 9 > au coin de la Place,
An V. (1797 V. St*)
LES CRIMES
DE MARAT.^
v> E ne sera pas un des pliénomènes les
jtnoins étranges de la révolution fran-
çaise que de voir Marat^ sorti de la
lie des plus vils intrigcins , rie sans ta-
lens et sans courage , rampant d'abord
en courtisan avili (^ans lés anticham-
bres des grands , ne préchant ensuite
que le meurtre et Tanfiarcliie , n'ayant
d autre arme que la calomnie la plus
grossière , aussi hideux au physique que
dans ses écrits , devenir le chef d'une
secte nombreuse , Tidole d'une multi-
tude immense , et s'élever de la fange
dii crime et de la bassesse , au rang de
législateur et de représentant du peu-
ple français. Si la postérité ne devoit
pas être instruite par nos fautes et par
nos malheurs, nous rougirions de re»
4 C R IM BS
tracer de pareils souvenirs ; îl faudroit
•effacer dés pages de notre histoire , les
fours où un pareil événement vint souil-
ler le nom français , et le couvrir d'un
opprobre éternel.
Mais il fut enHn de Marat comme
de tant de scélérats qui , tirés de leur
obscurité et de leur bassesse par, une?
faction puissante , ont Hni par usurper
son Crédit , pour asseoir sur ses ruines
leur ambition aussi féroce qu'intolé-
rable.
Marat , en préchant du fond de son
iouterrein t;ous les crimes , en appelant
le brigandage et le meurtre sur le sol
de la France y servit long-temps une
faction ambitieuse , dont Fintérét su-
prême étoit de plonger la France dan?
une désorganisation totale , pour y pla-
cer son empire illégitime et criminel.
Mais la lâcheté du chef de cette faction
donna bientôt à Marat et à ses com-
plices , la mesure de ce qu'ils pou voient
pour leur propre ambition , en Feignant
de servir les intérêts de leur protecteur:
à lombre de son crédit , et sous les poi-
gnards de septembre , ils se firent nom-
mer à la^ représentation nationale , où
brisant à la fois toutes les puissances
amies et ennemies , ils déployèrent une
tyrannie dont Fatrocité ne trouve pas
d'exemple dans les fastes du despotisme
le plus effréné.
, Cependant il cxistoit au sein .de la
convention nationale des hoinmes qui ,
rougissant de siéger à coté de Marat
encore tout dégoûtant du sang de ses
victimes , réunirent leurs efforts pour
détromper la multitude égarée, atcffa-»
cer la honte d'un pareil choix, ea dé-
vouant au. gldive des lois celui qui les
avoit si .long-temps et si impunément
outragées.
Ce parti d'hommes courageux , que
quelques historiens ont peint comme '
une faction , mais à qui nous ne crain-
6 CRIMES
drons pas de suppos^er des desseins pluf
généreux et des vues plus sociales qu'à
la faction dont Maraâ étoit le chef,
fut qualifié du nom de girondin , parce
qu'il comptoit dans son sein , et parmi
les plus ardens .adversaires de Maral ,
les députéîs dti département delà Gi-
ronde. Presque toutes les séances de la
convention étoieRt ^fnarquées par une
lutte entre ces deux par^js , où Ton peut
dire que Texcès de la lâcheté étoit aux
prises avec les tâlens les plus brillant
/ et k politique la plus astucieuse.
Il faut lire les séances de ces jours
de soandale^, pour se convaincre de Fa-
charneinent avec lequel ces adversai-
res se poursuivoient , et de Timplaca-
ble animosité qui régnoit entre eux.
Jponnez, un ^erre de sang à ce can"
nibale, il en a soif, disoit un jour
Kergniaud, en désignant Marat , qui
exlialoit à la tribune ses fureurs mena-
çantes. Ailleurs il le peignoit comme
D É «M A R À T. ^
Fauteur de tous le» maux qui étoîent
prêts à plonger la France dans lés\h6r*
reurs de la guerre civile. Et après avoît
fait le tableau de ce que lui et ses aiiïôj
avoient osé dans Ites dèrriiéts jours dé
la législature , contre la cour encore
toute puissante, il ajoutoit tîes parole*
foudroyantes pour Marat , a qtii il les
adfessoit avec autant de talent que de
vérité.
« Où étoietït alors tes Brutils moder-
nes ? Ensevelis dans d'obscurs souter^
reins , ils attendoiiqfnt dans le silence de
la terreur qne Torage J>olitique eut fùî
de notre horizon, et ils nett sortirent
qu'à Faurore des sanglantes journées
de septembre : on préconise leur saga*
cité à lire dans l'avenir; ntrst-il pas
bien extraordinaire qu'on prédise Fin-
cendie d'une maison , quand on y ap-
porte la torche destinée à Ferabraser ?
Ils veulent la guerre civile ceux qui
dénoncent et proscrivent chaque jour^
3 C R X M ZS
fis yeulent laguerre civile ceux qui fou-
lent aux pieds toutes les lois delà mo-
rale et de la justice ; ils veulent la guer-
xe civile enfin ceua^ qui lèvent le poi-
g^ar4 contre quiconque s'effraie de
leurs principes ^ et n'est pas à la ]iau*
teur du .brigandage et de l'assassinat.
ParîsiçBsl. ajqutoit-il, sortez enfin de
votre stupeur, ou craignez que bien-
tôt ces désorganisateurs n aient à vous
of&ir pour nourriture que le sang et
les cadavres de leijLrs victimes » !
Si nous voulions soi^iâer notre pla-
ine des injures grossières que Marat ,
^e son coté , prpdiguoit chaque jour
aux girondins , soit dfUis. sçs feuilles dé^
.goûtantes , soit a la tribune , on verroit
de quelle haine féroce étoit capable son
ame. C'est surtout à la tribune des Ja-
cobins qu'il se livrpit à $on implacable
ressentiment. Là, il exaltoit, un poi-
gnard à la main , ses nombyeux admi-
rateurs , les encourageant , au nom d^.
deMarat. 9
la liberté, au meurtre et à Tassassinat
des infâmes rolandistes et girondins.
Dans Tattente des événemens que
dévoient produire ces scènes scanda-
leuses , tous les bons esprits gémissoient
des plaies profondes qu'elles faisoient à
la France , déjà si accablée sous le poids
de ses malheurs. Tous ceux qui t^
noient encore à Tordre et aux idées de
la sociabilité , désiroient en secret le
triomphe du parti de la Gironde. Mais
est - ce la vertu pacifique et confiante
qui remporte , lorsque le crime veille
et prépare ses poignards et ses écha-
fauds 7
Cependant un jour sembla rendre à
Tespérance les Français , lassés de tant
de désordres : enhardi par limpunité ,
«outenu par un parti considérable de
factieux disposés à tous les crimes , et
rassuré contre Findignation de la mul-
titude accoutumée à le croire son atni ,
Marat avoit entièrement jeté son mas-
lo Crimes
que. Chaque jour ses feuilles ïetentîs*
soient du cri de la guerre civile ; pour
rallumer avec plus de certitude , il fal-
loit alarmer les citoyens aisés sur leurs
propriétés , et les armer contre les pau-
vres aigris de leur infortune : le pillage
fut donc ouvertement commandé par
Y ami du peuple , et exécuté par les
brigands à ses ordres j ce fut le a6 fé-
vrier 1793.
A ce signal , un cri d'indignation s'é-
Içva, et retentit au sein de la conven-
tion nationale : une voix accusatrice se
fait entendre, et un député de la Gî*
ronde , tenant une feuille de Marac à
la main, monte à la tribune î — C'est
vainement , dit-il , que nous cherchons
loin d'ici lesjrovocateurs des désordres
qui nous indignent ; celui qui les a com-
mandés , celui qui a donné le signal de
la guerre civile, est ici au milieu de
nous ; le voilà ( en désignant Marat ) ,
je tiens la preuve de son crim^^^ il suf-
DE M ARA T. 11
Jîra de l'entendre pour être convaincu
de ses desseins perfides..
Après ces mots , Torateur 'donna lec-
ture d'iui passage de la feuille de Vami
du peuple de la veille , conçu .en ces
termes :
« En attendant que la nation , fati- \
guée des désordres révoltans de Fagio-
tage et de TaCcaparement , prenne elle-
même le paurti de purger la terre de la
liberté de, cette race criminelle, que
des lâches mandataires encouragent au
crime par Timp unité , on ne doit pas
trouver étrange que le- peuple, dans
chaque ville , poussé au désespoir , se
fasse lui-même justice : le pillage de
quelques magasins , à la porte desquels
on pendroit les accapareurs , inettroit
bientôt fin à ces malversations qui ré-
duisent cinq millions d'hommes au dé-
sespoir, et qui en font périr des inil-
liers de misère ».
A41 milieu des cris d'indignation qui
succédèrent à cette lecture, Maraê
monta à la tribune pour se défendre^
' « Une horde , dit-il , qui a voulu sau-
Ter le tjran ; une horde qui veut au-
jourd'hui la contre - révolution ^ une
horde qui me poursuit parce que je Ja
découvre , demande à grands cris Je
décret d'accusation contre moi. Quel
est donc mon crim^ ? C'est d'avoir dit
ce qu'un homme sensé doit dire quand
les maux sont à leur comble. Je l'a-
voue Je n'ai vu qu'un moyen , celui de
remettre au peuple le soin de son salut
f t de sa propre vengeance ».
A ces mots , Marat fut vivement iii-
terrompuj l'agitation devint extrême
entre les deux partis , les menaces , les
injures fure^t prodiguées de part et
dautre ; cependant l'assemblée ren-
voya pardevant les tribunaux ordinai-»
res la dénonciation contre Marai , et
chargea le ministre de la justice de lui
Irendre compte ^ tous les huit joursf des
suites
» E M A Ik A T. l3
mîtes de la procédure contre les au-
teurs , fauteurs» et complices des dé-
sordres survenus à Paris.
Les choses étoient dans cet état ,
lorsque de nouvelles circonstances vin-
rent réveiller le soupçon de sa compli-
cité avec la faction d'Orléans. Après
une séance extrêmement orageuse , il
fut décrété qu'il seroit arrêté et tra-
duit à TAbbaye , jusqu'au moment où
le comité de législation seroit en état
de faire un rapport sur les gneh qui
lui étoient imputés.
On^ne lira pas sans étonnement la ré-
ponse que fit Mardi à ce décret.
« Puisque le sentiment de la pudeur ,
dit-il , n'a plus d'empire sur mes enne-
mis*, je dois déclarer à la convention ^
que le décret n a été sollicité qu afin
d'exciter de grands mouvemens dans
Paris : // ne me reste ^ne le sentie
ment de VJiomme de bien ; c'est de
braver leur fureur ».
Tome IIL B
i4 Crimes
Cependant, malgré cette résolution;
MarcU se renfenna de nouveau dans
un souterrein^ ou il ne fut pas possible
de le découvrir , et le lendemain il écri-
vit à la convention que tant que ses en-
nemis ne seroient pas arrêtés, il sau-
roit 5e soustraire à la persécution qu^îl
éprouvoit; qu'avant d'appartenir à la
convention , il appartenoit au peuple
dont il étoit Vœil ; qu'il alloit continuer
de mettre à découvert les attentats des
scélérats soudoyés ; qu'à la vérité il ne
vouloit pas que la conventicm fût dis-
soute , mais qu'il entendoit bien qu^elle
fut purgée des traîtres qui la déshono-^
roient.
Le même jour, le comité de législa-
tion fît son rapport sur les dénoncia-
tions faites contre Marat; le rappor-
teur, après avoir étabE, par les écrits
même de ce député , qu'il avoit prêché
le pillage, le meurtre, qu'il avoit ap-
pelé les poignards des assassins contre
D B M A R A T. l5
h représentatlan nationale , demanda
-an décret d'accusation contre lui , et sa
traduction j^ardevant le tribunal révo*
lutionnaire.
• Il est facile d'imaginer avec quelle
fureur cette proposition fût accueillie .
par la montagne , où siégeoient les amis
chauds de Marac , et par les tribunes
aux gages de cette faction. Robespierre,
écumant de rage , se déclara son défen-
seur. «"Je n'ai jamais , dit ce digne éiiu|^
de Marai , partagé les erreurs deceini
que vous travestissez en conspirateur >
mais )e déclare que }e le regarde com-
me un bon citoyen et un zélé défenseur
de la liberté et de Tégalité ».
Néanmoins on procéda à Tappel no-
minal sur la question de savoir si Ma*
rai seroit décrété d'accusation ; le tu-
multe inconcevable qui régnoit dans
l'assemblée , Finterrompît souvent ; en-
fin , après une uuit entière de trouble ,
de provocations et de désordre y 1^
B a
i6 Crimes
convention nationale décréta Maral
d accusation , et ordonna qu'il seroit
traduit pardevant le tribunal révolu*
tionnaire. ,
Il venoit d'être organisé ce tribunal
de sang ; déjà il avoit signalé son exis-
tence affreuse par des jugemens atro-
ces ; en vain quelques xnembres de la
convention s'étoient opposés à son éta-
blissement , en vain ils Favoient peint
CAtftme un instrument des factions ,
toTl]om:s prêt à dévorer des victimes r
{lobespierre et ses partisans étoient
parvenus à le faire créer et à le peupler
de leurs créatures.
Avec un tel tribunal , Fayàntage que
le parti de la Gironde venoit de rem-
porter sur la montagne , en faisant dé-
créter Marat <j[ accusation , de voit né-
cessairement tourner contre lui ; Ma^
rat triomphant , Marat acquitté par
un tribunal , devoit acquérir une plu»
glande influence, et être à pofctée de
I) K M A R A T. 17
tramer avec plus de ceititude la perte
de ses ennemis; c'est ce que navoit
pas prévu le parti de la Gironde , qui
n'a voit peut-être consulté que Torgueil
d'humilier une faction qu'il haïssoit,
dftns celui qui en étoît le chef.
Lorsque les esprits furent bien dispo--
ses au tribun£(l révolutionnaire , Man^e
sortit tout-à-^coup de sa retraite , et
vint se livrer lui-même à ses juges. Ce
fut la a4 avril 1793 qu'il parut à l'au-
dience de ce tribunaL
« Citoyens, dit-il en centrant , ce n'est
point ici un coupable qui paroît devaht
yous; c'est l'apôtre et le martyr de la
liberté ; ce n'est qu'un groupe de fac*
tîeux et d'intrigans qui a porté un dé-
cret d'accusation contre moi ».
Après ce discours qui, comme l'on
pense , fut rouvert d'applaudissemens
universels , le président demanda à
Marat re qu'il avoit entendu par cette
phrase de soii n^. 84 ; où il disoit que*
iS C K I M E s
si la démocratie ne TemportoUpas, îl
fa 11 droit bien que la nation se donnât
un clief. — C'est une calomnie atroce^
répondit Marat avec un ton. déd^^
gneu^; on a interprété comme on a
voulu ce que je voulois dire ; on a mj^
me poussé Timpudeur jusqu'à me prê-
ter des intentions que je n avois pas.
Satisfait de cette réponse dérisoire,,
le président Tinterrogea encore pour
savoir ce qu'il avoit entendit par cette
autre phrase de son n^. 80 , ainsi con-
çue : —Voilà les législateurs de Tempire
français ! j^e désire que le ciiel les illu-*
ipiae et les convertisse ; quant à moi ,
je n'attends d'eux rien de bon. — ^ Bien
loin, répondit Afatr^z/, d'avoir jamais
voulu avilir la représentation nationale,
je déclare que j'ai tout fait pour la rap-
peler à la dignité de ses fonctions. —
Et chacune de ses paroles , semWable à
ces oracles qu'attendait avee impatien-
ce une multitude ignorante et égarée.,
I> E M A R A T. ig
étolt accueillie par ràdmiralioû , Fen-
thoiisiasme et les applaudissemex^s de
rassemblée. • ^
Enfin le président ,. comme s'il eut
épuisé tous les griefîs contenus dans
lacté d'accusation, interpella Marat
de déclarer s'il àvoit quelque chose à
ajouter pour sa justification.
A ces mots jfeTard^^, déroulant un
papier , se mit à prononcer, avec un
ton empliatique , un discours qu'il tei*-
mina ainsi :
« ^^Ti% le droit essentiel de tout dire
et écrire , comment un petit nombi'e
de patriotes clair-voyans et détermi-
nés, dcjouèroieht-ils les complots d'u-
ne faction noinbreuse dé machiria-
teurs ? <Ju on en juge par ce qui noud
arrive , si la faction dis hommes d'état
peut , sous un prétexte quelconque ,
in'c»pulser de la convention ou me
faire périr ; demain , sous d'autres pré-
textes^ elle attaquera Robespierre ^
ftf> C R I M E 1
JDanton, Collot'd'Herbois f Panis ,
Lind&â, Camille , David, Audouin ,
Laignelot , Meaule , Dupuif , Ja^
vogues , G-ranet , et tous les autres
députés courageux de la convention ».
Il falloit être bien sûr de parler de-
yant à/^s ainis et à des juges disposés à
juger contre toute équité , pour mon-
trer tant d'audace. Aussi Marat ne
fut-il pas trompé dans ^on attente \ son
innocence ne fut pas m^me mise ^eu
doute.
Le tribunal l'acquitta de la manière
la plus honorable, çt aussitôt les ap-
plaudisscmens les plus bruyans retien-
tirent de ttoutes parts dans IVuditoire.
. Elevé sur une table, Marat eut pei-
ne à obtenir silence. « Citoyens juges
et jurés , dit«il enfin , le sort des crimi-
nels de léze-nation est entre vos mains:
protégez Tinnocent et punissez le cou-
pable , et la patrie sera sauvée ».
Alors commença la scène la plus
D E M A K A T. 21
bizarre et ^a plus grotesque qui fût ja-
mais.
Une multitude , ivre de joie et d'en-
thousiasme , franchit les barrières du
tribunal, se précipita autour de M^^
rai y et couvrant son front de couron-
nes et de branches de chêne qui se
trouvèrent toutes prêtes, le porta en
triomphe sur le grand escalier du Palais,
ou un orateur prenéuit brusquement la
parole , ordonna à Fassemblée de ren-
dre hommage à Fami du peuple si in-
justement accusé , et de faire retentir
son nom en signe d'alégresse.
Ce fut aux cris bi*uyans et mille fois
répétés de vîi^e Marat! vive Vqnti
du peuple ! que le cortège s'achemina
vers le Heu des séanccç de la conven-
tion. Pendant le trajet , il fallut que
tous les cîtoyems , que le hasard ou la
curiosité amenoient sur. son passage y
ôtassent leurs chapeaux, et les élevas-»
sent en Tair en, criant vive Marat!
22 C B. I M T. S
Cependant, caché presque tout en-
tier sous les couronnes civiques qui
pmbrageoient son front , ou par les
branches élevées sur sa tête, Marat
étoit presque invisible ; quand , par
hasard pourtant , on pou voit porter ses
regards jusqu'àjui , on voyoit , à tra-
vers une foule immense , grossie de
tout ce que la fange de Paris offre de
plus crapuleux et de plus vil, un petit
liomme mal* vêtu, d'une laideur lii-
deuse , le disputant par sa difformité
au cortège ignoble qui Fescortoit , af-
fectant de la manière la plus ridicule ,
Timportanae d'un, triomphateur , et
payant par des sourires protecteurs les
applaudissemens que faisoîent retentir
autour de lui ses .aveugles etstupides^
partisans.
C'est dan? cçt état que le cortège
parvint à la convention. Marat entra
dans la salle , après avoir eu la modes^
tie d'ôtor s^^ couronnes civiques d«
B £ M A R A T. i3
dessus sa tête, et de les porter à sa
inain : poussé vers la tribune par fa
multitude qui vouloit encore le voir et
Tentendre , il y monta et prononça le
discours suivant :
« Législateurs du peuple français ,
9 Je vous présente en ce moment
jxfk citoyen qui avoit été inculpé et qui
vient d*étre complettement justifié : il
▼DUS offre un cœur pur; il continuera
de défendre , avec toute Fénergle dont
il est capable , lejs droits de l'homme ,
la liberté et les droits du peuple ».
Ici la salle retentit d,'applaudîsse-
inens , les chapeaux furent agités à plu-
sieurs reprises ; on vit paroitre des bon-
nets rouges en signe d'alégresse , et
Tenthousiasme fut à son comble.
Marae voulut descendre de la tri-
bune; mais le peuple Fy fit remonter
pour entendre la réponse du président.
Sommé de répondre à Marat , le
président soupçonné de gîrondisine \
s'expriiha ainsi :
24 Crimes
« L'usage est de ne répoadrc qu-aux
citoyens qui présentent des pétitions ;
or Marat n'est point ici comme pétî?-
tionnaire » , et il leva la séance , en
laissant au peuple le soin de tirer la
conséquence de son arguiiient.
L'ahathéiûe contre les profanateurs
de la vlertu de Marat fut porté dans la
société des Jacobins, le soir même de
fion triomphe , au bruit des applaudis-
fieme];is universels, et du croulemeat
d'une. tribune ébranlée parla multi-
tude et Fagitation des assistais.
Bientôt , en effet , sonna le tocsin du
3i mai , destiné à venger Marat et la
xnpntagne, et le grand œuvre de la
proscription commença.
Comme lliistoire de la mort de Mei^
rat est essentiellement liée aux détails
que nous venons de dpnner , nous
croyons devoir placer ici le procès de
Cl lar lotte Corday , qui en contient tou-
tes les circonstancei^ v ,
Procès
CE CïtARLOTTE CoRDAY. sS
Procès eâ supplice de Charlotte
Cordày.
C'est une vérité confirmée par Ta»*
périence de tous les temps et par 1 lii#- -
toire de toutes les nations , que ceux
qui ont violé les droits de Thumamté ,
en organisant le meurfere et en com*^
mandant les forfaits , périssent tôt on
tard victimes de leur perversité* On
n a qu& trop de motife pour placer Ma-
rat au rang de ce;5 monstres ; mais étoit*
ce à une femme aimable , douce et sen*
sible , à punir par un crime ce scélérat
qu attendoit Técliafaud , que poursuis
voit déjà la sombre jalousie de Robes-
pierre , et que la nature indignée pré-
cipitoit d'ailleurs à grands pa^ vers la
tombe ?
La mémoire àedubrloHe Corday
' passera sans doute à la postérité ; ell«
pourra bien y étr» embellie par des
ToinellL G
i6 Supplice
éloges inspirés parrenthousiasme , mais
la saine philosophie ne partagera point
' cette admiration ; spn courage et son
dévouement resteront à jamais flétris
par k pensée affligeante , qu'en déli-
vrant la France d*un monstre^ elle as-
iassirùa» '
Charlotte Corday étoit née avec
une âme sensible , vive et capable d'une
détermination forte et soutenue ; elle
avoit été élevée dans les couvens ; mais
supérieure aux impressions minutieuses
^e cette sorte d'éducation , elle en avoit
rapporté l'austérité des moeurs qui ne
l'abandonna jamais. Elle avoit une sorte
de prétention au bel-esprit ; nourrie de
la lecture des philosophes modernes , et
surtout de Rayrial^ dont elle aimoit à
citer les maidmes et les pensées , son
ame s' étoit facilement ouverte au sys-
tème des innovations politiques quifer-
mentoient depuis quelque temps eu
Europe. Son goût pour l'indépendanc»
DE Chariottï Cordât, vj
lui avoit fait refuser plusieurs fois riiom-
mage des cœurs que ses charmes lui as*
,servissoient ; elle craignoit d'être entraî-
née hors de ses goûts, soit par devoir,
soit par bienséance , ou par excès de
sensibilité. Elle avoit un respect pro-
fond pour les auteurs de ses jours : maïs
autant son ame sensible s'affectoit en
faveur du malheur-, autant Vinjustictf la
soulevoit et Tirritoit : c'est alors , sur-
tout, que se développoit ce principe d'é-
nergie et de résolutions fortes , qu'elle
étoit destinée à porter à l'excès , et dont
elle de voit être la victime.
Avec ces dispositions , il n'est point
étonnant qu'elle prît une part si singu-
lière aux événemens qui signalèrent Ie«
premières époques de la convention.
Depuis long-temps le nom do'Marat lui
étoit insupportable ; mais lorsqu'elle le
vit maître, pour ainsi dire, à^^ desti-.
nées de son pays , par les suites déplora-
bles de la conjuration du 3i mai^Iors»
C 2
^ Supplice
qu'elle vit les députés dpnt elle estimoît
les opinions et les tiilens , proscrits , ré-
fugiés dans sa ville , appelant vaineV.
ment à leur secours les français- amis
des lois, contre leurs oppresseurs et les
tyrans de la France , lorsqu'elle vît le
feu de la guerre civile prêt à s'allu-
mer dans ^a patrie et a dévorer ses ha-
bitans , son indignation n'eut plus de
bornes.
C'est dans ces circonstances que ,
tournant toute sa hailie contre Marat
qu'elle regardoît comme l'auteur de
tous ces maux , elle conçut le dessein
de le poignarder. Remplie de ce projet ,
elle partit de Caen le 9 juillet 1793 , et
arriva a Paris le ;5urlendemain vers inî- «
di : elle alla loger à l'hôtel de la Provi- .
dence, rite des-l'/ieux-Augustins. Fati-
guée de la route, elle demanda un lit,
se couchk , et ne sortit de son apparte-
ment que le lendemain. EUe employa
Id matinée à rempUr quelques commit*
DE Charlotte Corday. 29
*îons dont elle s'étoit chargée en par-
tant de Gaen : parmi celles qui loccu-
pèrent le plus long-temps , il y en eut
une qu'il est nécessaire, de connoitre ,
pour rintelligence du ]^rocè$, Barifo»
tpïM^, Fun des députés proscrits par le
3i mai, et réfugié à Caen, lui avoitre-
ijiis une lettre de recommandation pour
Duperret , aussi député , lequel devoit
la conduire chez le ministre de Tinté-
rieur, et lui faire obtenir la remise de
qv^elques papiers nécessaires à une cer-
taine madame Forbin , ex-c]ianoinesse
et résidant en Suisse ; les relations qu'el-
le eut avec Duperret à ce sujet et leur
conformité d'opinions , formèrent entre
eux une liaison de ccmfiaace; on ne sait
pas si Charlotte' Corday lui fit part de
soii projet , mais cenu'il y a de certain
c'est qu'il se virent à plusieurs reprises ,
et que Charlotte Corday le pressa vi-
vement d'aller joindre àCaen ses amis.
Le surlendemain de son arrivée ,
3c» SuPtLICÏ
Charlotte Corday se rendit, vers le»
huit heures du matin , au palais ci-de-
vant Royal, où elle acheta un couteau
à gaine. Ilmnédiatement après , elle
prit un fiacre sur la place des Yictoires
et se fit conduire chez Marat , dont il
ne lui fut pas possible d'avoir itne au-
dience , quelques instances qu*elle fit
auprès des personnes qui l'entouroient ,
pour l'obtenir.
De retour dans son auberge , elle
prit le parti d'écrire à Marat une lettre
conçue en ces termes.
. « A Marat ,
« Citoyen ,
» J'arrive de Caen ; votre amour pour»
la patrie me fait présumer que vous
connoitrez avec plaisir les malheureux
événemens de cette partie de la répu-
blique; je me présenterai chez vous;
ayez la bonté de me recevoir et de
m'accorder un moment d'entretien^ je
3DE Chaiiilotte Cordât. 5i
vous mettrai à même de rendre un
grand service jà la France.
Chériotte Cordayr>»
Et , dans la crainte que cette lettré
f At suivie d'un second refus lorsqu'elle
^ présenteroit chea Marat , elle en
âvoit écrit une seconde plus pressante
encore , qu'elle devoit remettre elle-
même : la voici.
« Je vous ai écrit ce matin , Marat ;
avez-vous reçu ma lettre ? je ne puis le
croire puisqu'on lu'a refusé votre por-'
te ; j'espère que demain vous m'accor-
derez une entrevue ; je vous le répète,
j'arrive de Caen ; j'ai à vous, révéler lerf
secrets les plu9importans pour le salut
de la république ; d'ailleurs , je suis per-
sécutée pour la cause de la liberté , je
suis malheureuse; il sUfBt que je le sois
pour avoir d]^oit à votre protection.
Chariot es Corday »,
Mais cette seconde lettre devint inu-
tile ; Charlotte Corday étant retour*
5i ' .S w PLI CE
née veirs hs sept beures et demie du
soir , au domicile dç Marat y des fem-
mes lui ouvrirent la porte ; et comme
elle JPaisoit de vives ifis tances pour.pé-
nétrer sur le cjxanip auprès de Marât ^
celui-ci qui Tenteiulit .de son bain où il
étoit alors , et qui la reconnut pour,
celle dont il avait reçu une lettre , or-
donna qu elle fut introduite , et c'est
ainsi .q^i'ellé parvint Jx se trouver seule
avec celui dont elle avoit juréJa mort,t
malgré les dangers gu'elle avoit à .cg*i*
rir dans rexécution de ce projet.
Assise à coté de Marat , CharloUâ
Coiday, répondit , avec le plu& graiid
sang froid , aux questions qui lui furent
faites sur les députés qui se trouvoient
alors à Caen , sur leurs noms , et ceux
des administrateurs du Calvados; elle
les nomma tous les uns après lesautres^
pendant ce temps-là ^q^ regards se fl*.
xoient avidement sur Marat qui écri-
voit leurs noms sur ses tablettes \ ella
DE Cha.rlotte Corday. 35
choisissoit FeAdroitoù elle pourroit lui
porter le coup de la mort. Enfin Marat
lui ayant dit que Ces députés et leurs
complices ne tarderoient pas à étFe pu-
ais* de leur rébellion ; à ces mots elle
tira de son sein le couteau qu'elle avoit
acheté ,. et le plongea tout entier dans
le cœur de Marat, Un seifl cri Lui échap-
pa. A moi, ma ^hère UTfpie^ s'écria- 1-
il , à moil i. ce bruit, des femmes et'
quelques autres personnes entrèrent
dans son cabinet : iln étpitplus temps,
Marat avoit déjà rendu le dernier sou-
pir. , '
. Tranquille et calme au milieu do
Teffroi général , Charlotte Corday ne
parut même pas songer à s'enfuir : elle
reçut à la tête quelques coups que lui
porta un voisin , que les cris avoient
attiré. Cependant la force armée étant *
accourue , elle^ se mit sous sa protec-
tion : un officier de police dressa le
procès verbal de l'assassinat \ elle avoua
Î4 Supplice
tout , elle déclara qu'elle étoit partie
de Caen dans Tintention de tuer Marat :
on lui fit lecture du procès verbal qui
contenoit cette déclaration , elle le si-
gna, et immédiatement après on la
conduisit dans les prisons de F Abbaye»
On jugera de la trempe du caractère
de cette femme étonnante par la lettre
qu'elle écrivit le lendemain et le sur-
lendemain de son action à Barbaronx,
l'un des députés proscrits , qui se trou^
voit alors à Caen ; nous pouvons la ci-
ter aVec d^autant plus de confiance ,
qu'elle a été collationnée avec exacti-
tude sur l'original ; la voici mot pour
mot.
« A Barbaroux. ,
» Aux prisons de l'Abbaye , dans k
ci- devant chambre de Brissot , le se-
cond jour de la préparation à la paix.
» Vous avea désiré , citoyen , le dé-
tail de mon voyage; je ne vous ferai
pas grâce de la moindre anecdote. J'é-
DE Charlotte Cordât. 35
toîs avec de bons montagnards , que
j'ai laissé parler tout leur content , et
leurs propos aussi sots que leurs per-
sonnes étoient désagréables , ne servi-
rent pas peu à m'endormir. Je ne me
réveillai,pour ainsi dire, qu'à Paris. Un
de nos voyageurs qui aime sans doute
les femmes donnantes , me prit pour
la fille d'un de ses anciens amis , me
supposa de la fort|ine que je n'ai pas,
me donna un nom que je n'a vois ja-
mais entendu , et enRn m'offrit sa for-
tune et sa main. Quand je fus ennuyée
de ses propos : — Nous jouons parfai-
tement la comédie , lui dis- je , il est
malheureux avec tant de talent, de '
n'avoir point de spectateurs; je vais
chercher nos compagnons de voyage
pour qu'ils prennent leur part du di-
vertissement ; je ,1e laissai de bien itiau-
vaise' humeur ; la nuit il chanta des
chansons plaintives , propres à exciter
le sommeil ; je le quittai exifin à Paris ,
56 SUPIPLICB
refaisant de lui donner mon adresse , nî
celle de mon père à qui il vouloît me
demander. Il me quitta de bien mau*
y aise liumeur.
» J'ignorbis que ces messieurs eussent
interrogé les voyageurs , et 'je soutins
ne les connoltre aucuns , pour ne point
leur donner le désagrément de s'expK-
quer; je suivois en cela mon oracle
Raynal , qui dit qu on ne doit pas la
vérité à ses tyrans : c'est par la voya-
geuse qui étoit avec moi qu'ils ont su
que je vous donnoissois et que j'avois
parlé à Duperret,
» Vous connoîssez Famé ferme de
Dnperret , Jl leur a répondu l'exacte
vérité ; j'ai confirmé sa déposition par
la mienne , il n'y arien contre lui , mais
sa fermeté est un crime. Je crâignois ,
je l'avoue , qu'on ne découvrit que je
lui avoîs parlé , je m'en repentis trqp
tard. Je voulus le réparer en l'enga-
geant à TOUS aller trouver : il est trop
décidé
rikAÛé^owr «e Um^ m%^et. '^br de
flbiiinnocenee et de ;cdB[é de tout le
monde, je me àéciààièiYexéentiôn d*
moA {>rô}et. Le croiriet-Tous ? Fai^
«A^^ est en prison comme TBoon -com^
plice^ lui qui îgnoroit inoii- existence.
» Mais dn n'est guère (îbntent denV
▼oîr qu'uAe femme aahs fconséqucnc^e à
offrir aux mânes de cé grand }iomme.
Pardon , ô humains f ce mot désho-
nore ^<otre espèce ; c%oit une béte fé-
roce qui allok dévorer le resté' dé la
France par le feu dé la guerre civile.
Maintenant, vivelAjiaix! •
» Quatre membt*^ se trouvèrent à
mon premier interrogatoire. Chqbo^
avoît Pair d'un îàt\'Lege)tSfe Vouloît
m avoîir vue le matin chez lm,'iiioi qui
n'ai jamais songé à cet homme; je ne
-lui crois pas d'assez gfattds .moyens
pour être le tyran tfe son pays , et jfe
ne prétendoîs paspunir tatit d^ inonde,
'i'ous ceux qui" me Voient ^'oûr la pré-
36 S V il' F L I G s
ftiiàe'ff fqÎA ptè^miéeot ihe connoîtrè des
. long'teiilps; Je crois -que Fon a împrîr
xhè le^detiMcres J^aroles de ManM^i,< je
doHi|e ]qiî'ïi ^fk ait ipraSètè . : maïs ^oiia
lea. deriûé^es qu'il m'a dkes. Ajwés
avoir ^cril vos Im>iii6 A tous ^ et ceuic
des adinini&trateurs du Gaïvâdos qui
sont k £f reux , il vfxe dit , pourinecoo»
soler , que dcuis peu djB jours il vous fé-
roit tous guillotiner à ¥esis : cesder»
niears mots décidèrent de son sort. Si le
département met sa figure vis-à-vis
celle de Saint-Pargeuii , il pourra
faire graver çes.paroles en lettres d or.
» Je ne vous ferai aucun détail sur ca
jgrand événement , les journaux voujs en
jparlexpr^^ J'avoue que ce qui m'a dé-
cidée. u>ut*à*fait, C'est le couxage avec
lequel nos. volontaires se sont enrôlés
dimanche 7 j^Uet : vous vous sonve-
x^ij^coipme j'en éfjçis cliarmée , et je iiM
promettois. bien de faire /repentir Pè^
Hon des soupçom qu'il in^nifesta sur
mes seatimens. £st"Ce que vojas ^riçs
fâchée , iUê ne pertoiexitip«s ^ me dtt-î} ?
EnRxk y ai aansidèsé qu» t^mt jAe^l^rav^f
gens , vene^ pour avoir la tèt!^ d'ui^
seul homme*^ «[u ils ^a^urei•«fc «àaB4)ué.
<Ht i(ui ^nioit «ntraiiié jdaas.sa pert^
beaucoup d« bons ckofEeiWyiJi nemé*
l^toit pas taBtd'konttetur* te£fisok4e]A
mein d* une femme. ^ «
• » JWoue^qne.fai eminloyé ua^arti*
jàce perfide pouvraltlmr à me receveur^
tous tes moyen» sont b^BS dms une tciflc
cwcoiistanç.e. Je comptoii^, M paiplant
de Caea, le a^tcxiAeit»^ 4fikJ0iïfk^ 4^ s%
montagne^ mais M ja*altoit plus «]a con<*
yeution. . ^: , /.
^ Je voudrais aipoir ëondémé ^votre'
lettre, on auroit mieui^ eo^o^Lque i^
n a vois pasde.compjiices; eaa$n;C6j|^Vé^
Xîkiirciri^. S:..,..: <,
y> IS^Qu&sooimes si b^M^a rép^bliç/^iigi^
a Paris que ïon ne çoo^o^ pas cçin-
Ui%ai une femme inutij^e) dont la ^u^
4Ô fi 17 » Ml I CE
lengoe ▼î^ serok bôiuie à rien , peut si»
«acrifier de:saag fteid pour sauver son.
fajt. le na^'attejodais bien à mouriï'dans »
^instant; des hommes courageux et vrfd^
itient fti!i-de^S;de tout 'éloge m'cmt
préservé die.^la Sifleeur bîei^ ^x,cusable
de»malheui^«ùli.que f^vois faits. Com-
me 'fikon^'vraliBeDit dé s^gâ^d, J6
souffris des cris de que^uçs fsmmes ;
]Qai« qui sauVâ0&la patrie ne s ap^^erçoit
pas de ce qii'il^esi coixte« Fuisse k paix
â*'étabtir âUseitÂt que je la désire ! Voi*
lèhvth g»alvd préliminaire , sans eélsi nous
fie l-auriQn» •5Ïiâi&Î9( e«e. ^e* j quis dék«
cieuseiAentdelapaix depuis deux jours.
Le bonJieur de mon pays fait le mien ;
â ii%5l>]^9ittt^ déV^uemem dont x>n
«e fetເ plos de jouissances qu il n en
eoètc à s'y décider.,
» Je ne doute pas que Ton ne tôilr*
ià^nte iih'petï«ion père, qui a assez
de ma perte pour Taffliger; Si Ton y
trotive riaîisiettrcs, la plupart sont vot
BE Charlott:e Cordât. 4*
portraits ; s'il s'y trou Voit quelque plaî-
santari« sur votre compte , je vous prie
de me la passer ; je suivôis la légèreté
ûe mon caractère. Dans ma dernière
lettre , je lui'faisois croire que , redou-
tant les horreàrs de la guerre civile , je
-me retiroîs en An^terre; alors mon
projet étoit de garder X incognito, de
tuer M^r4/ publiquement, et mourant
aussitôt , de laisser les parisiens che»-
cher inutilement mon nom.
• » Je vous pyie y citoyen', Vous et vos
«ollègoes, de prendre la défense de
mes pafeiD» etamisslonlesinquiétoiC;
je ne dis rien k nies <ihers amis aristo-
cJrate», je conserve leur Souvenir dtms
nron cœur, je n*ai jamais Im quW
•sfeul être , et j'ai fait voir avec quelle
violence ; mats il en est mille que j aiiùe
encore plus que je ne le haïssois. Une
imagination vive , un cœur sensil^le
promettant une vie bien orageuse, je
prie ceux qui me regretteioient de le
4 a Supplice
considérer, et ils se réjouiront de me
voir jouir du repos dan3 les cbâinps
Ëlisées, avec Brutuis et quelques aar
ciens. Pour les mdderne&, il est peu d«
vrais patriotes qui sachent mourirpour
leur pays ;. presque tout est égoî$me%
Quel triste penpk pour former une ré-
publique !
» Il faut du inôim fonder la paix , et
' le gouvernement ^iendr^^ comme . il
pourra : dti moins ce 'ne sera pas la
montagne qui- régner» , si Ton m'en
croit ; je suis on ne peut mieux d^osQia
^ison ; les couciér^eft^ntles meilleurs
personnes du mood«:>on ma donné
des gendarme pouv 4ua préserver dp
Tennui. J'ai trouvé ^ela fort bien polH^
le jour ) et fort m^l pour la nuit. Je me
suis plainte de cette indécence, onna
pas jugé à propQS d*y faire attention^
je, crois que cest de Tiavention é^
Chabot, 11 n'y a ^Ju'un capucin qui
puisse avoir ces idées.
DE Chari*otte Cokday. 4|
• w Je p^sa^.jûon teooi^ à écrira àe$
cliansohs ; j^* cUmno le ^^xûer couplet
. de c«Ue de Yalady à tQut ceux qui le
veule;nt ; je, promets à tous les pç^nsîeH|
qap nous ne prenons les aii^s que <a);(V;
tre Tanarcliie , ce qui est exactement
vrai w.;, . , ,,,.
. . Ôflkvoit y par cette l^tçe , que Cli^-i
lotie Co rday avoit déjà^ubi ^n preinier
iï^terrogatpirA ;. les./i^puLé3,de la con-»
y^^^ipn qu'elle y 4éaîg?ae étoîenitm«iû^'
. lire sdu comité d^ sûreté gk^it^ , ç$
c'èât.eA cette qualité , e^ poqrétre 4
portéérd&j^onigter le lendeii^ain à la çqht
^entipn tUMsles renseignemens qu e'Ua
pQurcoU désirer sur rassa^sînat de Ma-
. rat , qu*:j^s se. présentèrent sacs doute i,
J' Abbaye pouç interroger ChjQ,rîfit,tf
ilor4ay\ . .
Le lendemain i5 juillet^ Fagitatioa
fut extrême à la convention. La séance
n'étoît p<*s encore ouverte , et doiàpTu-»
sieurs sections assiégoient la barre pour
^ >SuPPLlCt
y îiéi)lorer la «mort ie Failkî du peuple
©t y exprimer leurt regrets,
E'ùne demanda pour lui les îiohneurs
Sus fiùx grands hommes. Uôe se«*onde,
^jdiè rosseinlbîée décrétât le' sup'pHcele
pîus afBpcéx pour son assassin.
Une troisième , exprimant sa douleur
ayeô plus d'étoéîrgie encore , JFit ehten-
drè ces/iiièts^yReprésentans, le pas-
aajge de Ik' vie à là mott^t^ua instant
biea'côterfe; Mâràt n*èsf plus ! è ci*ime î
una msÀti purricM^ icous a tkri lé plus
Inrr^pide âélënseur dupeuple. >i .Ma*
rat n'est plus î il s*étoitconi^tkâmènt.sar
erîfié pour là lîWté ; toîlàsôn-criiiie.*^..
Nos yeux le cherfehent en€or^ parmi
^oUs, . . , 'é «Ji&ctacle affireux I il est- sur
,un lit tie mort, . . . Où es-tu , Davii? tu
as transmis à la postérité Fiinage de hé"
pelletier njçurant pour sa patrie ; il te
îreste ^ciôre Un tableau à faire. Et vous,
législateurs , décrétez une loi de ctrcons-
lanoe ; le supplice Je phis affreux n'est
DE Charlotte Cordât. 45
pas assez pour venger la nation d'un si
énorme attentat ; anéantissez pour ]a*
mais la Scélératesse et le crûne ; appre-
nez aux forcenés ce. que Vaut layie, et
ati lieu de la leur trancher comme un
filç-qué" Fefïi-oi des tourmens désarme
les mains parricides^ qui menacent les
têtes des représentans'du peuple ».
Cependant l'inquiétude q^iirésultoit
dés récits Vagues et incertains que Ton
pubUott suc la mort de Marat se pei-
gnoit dans tous les jregard», lorsque
Chabot^ organe du c<»inité de sûreté
générale , se présenta à latribune pâle ,
défait , et portant dan^^es traitslçs signes
de la plus profonde douleur.
^ Après avoir annoncé , dans un long '
préliminaire , que laçsassinat de Marat
n étoit que le prélude d'une, vaste con-
juration ourdie par le» conspirateur»
du Calvados , contre la montagne , dont
les membre» les plus courageux de-^
voient successivement être égorgés ;
46' SUP1?L1CE
après 'avoir 4it que ces conjurés entre-
tenoîent une con^spondance crîua-
nelle avec des membres du côté droit ^
et dénonéé Fauchet, et plus p^rticu^
lîércment encore Cleaide Duperrei ,
comme ayant eu des relations directes
avec Fassassin dcMarat , qui , le jour de
son arrivée , lui avoit remis des papiers
et des lettres de la part dès députés ré-
fugiés à Ca'en , Chabo^ continua ainsi :
« Ces conspiràtelâr^se sont servis de
rinstrument le plus faf:ilef à maoVoir ,
Je veux dire? de Fimagina;^on d'une
femme, qu'ils sont parvenus à Êmfttiser
tt à exaltera un point de délire incon-
cevable. Cette femme a Faudace ' du
crime peinte sur la figure ; elle est ca-
pable des plus grands attentats; e^esl
un de ces monstres que la nature yotnit
de temps en temps pour le malheur dô
l'humanité : avec de Fesprit ^ des grâces ,
une taille et un port superbes , elle pa-
DE Charlotte Cordât. 4/
ttÀt être d un dêUre et d un courage
prêts à tout entreprendre »>^
Chabot ra<;onta: ensuite comment
CftarloUe Corda^ étok parvenue à
s'introduire auprès de Marat.
« J'ai assisté à Tinterrogatoire de
cette femme atroce^ et je Tai vue espéi»
rant encore la contre-révolution ; car
elle a eu peiidant près d'une demi-heure
les moyens de se détruire \ et lorsqu'on
lui a dit qu'elle porteroit sa tête sur l'é-
chafaud ^ elle a répondu avec un sourire
de mépris : elle compte donc encore
sur l'exécution des coiliplots dont on
lui a farci la tête àCaen et chez Claude
Duperreù; mais nous avons pris toutes
les mesures nécessaires pour nous assu*
rer d^ ces trames infernales, et le^ dé->
îouer.
Ces derniers mots pppeloient visible*
ment l'attention de l'assemblée sur les
députés dénoncés par Chabot : on de-
tnandoit de toutes parts le décret d'ac-
4il SOPPLICS
cusatîon cowtre Duperret, lorsque ce-
lui-ci , paroissant à la tribune , sollicita
la parole. L*assemblée exigea qu*il s'ex-
pliquât à la barre , et c'est de là que ce
, député se préparôit à sp Justifier, lors-
que Gliabot demanda qu'il lui fût per-
mis de lui faire qué][ques question^«im«
pies et précises.
Autorisé par l'assemblée , Chabot par*
la ainsi à Duperret. — « Je te somme
de dire si , jeudi an soir , tu n'as pas re*
eu un cotirrier extraordinaire de Caen ,
et si ce courrier n'cst5)asla femme Cor-
day ^ afisassiii jie Marat n ?
« Je vais répondre à Chabot , dît !>«-
-perreif ce que j'allois dire à la conven-
tion et à la tribune. Rentrant chez moi
jeudi pour diner , mes fîllesme remirent
un paquet à moi adressé de Caen , ren-*
fermant des imprimés de cette ville , à
moi adressés par Bafbaronx , dans le-
quel paquetil y avoit ime lettre àe'Buf^
i^aroux/que j'au^ois pu soustraire ,
mois
DE Charlotte Corday. 49
maïs que j'ai dans ma poche et que je-
communiquerai, afin ^ue le public sa-
che ce qu'elle contient. J adievoîs dé'
dîner lorsqu'on m'annonça la citoyen-
ne qui avoit apporté chez moi ce pa-
quet : je ne la connoissois pas : elle en-
tre. — Est-ce au citoyen Duperret que
faî l'honneur de parler ?— — oui. — Je
voudrois vous dire quelque chose en
particulier. — J'entrai dans une cham-
bre à coté ; je lui demandai des nou-
velles de nos collègues de Caen : après
qu'elle m'eût satisfait sur les personnes
de ma connoissance ; je lus la lettre de
Barbaroux en sa présence , il s'y trou-
yoît quelque clidie qui la concernoit.
Elle me pria de l'accompagner oJiez le
niînîstre de l'intérieiir , je lui dis : — la
chose n'est'pas possible en cet instant;
— Eli bien ce sera demain matin , sf
TOUS le vx)nlez. Je lui dis : — oui , avec
plaisir ; mais je ne sais-où vous logez. -^
Elle me sdrût -une carte que voici , ok
iojnc IIL £
a5o SuppaLicm
étoitradresse de la Providence , ruçdes
Augustins. Je lui demandai son nom ,
«]|e sortit un crayon , et écrivit sur la
même carte son noip. Cela résolu , elle
•e retira. . , ^
» En rentrant clie* moi, je dis, k
plaisante aventure ! cette femme ma
l'air d'une intrigante ; par les propos
qu'elle m'avoit tenus ; elle me paroissoit
extraordinaire : j'ai vu dans ses raisons ,
dans son allume , dans sa contenance
quelque chose qui m'a paru singulier :
|e saurai demain ce qui en est.
» Le lendemain j'allai cliez elle ;eUe
m'attendoit , nous nous rendîmes cliez
le ministre ^ mais il niétoit pas visible ,
et nous fumes renvoyés au soir,depui$ •
liuit heures jusqu'à dix. Je la recondui-
sis cliez elle , j'y restai deux, ou trois mi-
nutes , nous nous ajournâmes au soir.
» Ce fut dans la même joi^rnée que ,
par un décret sollicité par Chabot , on
vint mettre les scellés sùr|aa oorrespon*
BE CH\'RfcOTTE CORDAY. 5l
dance. Néanmoins te soîr , ]e me rendis
che2 cette ffemitie ; je lui dis : ~ je
crains que ma présence chez le minis-
tre y qui est cV un parti opposé au nôtre ,
tie vous soit plus nuisible qu* utile ; je
vous conseille de prendre quelqu autre
pour vous accompagner. — Alors elle
me dit ce qu'elle m avoit déjà répété
plusieurs fois : — citoyen Duperret ,
j'ai un conseil à Vous donner^ défaites-
vous de rassemblée , retirez- vous , vou*
n'y faites rieil ; vous pouvez opérer le
bien r allez à Caen où vous poutrez j
avec vos collègues , serTfir la chose pu-
blique. — Je lui répondis : mon posté
est à Paris , je ne prends aucune part
aux délibérations , mais je' suis à ma
place , rien ne me la fera quitter. Elle
me dit : — yous faites une sottise. — Je
lui demandai si elle avoit des connois-
sances â Paris; elle me dit qu'oui, mais
qu'elle vouloît y rester incognito»
Nous nou^ séparâmes. »
E a
52 Supplice
Les autres interpellations qui furent
faites a Dwperret ne roulèrent que sur
Tusage qu'il avoit fait des lettres et im-
primés qu'il avoit reçu de Caen. Quel-
qu'un lui ayant demandé si Charlou^
Corday lui avoit parlé de Marat ? — elle
ne m'a parlé de Marat, ni en portrait,
ni en figure , répliqua Duperret,
« Il est mathèmatic^zieinent démon-
tré ^ dit CouthoUy que ce monstre, au-
' quel la nature a donné les formes d^une
femme , est un envoyé de Buzot, Bar-
baroûx , S ailes, et de tous les autres cons-
pirateurs qui se sont réfugias à Caen;
il est bien démontré que cet envoyé
s. est concerté avec Duperret, et que la
fin de la . mission de cet envoyé étoit
l'assassinat de Garât, de Marat , et
peut-être de beaucoup d'autres patrio-
tes : il faut donc que vous ordonniez
dans cette séance, au tribunal révo-
lutîonaire , de faire le procès à cet as-
sassin et à ses complices \ je demanda
BE CjBïARLOTTE CORDAY. 5S
en outre que Duperret soit décrété <1 ac-
cusation , comme prévenu d'avxrir par-
ticipé à Tassâss^inat de Marat , et à :1a ré-
volta des départemens ».
Le projel'dece décret fut adopté au
milieu des applaudissemens de la mon-
tagne et des tribunes à ses gages.
Quant à Faùchet , que rassemblée
«voit forde comme Duperret à descen-
- drc à 1«T barré pour s'expliquer, il eut
beau soutenir qu'il n*avoit jamais vu ni
connu Cliarloùe Corday , il n'en fut
pas moins envoyé à TAbbaye.
Tels furent le rapport et les débats
qui eurent lieu à la convention, ^e len-
demain de l'assassinat de Mapat,
Revenons à Charlotte Corday , qui ,
en vertu «du décret de la convention^
fut transférée dèsîë ioir même à la Con-
ciergerie. Rendue à elle-même dans
cette prison, qui la rapprochoit de le-
cliafaud , elle reprit la lettre dont nous
54 Supplice
avons déjà cité les commencemens , et
la coHidaua aîiisi ^ ^
a Ici Fonin-'a transférée à la Concier-
gerie, et ces messieurs du jurf m'ont
, prosnit de tous envoyer ma lettre^ : je
continue donc. J ai prêté un long inter-
rogatoire } je vous prie de vous ki «pro-
curer s'il est rendu public. Tavois une
adresse sur moi, lors de mon arresta-
tion, aux amis de la paix; je ne puis
vous l'envoyer ; j'en demanderois la pu-
blication, je crois, bien en vain, J'avois
eu une idée hier au soir de Faire hoin-
mage de mon portrait au département
du Calvados ; mais le comité de salutpu^
blic , à qui je Tavois demandé , ne m*t^
point répondu , et maintenant il est trop
tard.
» Je vous pne , citoyen , de faire part
de ma lettre au citoyen Bougon, pro-
cureur général syndic du département ,
je ne la lui adresse pas pour plusieuh
raisons j d abord, je ne suis l^is suro
UE Chari«otte Corday. 55
fpi'it soit dans ce inoment-cî à Evrcux ;
je crains de plus , qu'étant iwiturelle-
ment sensible ^ il ne soît aMigé de ma
mort; je le crois cependant asse» bon
citoyen peut se eonsoler , par l'espoir -
de la paix ; je sais {combien il la désire ^
et fespére qu'en la facilitant , j'ai rem-
pli ses voeux. Si queues ainis deman«»
doient coinnpiunication de cette lettre,
je vous prie de\ne la refuser à personne»
» Ilfautundéjenseur, c'estlarégle;
j'fii pris le mien sur la montagne ; c'est
Gusiéwe Doulcet \ j'imagine qu'il re-
fusera cet honneur ; cela ne lui doxme*
•roit cependant guère d'ouvrage. J'ai
pensé Aems^à&f B$ibespierre ou Chor
kot : je demanderait disposer du res**
te de mon argent , et alors , je l'offre
«ux femmes et aux enfans des braves
habitans de GaeA ,,partîs pour délivrer
Paris.
» Il est bien étonnant que le peuple
m'Sit laissé conduira de TAbbaf e à k
Ï6 S'V pvijIc-e
Gînciergerie : c'est une preuve no«-
.vélle d% sa. modération ; dites-le à nos
bons habitons de Caeii : ils se permet-
tent quelquefois de petites insurrec-
•lions que Ton ne contient pas si facile-'
}Bent.>
. . » C'est demain à hnît heures que Von
«ne 4"g«> x^^obabiement à. midi f aurai
vécu, pour parler le Icargage romain.
Au reste, j'ignore comment se passe-
ront les derniers lïiomcns , etc'est la fin
qui couronne Toeuvre : Je n'aî point
besoin daffecter'd^insensibiKté sur mon
«ort ; car , jusqu'à ce moment, je n'ai
pas la moindre crainte àe la mort •: je
«J estimai jamais ^k'^vie que pour Tu-
tilitè dont elie^pou¥oi(; ^tr».
' » J'espère que deUtaixx-J^uperret et
Fauchet seront mis en liberté ; on pré-
tend que. ce dernier ta'a conduit à la
convention , dans une tribune. De
jquoî se mêle-t-il d'y corid'nîre àe^ fem-
mes ? comme député il ne de voit point
DE Charlotte CordaV. 5j
àtre aùx)i tribunes , et comme évéqvte il
ne de voit point être avec des f(^mn>«9;
ainsi c'est une petite cocrection: mais
IXuperret u« aucun reproché i' s«
faire« . . /
» ikCam/ji'irApointàuPantliéon,îl
le raéritoit pourtant bien. Je vous prie
de r,ecu<^illir les pièces propres à fair*
son oraison funèbre.
» J'espère que vous n'abandonnerez
point Taffaire de madame Forbin ; voî*-
'ci son adresse , s'il est besoin de lui
écrire : — A Alexandrine Forbin , à
Mandresie, par Zurich,. en Suisse. Je
vous, prie de lui dire que je Taime de
tout mon cœur. Jb vais écrire un mot
à papa-. : je ne dis rien à mes autres
amis, }é «le leur demande qu'un
proippt oubli; leur affliction désho-
nareroit ma mémoire : dites au géné-
ral Wiropfen que je crois lui avoir aidé
à gagner plus d'une bataille , en facili-
tant la poix. Adieu , citoyen, je me jre«
58 SuFPIilCK
commande au souvenir des VTàh amis
dé^ 1b paix.
» Les prisonniers de la Conciergerie,
loin de m'injurier comme ceux des
rues , avoient Tair de me plaindre : le
malheur rend toujoui^ compatissant :
p'est^na dernière réflexion.
Mardi 16, à huit heures du 3oîr.
M.'C Corday n.
Le même jour, Charlotte Corday
écrivit à -son père : voici le contenu d«
sa lettre.
« Pardoraiez-môi, mon cher papa,
d'âvoir disposé de mon existence sans
votre permission ; j'ai vengé bien d^in-
nocentes victimes , j'ai prévenu bien
.d'autres désastres : le peuple un jour
désabusé , se réjouira d'être délivré
d'un tyran. Si j'ai clierché à voua per-
suader que je passois* en Angleterre,
c'e^ que j'espérois garder Vinvogni-
to ; mais j'en ai reconnu l'impossibili-
DE Charlotte Corday. Sg
té. J espère que vous ne .serez point
tourmenté ; en tout cas vous auriez des
.défenseurs à Caen. J ai pris pour défen-
seur Gusùave Doulcet : un tel atten-
tat i^e permet nuQe défense , c^est pour
la forme. Adieu , mon cher papa ; je
vous prie de m oublier , ou plutôt de
vous réjouir de mon sort : la cause en
est belle. J'embrasse ma sœur, que j'ai-
me de tout mon cœur , ainsi que tous
mes parens. N'oubliez pas ce vers de
Corneille :
Le crime fait la honte et non pas IMchafaud.
» C'est demain , à huit heures , qu'on
me juge.
Ce 16 juillet 1793.
M.^C. Cordqx».
Le 17 , dès le n?atin , le concours fut
prodigieux au tribunal; il nétoit pas
un individu dans Paris, qui ne désirât
^6o SUPPLICB
Toîr et entendre cette femme , que U
renommée peignoit avec des charmes
si touchans et un caractère si extraor-
dinaire : quoiqu avec des motifs dîffé-
rcns , Tempressement étoit égal , tant
de la part des ennemis dé'Maràt, que
de la part de ses partisans. Vers les neuf
heures du matin, Charlotte Corda j
parut devant le tribunal àssejnblé. Sa
présence fit naître un murihure géné-
ral ; il eût été difficile de dire quel seur
tiinent loccasionnoit , tant sa cionte-
hance calme , ses grâces , sa noble Fier-
té inspirèrent d'étonnement et même
d'intérêt. . .
Interrogée jur ses noms , âge , qualî-r
tés , lieu de nabsance et demeure :
Elle répondit se nommer Marie-^
Anne-Charlotte Corday , ci -devant'
^Armans , native de la paroisse de '
Saint Saturnin des"Lign©rets , âgée de
ving^-cinq ans , vijnant de ses revenus ,
demeurant ordinairement à €aen , dé-
partement
DE Charlotte Cordât. 6%
partement du Olvctdos, et logqe dct
puis son arrivée à P^ris , rue, des Vieux-
Augustîns , hôtel de la Providence. •
Un des gref&er^ donna ensuùe lectu-
re de Tacte d Accusation , contenant
tous les £aits dont nous avons déjà par?
lé, et concluante ce que CharloU0
Corday fût mise sur Je champ aux dé«
bats, pour. être jugée confonnémenC
aux lois du codQ péskal/
Vous venez d entendre de quoi vous
êtes accusée , dit le président ; vous air
lez répondre aujç t^harges qui seront
portées contre vous.
La citoyenne J^vrurd y premier té»
moin, déposa que Taccusée- s'étoit pré^-
sentée le matin du i3 juillet chez le ci^
toyen Marat , où elle déposante de*
xneuroit , et que sur la réponse que C9
député étoit )nala4e , et ne ]>ouvoit rer
ce voir personne, elle s'étoit retirée eu
m.urmurant.
Tous ces détails sont inutiles , s'écria
Tome IIL F
8z S u pp Lies
virement Charloite Corday , 6n in-
terrompant la déposition j c'est moi
qui Fai*tué.
Qui rous a enga^» à commettre cet
assassinat , lui demanda le président ?
•— ^es crimes. — ^Q n'entendez- vous paf
•es crimes ? — les malheurs dont il a été
cause depuis la révolution , et ceux
qu il préparoit encore à là France.-—
Quels sont ceux qui vous ont porté à
cpmmettre cet assassinat ? — personne ,
c^est jnoi seule qui en ai conçu l'idée.
Trois témoins parurent ensuite et dé-
'posèrent de divers faits qui avoient ac-
compagné la mort de Marat. Interro-
gée , à chacune de ces déclarations ,
sur ce qu elle avoit à répliquer , Char,
loue Corday ne répondit que ces
mots : Le fait est virai. — Ce que dit le
témoin est de la plus exacte vérité. — -
On ne peut pas être plus vrai daris ^ek
dépositions. * .
' Mais un 4^. témoin, employa à la
r>« Charlott» Corday. 65
Maim, ayant déclaré que Paccuséo
$'iétoa présentée , il y ^voit trois jours,
à cet hôtel pour parler à Pachc ; —
cela est faux , rè;pixqùsL^CAarIoue Cor^
day y je ne saii même pas^ pu est la
Mairie. ^
A ce témom:SttCcéda Marie Louise
ijtrolier , tenant riiotel de la Provi-
idenoe , rue des Vieux * Augustins;
Après avoir déposé de Tarrivée de
Cliarloue Corday à 'P«ris , et de son
séjour dans cette, ville, jellft ajouta qu*ua
particulier s'étoit pi^ésenté pour la de-
mander. — C'est Duperreù , dit Char^»
lotte Corday. — Ne de:Voit-il pas vou*
.conduire. çl^ez le ministre de rintérieur,
lui demanda, le président ? — il m'y 41
^effectivement conduite ; j'y avois afr
Iciire pour obtenir des papiers à Tusage
d'une de mes amies. — Qui vous a. in-
diqué Duperret?— c'est fiarbaroux, â
,Caen. — Quel est en ce moment l'état
de Caen ? - il y a un comité central de
Fa
64 SufPLICS
tous les départemens qui sont dans Tîn^
tention de marcher sur Paris. — Qu«
font les députés traïasfuges ? — ils ne se
mêlent de rien; ils attendent qne Va.*
narchiè cesse pour reprendre leur pos*
te. — Barbaroux , lors de votre départ,
étoit-il instruit de votre" voyage? —
non ) il m a seulement Fecoiumandé de
n'être pas long-<teinï>s en roote. — Qpi
vous a dit que ranarchiè régnoit à Pa^i-
ris ?•— je le savois par les journaux. — *•
£tie«-vous en liaison d'amitié avec les
députés retirés à Caen ? — ^non ; je par*-
loisnéanmoins à tous ?«^0à sont-*ils lo^
^s ? — à rintendance. --Aquoi s'occu»
.pent-ils ?] ^ ils fo\it des chansons , des
t>roclainations pour rappeler le peuple
à Tunion.— -Qu'ont-ils dit à Caen pour
excuser leur fuite ? — ils ont dit qu'ilk
^toient vexés par les tribunes. — Que
disent^ils de Robespierre et de Danton?
»— Us les regardent , avec Maraù\
DE Charlotte Corday. 65
comme les. provocateurs de k ^lïerre
civile.
Ne vous êtes-vous point présenta à
la convention dans le dessein d'y assa^
siner Mara t ? — non. — *• Qui vous a re-
mis son adresse trouvée dans votre po«
cbe , écrite au crayon ? — c'est un cou-
cher de fiacre ?— Ne séroft-cepasplu»-
t6t Duperret ?— Non.-* Quefles sont
les personnes /[ue vous fréquentiez k
Caan? ^ tnès-peu; je connois Lame,
officier JBunicipaT, et le curé de Saint
Jean. -^ Gomment x nommez-vous ce
curé ? - B«vffvier. — EtcHt-ce ^ un prê-
tre assasioenté ou insermenté que vous
sSko à eonfesse à Caen ? •* A cette qnes^
tion , Charlotte Corday se prit à sour
rire , en tournant ses i«gards vers laiv-
ditoire. ^ Je n'allois ^ répondit^Ue, m
aux uns ni aux autres. — N'éties-voui
point Famie de quelques-uns des dépu-
tés transfuges ? — non. — Qui vous a
donné le passe-port avec lequel vous
66 .\ Su I» p n c s
êtes içe&ue à Paris P-^ je Farois depuis
trois mois. — Quelles étoient vos inten-
tions en tuant Marat ?'^Ȏt faire cefisser
Jesirotibks de la Fipnôe^ et de passer
•en Anf^etèrre sije n eusse {>oiatété ar-
rêtée. Y a voit-il long-temps que vous
aviez formé ce projet ? — depuis Faf-
^aire du 3i Mai , jour de k proscription
des déptités du peuple. — C'est donc
dans les journaux que Vo«^ avez appris
que Marat étoit un anarchiste ? — oui,
je savais qu il peirvertissoit là France ,
{ et élevant extrêmement la voix ) j'ai
tué,ajovta-t-elle, un homme pour en
#avi ver cent mille ; un sc^érat pour sau-
ver des innocens -, une • bête féroce
pour donner le repos à mor^pnys : c*é-
^oit d*aiUeurs un accapareur d'argent ;
on a arrêté un homme à Caen qui en
aclietoit pour lui. J'étois républicaine
bien avant la révolution , et je n'ai ja-
naiiis manqué d'énergio.
Qu'entendez ^ vous par énergie ? —
DE Charlotte Cordât. '&f
Ceux qui metteisûï Tintérêt partîc«ilier
de côté , et savent se saciîiier poux îexir
-patrie, rr- Ne vo^s êtes^yous point ' es-
sayée d avance avant de porter le coup
èe pmgnard à M^at ? ^r- Non , je ne suis
pas un assassin. .^ Il e^t cependant
prouvé par lés gens de Fart que si vous
eussiez porté le coiîp en l<?ng , vous ne
l'auriez point tué* — Je n'en sais rien.
-J'ai frappé comme cela s'est trouvé et
-au hasard.
Après toutes tes interpellations , lè
tribunal entendit d'auàres témoins.
j^drienne Lebourgeois , déposa que
s'étant trouvée dans, une des tribune*
de la convention , le douze dû courant ,
elle avoit apperçu prés d'elle l'accusée ,
avec deux messieur| qu'elle avqit re-
connu pour être , l'un Duperret et l'au-
tre Fauchei,
Cela est foux , s'écria Charlotte
Corday j je ne souÇrirai pas que Finno-
<58 6 tr r f^ Ê X c B
ceBC€ scÀti^i calomniée oacoinproiBÎse
à mon occasion.
Cependant le trihftxial entendit JFaU'
chet, qu un mandat d'az&en^avoit ar-
raché de sa > frison, t^ ^^attèste , dit ce
drille proscrîtV€[jiie .)e'n ai jamais coa-
nu ni directëraditf ni indirectement
raçcusée, je lie }*ai jamais vue; ^ar
conséquent je ne puis jamais m «tre
trouvé avec elle danaîauieune de;^ tribu-
xies de la convention. — Charlotte Cor^
day , venant à, Tappiii de cette asser-
tion , ajouta que quant à elle , elle se
souvenoit bien d'aV^oir vu souvent à
Câen l'évêque Fauche t , mais ^ue h^^
opinions , loin d'être conformes aux
siennes , Ta voient souvent irritée contre
lui , parce que sa manière de penser et
ses moeurs ne p<fuvoieut convenir à
une femme de son caractère.
Alors le président , s'adressant k la
femme Lebourgeois , lui demanda si
cfle reconnoissoit Fauchct pour être MU
x>E Charlotte Corpay. 69
de ceu|rqu'eU6 préteadmt avoir vus
dniM ime jdt»' tfibunei 4e la convenu
tSDit ? la femixM Lebouf geoia aQùrma
qu'elle le reiK)nneisa(â très^foien , et
malgri^les protestations de Fauchet , et
rîndigkiation de Charlone Cb;«^^qui
en appeloit à sa cohscigwreyelle lier*-
sista dans sa déposîfeioa. . ' ^ '
Clande-AûtHoi^ Duperre^compar
rut. ensuite } il r^éta la déclaration
qu il aveit Êttte à la bâfre 4e la •èoiiven-
tion nationale ; il termina par dire qu il
étoit absolument faaxK|èJil se fat trour
vé avec raoousée dans une des tribunes
de la convention.
La femme Labourgeoîs , mterpellée
sur ce dernier ^it , ripçndit qu'elle le
reconnoissoit très-bien pour être celui
qui étoit Avec i^tfwc//e^et laccusée , et
qu'il étoit vêtu d'un pantalon et d'un
habit rayé. — Hé bien ! Vécria Duper*
* ret , le tribunal a un moyen facile et sûr
de se convaincre de la vésité de cette
7*0 S U 1» F L I c « *
as&ertîon , tbus. «les e£Eéts sont sous te
8c«Ué , il a été înaposisiU^.dfeivaiBu di^
tràfjfi ; qde Ton afUe suri^ chcttnp visi-
ter ma garde-r^e ^ et si on^ y trouve ni
pantalon ni habit- rayé ,^ je* consens à
passer pour un imposteur et .un traître ,
di^e d« l'a y«Rgeanoe des lois.
Le tribunal , sans dduier aucune sui-
te àtcette réclamation si juste et si pré*
eise , passa* à d'autres interpeliarions.
Goutbién^de fbis avez»- vous -été cliez .
I accusée r^i demanda le président ?^
D^nx ibiSf — A /Cette répond -, Me gar-
^çon dfi'Fliôtel de la Providence . cfui
étoit présent comme témoin) lui, ob-
serva qu'il y étoit venu trois lois à sa
tifcmnoiseance , deux fois le vendredi ,
et une :fois le samedi. -— Il est impossi-
ble , répliqua C/iarloUe Cerday , que
Duperret soit venu le samedi ; je le lui
avois expressément défendu. — Pour-
quoi lui aviez-vous ci expressément dé-
fendu de Véi^ir cliea vous le samedi ,
DE Charlotte Corday. 71
dît le président ? — Parce q6c je ne
voulois pas <^u il fût (iompromiB- : je Fa*
rois même engage à partir potir Caen.
— Pourquoi Tengagiez-Vous à p^tir
peur cette ville? -^^-C est que je le
croyois trop honnête heinme poUr <jue
ses jours fussent en sûreté au milieu àé
lanarcMe. — - Mais vous voyeav bien ,
lui répliqua le président, que vous y
*avez vous-même .été efe sûreté après
avoir commis un pareil forfait ; et vous
n ignorez point que les depuis qui
sont à Caén. n'ont pas r^çn la moindrç
égratignure ? — . Cela est vrai ; mais
aussi ceux * qui sont détenus ne sont
point encore jugés.
Ifci, Charlotte Corday s'apperçut
qu'un des auditeurs étoit occupé à la
dessiner ; elle tourna la tête de son
coté.
Combien sont-ils de députés à Caen ?
continua le président. — Ils sont seize.
— N avez- vous point prêté quelque
7J SuppiiicE
serment arfiAt âk quiiÉer Caen ?. ^-«
▲uean. *«-Q« a««z-voiw ditenpartiaat?
— - J'ai flit que |'alloî& faire im^our à la
campagae, — - N'étiezr^ vous peint dans
Fimention d'assasnner le iirâistre de
Imtérieur , lorsque vous vous êtes ren-
due chez luiaTBC Dupenret?— t» Si j a-
. vois ei^ le dessein-d'asBâssinèr ce minis-
tre , x:roye%-vous que j Wese eu. assez
peu de générosité que de tnener Du-
pexret ave.o moi, peur le rendre té-
moin d^ ^ette actiiga , et le compro-
mettre ? je nen voulois qu a Marat,
et encore ne ïair]e tué que pancè que
sa mopt ma paru absolument néces-
saire à la paix de la France. — Quelles
sont les, personnes qui vous ont con-
seillé de commettre cet assas^at ? — *
Je vous rai.d,éjà dit, personne ne ma
conseillée ; moi seule fai conçu ce pro-
jet, et moi seule je l'ai exécuté. — •
Mais comuBient pensez- vous faire croire
vque VOU& p'^vez point été conseillée ,
lorsque
BB Cha^klqttb Corda r. ^3
lorsque vpuê dite^ que vous regardiez
Marat comme la cause de tous les maux
qui désolent Ia>France, lui qui n'a ces-
sé de démasquer Jtes «raitres et les cons-
pirateurs? —Il «Y a qil-à Paris où Ton
a les jeux fiscmés sur 1^ compte de
A/Iar9t ; par tout ailleurs les âmes honnê-
tes et sensibles le regardent comme un
monstre. — Comment avez- vous pu
regarder Marat comme un monstre ,
lui qui ne vous a^bissé péhétrer jusqu'à
lui que par on' sete d'humanité , et
pat<;e que votMlcd aviez écrit que vous
étit'z persécutée ? «^ Qu# m'importoit
qu'il se montrât humain envers moi ,
sll étoit scélémt et barbare envers let
antres ! «— Croyez-vous avoir tué tgus
les Marat ? *-« Non , certainement.
Et vous, citoyen Duperreù , conti-
nua le président , quelle idée vous êtes*
vous formé de laccusée, d'après les
propos qu'elle vous a tenus ? — Je n'ai
apperçu dans ses discours que les pro-^
Tome IlL G
^4 SOPÏHCB
pçs d'tme bonne .eitojanne ; elle m'»
rendu compte du bien 411e ks députés
font à Gaen4 eE m a conseillé de léè
joindre. -^ CoiÀnvent a¥«s-vour|>u re«
garder coitliUè «ne boUne citoyenne
une fomrae qùîvoiis conseilloit d'aller
à Caen. -r^ J ai regardé cela c4ittinê
une affaire d'o|>inion.
* Ici finirent les débatd. On représenta
à Charlotte Cerday ùii grand coufeàU
i gainé ; elle .lé reconnut pour être ce*
kii doiit elle s*étoit servi pourassaMîiier
Marat. On lui fit la lecâtm des deux kt^
très quelle aroit écrites depuis 6a éé-^
tèntion : la preiniénB adressée à Barikv
roux , et la seconde à son père ; ^le ^n*^
Rendit la première avec (}alme< »dti-
riant seulement «ux passages les plui
piquans , comme à celui oà il «M ques-
tion du capiïcin Chabot , et de la com-^
pagnie qu il lui ayoit donnée pour la
nuit. Mais ses yeux se mouillèrent dt$
quelques larmes^ et un sentiment pro*
DE CHARI4OTTI CORDAY. yS
fo}»d de 4oii}tur parut un moment 1 a-
gi(er lorsqu on fil liirjbctiire 4^ la lettre
qu eljieavoît écrite àsonpére. Ayant re-
pris #a sérénité <^4î|ian'e , çUe obsçr^ii
auHibuDîEilqaçleçaiinité de isalut publie
lui avoit promii^ de faire tenir la pre«-
aniére de. ces lei^tre^ à son adre59e y afiifi
que Barbaroux pût le^ communiquer à
tons ses amis, et que quant à la secQUr
de , elle s'en rapportoij: à rimmanilé d«
U'ibunal pour qu'^e parvint sûrement
à son père.
L!acci;isateur public résuma ensuite
f^ peu de mots le« déb«^ ; après quoi
le citoyen Cha^v^îw de Lagarde, q««
le tribunal avoit nommé , au commen*
ççment de T/audienc^ , pour dé&ndr9
Taccusée, à la pl^ce de celui quelle
avoit choisi comme par dérision, pro-
nonça le discours suivant.
tt L'accusée avoue avec $ang froid
r horrible attentat qu'elle a cominis ,
elle en avoue avec spng Êroid la longue
G a I
r
7® S V 9 p i; i*c E
préméditation , elle en avoue les cir«
constance les plus àf&euses; en vm
mot elle avoue tout,>et ne cherche pas
même à se justifier : roilà , citoyens ju-
rés sa déiPense toute entière. Ce calme
imperturbable , et cette entière abné-
gation de soi-même qui n'annoncent
^apcuns rémords en présence , pour ain-
si dire , de la mort même ; ce calme et
cette abnégationé, sublimes sous un rap-
port , ne -sont pas dans la nature. Ils ne
peuvent s'expliquer que par l'exalta-
tion du fanatisme politique qui lui a
mis le poignard à la main; et c'est à
vous , citoyens jurés , à juger de quel
poids doit être cette considération mo-
rale dans la balance de la justice : je
m'en rapporte à votre sagesse ».
' Enfin le tribunal prononça le Juge-
ment suivant.
<c Vu la déclaration unanii^e des ju-
rés , portant : x**. qu'il est constant que
le i5 du présent mois de juillet , entre
DE Charlotte Corday. 77
les sept et huit heures du soir , Jean-
Paul Marat, député à la convention
nationale , a été assassiné chez lui dans
son bain , d'un coup de couteau dans le
sein , duquel coup il est décédé à l'ins-
tant.
* 2^. Que Marie-Anne-Charlotl»
Corday, ci-devant êiArmans, âgée
de vingt-cinq ans, fille de Jacques-
François Corday, ci-devant d'Armans ,
ex-noble et habitante de Caen , dépar-
tement du Calvados , est Fauteur de cet
assassinat.
» 30. Qu'elle Ta fait avec prémédi-
tation ^ des intentions criminelles et
contre-révolutionnaires.
» Condamne Marie- Anne- Char^
lotte Corday à la peine de mort ; or-
donne qu'elle sera conduite au lieu de
l'exécution revêtue d'une chemise rou-
ge , que ses biens resteront acquis à la
république , et que le présent jugement
•era, à la diligence de l'accusateur pu-
78 Supplice
bile y mis à exécution isur la place de lai
Révolution ».
Pendant k ptononcé de ce jUge-
^ment, tous les regards «'étoient fixés
sur Charlotte Cordity , et sembloient
chercher si 4e cahne imperturbable
qu'elle avoit ^npntré dans les débats du
procès, se démentiroit à Tidée d'un
supplice certain et iné\rît(ible. Vaine
attente ! Cette femme , aussi extraordi*
jxaire dans son crime qu^ dans sa con"
tenance courageuse, ne parvrt pas un
instant émue , ni de larrêt terrible qui
la dévt)uoit à Téclia&rad \ ni dn silence
glaçant qui lenvironnoit , ni de cette
espèce de respect religieux qui accom*
pagnoit encore les décisions sanglantes
de la justice. La pljiis profonde sérénité
resta gravée sur son front pendant ces
instans où le courage le plus inébranla-
ble est forcé de cédsr aux émotions de
la nature.
Il lui restoit cepondaut uneépreiava
DE Charlotte Corday. 75
à essuyer , épr^^^kve i«ui<mts cnneU^
pour les ame$ s^usibtes^ .«'étoit le ibo«
ment ou le juge^Mot étant prononcé ^
eUe devoit onten^re ,soa arrêt de iBort
couvert des applaydissemei;is4« k iBttlr
Utude ,«et S4 .mémoîs^ âétrie par l'i^di^
gnation publique. Mais cette épreuve
iv'eut pas plus.que la première , le pau«
yoir de Tarracliter à «on caluie inalté-/
rable ; elle soutint les applaudisseipen^
qfX^ Ion donnoU de tou4^s pfu^ts a Far^
rét de son supplice , avec 1« même sging
£roid , «t Ton peut dire qu'elle Moit
peut-être la seule qui ,. 4aïi? cet insirap4;
où toytesles âmes se livroient^ desômt
pcessippil forces « .a-^pro^v^t que les
«entimens doux et c^^me^s ^ ^ne nature
libre de toute «^èce d al«rm^s 6t.plon<*
gée <lans la plus proWdo sécurité*
Quand elle put se fiiîre entendre., elia
adres$a la parole à son défeaseur , et lui
parla en ces termes':
1 % YousiS afSA£ .défendue d'une ma-
8o S V PTt,t<i1S.
mère délicate el généreuse ; cétok la
seule qui pAt me conreiûr : je vous en
remercie ; elle m'a ftfe arqîr pour vous
une estime doitt*<je Veux vous donner
tinepreuve« Ces-Messieurs viennent de
m'appreftdfequemes biens sont confis*
qués ; )e ddis quelque éhosle à la prison ;
je vous ckarge d'acquitter cette dette».
Immédiatement après, elle fat re-
conduite en prison.
Un confesseur s'étant présenté à elle :
— Remerciez , lui dit-ellé , de leur at-
tention pour moi les personnes qui vous
ont envoyé , je n ai pas besoin de votre
ministère. ' '
Quand le bourreau entra dans sa prî-»
son pour la préparer au supplice , elle
écrivoît la lettre suivante •, qu'elle lui
demanda la permission de 'finir et de
cacheter. :
« A Doulcet-Pontecoulant.
» DouIcet-Ponte<u>^ttbHit^t un Ikthê
DE Charlotte Cordât. 8i
d'avoir refusé de me défendre , lorsque
la dhosé étoit si facile : celui qui Ta fait
s'en est acquitté arec toute la dignité
possible ; je lui en conserverai ma re-
Gonnoissance jusqu'au dernier moment.
Charlotte Corday ».
' L'heure de son supplice appela , sur
les places et dans les rues où elle "de-
vôit passer, une foule immense,; les
détails que l'on se donnoit par tout sur
. son courage , sur sa beauté , sui^ sa con-
tenance pendant riïistruction du pro-
cès, rendoient l'empressement du pu-
blic bien plus vif, et l'attente bien plus
longue. Enfin , vers les sept heures et
demie du soir, on la vitparoitrë dans
la charrette funéraire , non pas comme
tm criminel qui porte la honte de ses
remords sur son front , ou qui s'efforce
de braver les regards de la multitude ,
mais telle qu*elle s'étoit montrée au tri-
bunal, calme, impassible, et plongée
8a SXJ¥PLIC~E
dcui&la plus parfaite traELq^uUiiié- Sa iét$
étoit haiite sans fierté , ses regards Ubree
5ans dédain, ses traits expres^iâ «t «nir
mes «ans contrainte y ^ contenance
étoit ferme et décidée : la cl^çinisç
rouge , si liideuse et si défavorable par
elie-Miéme , sembloit relever encore
ses cliannes naturels : ,ejle av43it * ^ne
coiffure et une robe très^simple. Ayant
de la voir , Fidée de son crime la pei»
gnoit à Fimagination audacieuse et di£-
Jfonne j quand on la voyoit , c'étoît un
autie sentiment qi^i pénétroit lame;
on ne ,pouvoit la contempler sans surr
prise , et san3 éprouver cette^jkié qui
fai^oit viveiaent regretter que tant d^»
jcliarmes , tant de courage devinssent
Ja proie de Téchafaud.
. Ceux qui Font suivîç depui^Je Palais
jusque sur la place de la Révolution ,
et qui Font observée jusque soÙ5 le fer
tranchant , attestent qu e}le ne s'est pas
démentie un momçnt , et qu elle a reçu
i>E Charlotte "Cor DAY. 8j
le cowp de la mort avec le même sang
froid.
Quand le fatal couteau eut tranché
sa tête , tin nommé Legros , l'ayant sai-
sie pour la montrer au peuple , lui don-
fta plusieurs soûfHets : cet acte de lâ-
cheté fit murmurer le peuple ; dénoncé
au tribtmal de police, il fut pmii.
Apothéose dé Marat , ee sot? juge-
ment an tribtmal de V opinion pu-
hliçue*
.Om s'étonne souvent d« llneons-
Itfice qui est attachée à là célébrité qu9
donne la faveur populaire \ on auroit
bien moins sujet d en étr» surpris sr
Ton voidoit ré€échir que presque toù-»
jours cette célébrité n'est achetée qu an
prix de la vertu. Si l'histoire nous pré-
sènt« tant dé che& de paii:i passant ra-
pidement de la gloire à 1 opprobre , de-
84 Apothsosb
la prospérité à Fécliafaud, c*edt que ces
hommes , après avoir servilement flatté
les passions de la multitude pour servir
leurs propres intérêts, ont fuû par faire
hcgreur à ceux même dont ils étcûent
les idoles ; tant il est vrai qu il n'y a que
le mérite réel qui puisse résister vîcto*
rieusement à Finstâbilité dès sentimens
humains , et emporter Testime publi-
que jusque dans le sein des plus pro-
fonds revers!
La renommée d'un chef de parti est
nécessairement bornée à sa faction, au
court espace de temps où elle triomphe.
Soit qu'une* autre faction l'emporte et
succède à la première, soit que le régne
des lois: et de la justice devienne le
terme de Unt d agitation , la célébrité
d'uachef de parti s'évanouit , l'cnthou-
siasme populaire ne le soutient plus , et
la difformité la plus hideuse succède
souveBt au brillant éclat dont il avoit
su s'envelopper.
Quel
D E M A R A T. 85;
Quel e$t mainteiiant en France Thom-
me assez vil qUi voudroit s'avouev pu-
bliqueiQent le partisan de Marac?, ce-
pendant fat-il jamais iœppsteur plus
célèbre? Jetons un coup d'œil sur ce%
)oiiTS de £rénésîe et d'égarement : si 1««
£sdts qui en rappelleront le souvenir sont
afBigeans , du moins il en ressortira une
vérité confiante pour Tliumanité ^ c'est
que Terreur qui accorde k des scélérate
la récompense qui nlest due^quà la
Tertu ne peut durer longtemps ; que
Topprobre s'attache tôt ou tard à leur
inémioire ; que dépouillés de leur puis-
sance y ils tombent dans Tinfamie ^ et
qu après quelquefrinstans d'illusion^ ils
restent à jamais voués à la malédiction
de leurs semblables.
Nous avons déjà dit un. mot dq cette
explosion de regrets qui se manîEesta
dans Paris quand on apprit la mort de
Maraty il nous reste. à racontes à quel
point de délire fut porté cet eùûiou-:
Tome IIL H
86 Apothéosï
sûtsine qui , s élevant par degrés , finît
par tdire un dieu de ce scélérat : coin-'
me si on eût réellement eu le projet de
Êitre de^sa doctrine sanguinaire' la mo-
rale du peuple français , et de la na-
tion la plus douce et k plus pfSlie de
l'univers, un peuple dantropopliages ,
Fliorreur et fefftoi de Fliumanité.
' Quelques instans étoient à peine
Aeoulés depuis la mort de Maraù, que'
déjà les marâtres songeoient à donner
aux funérailles de leur chef lappareil
k» plus imposant': comme son domîtile
n« pouvoit suffire à la foule curieuse
^i s empressoit de toutes parts pour le
voir , il fut décidé que son corps seroir
embaumé , «t transporté dons Téglise
des Gordeliers. *
Le 1 5 au matin , en effet , le corps de
Marai se trouva exposé dans cette
église ; elle étoit- entiérementt tendue
aux trois couleurs. Au milieu de la nef,
«'élevoit un lit triompliaî , entonré de
- D E AI A R A T. 87
cyprès , portant cette inscription ^ ~-
Marai l'ami du peuple , u^sassinè
par les ennemis du peuple ; -ennemie
de la patrie modérez votre joie ; il
fiura des vengeurs. Une foule im-
mense se préscjita pour contempler 9M
traits ; mais ils étoient entièrement dé-
figurés \ soa cadavre fai^oît horreur.
Le même jour , vers les six heures
du soir , on fit ses funérailles : il seroit
difficile de peindie le ton de solennité
que Ton mit à ce convoi. S'il eut été
possible d'imaginer que c'étoit aux
cendces d'un bienfaiteur de Thumanité
que Ton reiidoit tous ces honneurs^
Vame la plus endurcie auroit été attris-
tée et profondément émue de tout cçt
appareil lugubre ; de temps en temps
les sons les plus plaintifs fendoient les
airs , et portoient la tristesse dans les
coeurs. Un silence morne régnoit au-
tour du cadavre qa escortoit une force
armée considérable ; là étoient la re«
H %
88 Apotheosb
présentàlion nationale , les autorités
constituées y des groupes nombreux
4e femmes y d'enfans et de jeunes fîlies,
dont le rôle de voit être de peindre la
douleur. Bientôt le cortège ne mar*
cha qu^À la lueur des*flambeaux, on
droit eomposé dâs airs et des paroles
lugubres ; des milliers de voix qu*ani-
xnoient la vengeance et le fanatisme ré«
YOlutionnaire succédoient aux accens
plaintifs de la musique ;-— mais au mi*
lieu de toute cette pompe on apperce-
Voit le corps de Maraty et toute lil»
lusion s*évanouissoit : on ne Toyoit
plus dans cet appareil qu'extraragAnce,
que ridicule, qu'hypocrisie, ou plu-
tôt on n'y voyoît que le présage af-
freux des maux dont la faction dé-
vouée à Matât devoit bientôt couvrir
la France. ^
Après une marche longue et souvent
interrompue par des orateurs qui , à
clwque station , venoient payer un tri-
» E M A R A ^. 8cjf
tïut d'éloges à lamî du peuple, le cor^- .
tége se rendit dans la cour des Gorde-»
liers. La veille de la cérémonie une dé-
putation du club deâ Gordeliers , étoit
venue à la mnnîcipalifé pour deman-
der à être autorisée do faire une péti-
tion à la convention nationale à FefFet
d'obtenir dell» les honneurs du Pan-
théon pour le grand homme que pleu-
roiei^t les patriotes ; mais Ghaumette ,
procureur de la commune , quoique
membre de la société des Gordeliers,
•'étoit opposé à cette proposition.
m Laissons , s^étoit-iL écrié , les ci-de^
vant nobles reposer dans les temples
superbes , laissoiis-»leur ces Panlhéons
4ompiueux : aux sanS'^uioies seuls
appartient le temple de la nature^
Je requiers qu une pierre , une pierre
brute , soit placée sur le tombeau à»
M or au, avec cette inscription ample :
— Ici reposé l'ami de la» patrie /
QO ApoTiïiosx
assassiné par le^ ennemis de iapa^
(rie ». ^ -
Le plan duL ton^bawi proposé par
C3iauii»ett« avoit été aiiopté; la (con-
vention avoét décrété en outre que le
corps de Maratjsçr<Àt^èçt^k sous les
arbres <|in étoieat dans le cloître des
Cordeliers. C'est donc, dans, cet asyle ,
jadis consacré à recueillir les cendres
de la piété modeste et religieuse , que
furent transférés les restes de Maràt^
Un morceau de la pks belle et de la
plus touchante musique fat clianté sut*
•sa toiiibe ; mille cris de A^i^e la répu^
Viîque! Viv^e la inontagne! se 4îrônt
entendre \ et ctsst ainsi que se^erinin£i
cette oéipéiku^e où foft déplayée Fiiy -^
pocrisie la pliais profonde , et la pjius
O^q^able àa prolonger régarement fa*
fteste de la multitude.
On croirait que c'en étoit assez pour
^gloire à»yMwA$; mai^ ifi«qu*aà wt»
D E^ M A R A T. Qr
Ta pas le délire' des factîoas dans le^
moyens 4{u'elles emploient pour a££er-
IBÎr leur odieuse puissance ! la société
dos €ordelier& imagina de rendre de»
honneurs particuliers au cœur de Ma^
rat; «n conséquence un second mou-
vement fut imprimé ; on chercha ,
dons le ci-devant garde-meuble de la
couronne, Turne la plus riche et la
plus précieuse ; toutes les autorités cons-
tituées furent invitées à cette nouvelle
cérémonie , dont le jour fut fixé au
a8 juillet,
Ko us croyons devoir citer ici, comme
un monument de la plus étonnante fo-
lie qui fut jamais, un morceau d'un
discours qu'un orateur avoit préparé
pour cette f^te , et dont il fit part la
veille à la société des Cordeliers. C©
discours avoit pour épigraphe ces
mots ; à cor Jésus ! 6 cor Marat !
cœur de Jésus ! coeur de Manu i
t^ ApoTHcasÉ
Yous arez les mêmes âtoits à nos hom-
mages ; L'orateur y comparoît les tra-
vaux du fils de Marie avec ceux de
Tami du peuple ; lés ap6tres de Jifa-
rat étoient les. jacobins et les corde-
liers; les publicains étoient leis bouti-
quiers , et les pharisiens étoient lèâ aris-
tocrates. — Jésus étoit un prophète ,
ajoutoit Forateur ,* Marat est im dieu:
— et , poussant plus loin la ressem-
blance , il finissoit par comparer la
compagne de Marat , à la mère de Jé-
sus. — Celle-cï a sauvé Fenfant Jésus en
Egypte, lautre a soustrait Marat bm
glaive de Lafayette , etc.
^ Ce discours, quoique couvert dejs
applaudis^semens de rassemblée , trou-
va cependant un contradicteur. Sur-
pris du parallèle , le membre qui s*étoit
élevé contre , dit que Marat n'étoit
point fait pour être comparé avec Jé-
sus; car cet homme fit naître là su-i
19 E M A R A T. 9?
perstîtion , il défendit les rois , et Ma-
tât eut le couf^ge de les écraser. — ^
Une faut jamais parier de ce Jésus ,
dit-il enHn , ce sont des sottises ; les
républicains n'ont d autre dieu que la
pliilosophie et la liberté.
L'apotliéo&e du cœur de Marat s'e-
xécuta le 28 juillet , Comme on Tavoît
annoncée. Robespierre et les princir
paux membres de la montagne y assis-
tèrent : c'étoit le temps des bonnets
rouges ; tout le cortège en étoit décoré;
des femmes même en avoient relevé
leur coiffure : rien ne fut oublié de ce
qui devoît donner à cette cérémonie
lappareildu délire et de l'extravagance.
Enfin le cœur de Marat fut suspendu
à la voûte de la salle où le club des cor-
deliers tenoît ses séances. A laspect de
l'urne «acrée , un orateur s'écria d'un
ton inspiré : r— Restes précieux d'un
dieu , serons-nous donc parjures à tes
94 A P O T H £ O s B
mânes ? tu nous demandes veng^ancet
tes assassins triomphem; encore ! réveil-
lez-vous , cordeliers , il est temps, cou^
rons venger Marat , courons essuyer
tes larmes de la France.
Après un pareil exemple donné dan^
le sein d'une ville comme Paris ^ il
est facile d'imaginer avec quel em«*
pressement les inaratistes dispersés dans
le reste de la France , rimitèrent. Nous
ne ferons pas ici le triste récit des fo-
lies qui eurent lieu à ce sujet ; c est un.
des coins le plus lildeux de la révolu^
%ion ; on rougit d'y songer ; presque
par tout on lit im dieu du plus vil des
scélérats. Jamms en^travagance humaiT
ne n a voit atteint un période aussi af-
fligeant et aussi honteux ; et ce qu il y
«voit de plus déplorable encore , c'e^
que par tout , où les images de Mix^
rat étoient promenées et déifiées , on
voyoit ses adorateurs ^ semUables aux
m/ 5
u K M A R A r. g5
pré|re9 da dieu Theutatès , ne respirer
que sang «t carnage , comme si leur
dieu ne put être appaisé que par de»
cacrifices d'hommes.
n restoit un dernier triomphe à ofcte-
i6x ^ux maratistes en Faveur de leur
idole, c^étoit de faire rendre tm décret
qui excepter oit Màraf de la loi por-
tant qu'un grand homme ne pourroît
cire déposé au Paûthéon qu'après un
intervalle de dix années. Les jacobine
se chargèrent de solliciter Fexception ,
et comme rien ne résistait alors à leur
intervention toute-puissante , ils Fob^
tinrent.
Le 9 thermidor qui arriva sur ces
exitre&Ites y en renversant les chefs des
maratistes , n'empêclia pas Texécution
cla décret. Marai fut donc porté au
Panthéon. Quelques jours auparavant,
la terreur auroit rassemblé autour dti
.cortège unef ouïe immense de vils cour-
'•^6 àpothéoss
tisans et toute la horde des cannibales
attachés au régime révolutionnaire ;
anais le 9 thermidor avoit dissipé ou
glacé tous ces instrumens de la t3rran-
nie. Le cortège marcha au Panthéon ,
£Y>id y abandonné et d'un pas extréme-
nient rapide ; ceux que leurs fonctions
forçoient de s y trouver, semhloient
rougir de se prêter à cette dernière ex-
travagance : pour grossir le concours ,
on avoit été obligé d y déployer quel-
ques milliers de jettnes soldats que Ton
exerçoit dans la plaine des SahionB : sans
cet accessoire et la joie bruyante de
quelques jacobins qui s ef^rçoient d'ex-
primer leur enthousiasme par des chan-
sons auxquelles personne ne répondoit ,
rinauguration de Marat au Panthéon
n auroit été qu'une cérémonie froide
et dont on se seroit à peine appercu ,
tant le mépris qu mspiroit le nom de
cel imposteur étoit profond et général.
Ce
Ce jouf tbuchoît , en M€t ^ au der^
toLierdela gloiœ de Marmi \ elle lenek
eacôée à f I iiAxience de quoique» hoa^
mes que Topintofi pubUque et leui^
4[^iDes preiioîent de raÀrer daiBs le
néant \ avec k perte d^p leur puiieancf^
disparut h, célébrité de ce monstre*
Bientôt , ses images , son tombeau ^ e«
trophées devkureiit Tobjet de Tbonreut
«t de rexéeiiatîon publiques. Aux ebéi-
tres ) son buste fut renrevsé et foulé "
aux 'pieds ; ce quVn f4soit dans les
spectacles , on le répétoit à lenvi dans
toutes les rues et dans tous les qoartieni
de Paris; la place du Gavous^ lut ^n
même temps àéhlaféit d'un mausolée
que lui av^it éle«é la terreur.
Tous ces événemens avertissoieul la
convention nationale qu ti étoit temps
enfin de rendre hoiîimage à la raisbn
publique , en rapportant le décret qui
«voit ordonné Tinauguration de ht ara fi
Tome IIL I
^8 Ayothiëo'si:
au Pantliéoa ; les débats qui eurent
Ëeu à cette asseulblée , lorsqu'on en -fit
la proposîfioa , prouv!èrent que le ma-
ratîsnie y aroit e9c0re.de Adelles parti-
sans ;maisléI>on s^nsetla justice triom-
phèrent , le' rapport du décret futpro-
jQoncé y et Màràj^ fut livré .feout entier
àTopprobre; •
Ainsi se termina' la ûiléhrité-de cet
imposteur dçntle nounpassera à la pos-
térité cliargé d'infamie t et deviendra
une injure |K>ur les scélérats même.
]M!alheur à .la . France $iijamais ce nom
exécrable servoit de ralliement à quel-
que parti, . il annonceroit le retour du
'régime de sang qui a creusé tant de
tombeaux à Tinnocisnce ; sous les en-
seignes de Marat^ on verroi^ encore
. se réunir Tignorance stupide et farou-
^ clie , la cupidité rampante et cruelle ,
comme un égout qui traîne après lui
toutes leâ inmiondices. Puisse Texpé-
D E M A R A T. 99
rience funeste et terrible du passé gré-
server la France d'un pareil malheur !
puisse sur tout la justice vengeresse des
forfaits , attacher le sceau dé Finfamie
à quiconque voudroit rendre à l'hon-
neur un nom qui a souillé les annales
de Fhistoire de la nation française d'un
opprobre ineffaçable.
Fin du troisième e£ dernier Tome.
TABLE
Dt^6 matières contenues dans
cet ouvrage.
TQME PREMIER-
Précis kisàari^ue de t» vm et des
» crimes de Robespierre , p« i
TOME IL
Précis hisùoriçue de Uf, vie et des
crimes de Cou thon , p, 3
Précis historié^ue de la vie et des
crim^es de Saint^ust, aS
Précis historienne des crimes de
Payan y agent national de la
couunune y 44
J^ é émils historiques sur la vie et
les crimes d'Henriot , ccfn-*
mandant général de Paris ^ 7a
Nolice historiijue des crimes de
Dumas , président du , tribunal
révolutionnaire , p. gS;
Tableau des crim^es de Fleuriot^
Lescot, maire dé Paris , i oo
Notice sur les crimes de Coffin-
hal , président du tribunal ré-
volutionnaire, iio
Qiiel{ptes réfieitions sur Robes-
pierre et ses agens , ri 5
TOME III.
Les criihes de Mafat , p. 3
Procès et supplice de Charlotte
Corday , %5
Apothéose de Maraty et son ju-
gemment au tribunal de Vopinîori ^
publique, 83
De llmpriiùede de DELASTCE , tbe
"y de' la Harpe , IST^^ i33.
Extrait du Catalogue des lwre$
qui se trouvent chez Des Essarts»
fuibraire, rue du Théâtre Fran-*
çaisjf N"-9^ «u coin de la Place»
Œuvres morales et galantes de
Duclos , de rAcadéinie Française , 4
vol. ï/i-8^. brochés ; prix ,' pap. ord*
10 liv. . et pap. vél. 18 liv.
Cette édition qui était désirée depuis
long-temps , est aussi soignée que cor-
recte. Elle mérite d'être placée dans
la bibliothèque d'un homme de goût.
Tous les ouvrages qui la composent
ont eu le plus grand succès.
(Euvres de Racine , 3 v. /««S^. ,
édit^ sur pap. com.*, 5 Uv. br.
(Encres coTnplê^es de Gilbert ^
jeune Poëte , dont la mort a été si tra-
gique, 1 vol. ï/z-8'\ avec le portrait de
r Auteur , seconde édition, a liv. 10 s»
r
papier ordinaire , et 5 Kr. papier vélin ,
kiraché.
Procès fameux fugés aPant et de^
fniis la RéPt>hi^àn ^ contenait les
eirconstancesr tjuî owt wccoiiïpagné la
condamnation et le supplice des grands
criminels et des victimes qui ont péri
«ur réchaFaud , i5 vol. /«-la ; prix,
aB Kv.
Candide pn V Optimisme , roman
de Voltaire , belle édit. 17^18 , avec
Èg. , imprimée en caractères de Didot ;
prix , pap. cfrd. 36 sous , et 3 liv. papier
vél. br.
Voyage dans la Grèce. , du Jeune
AnacharsiSy 7 vol, in^^^, , avec atlas >
br. ; prix , S6 liv.
Histoire Fhilosqpkiçue , par Ray-
tiaî , 10 vol. în-^.y ayec atlas , br. ,
40 liv.
Abrège de la Grammaire Fran^-
çaise de Restant, jViAjprix, 18 s. or»
Dicno»nairede VacuiémiefraTh*
çaise , dernière édition in-i^, > 2 v, j
|»rix , ay liv. rel.
. ïd, in-folio , % voL , 3o Kr.
Bibliothèque orientale de d'Her*
helùt, nouvelle édition , 6 vol, i/t-8^. ;
prix , â4 liv. rel.
Choix des causes célèbres , i5 r«
iit^\^ ; prix , 3o lîv. br.
jbiceîonnaire universel de policé^
8 vol. »»-4*^. ; prix, 40 liv. br. ^
Entretiens d'un père avec ses en-'
fans sur V histoire naturelle > conte-
nant les connoissances élémentaires les
plus curieuses et les plus utiles de cette
science dans ^es rapports avec le bon-
heur de Thomine en société , 4 volumes
in-i^ y dont trois de discotirs et un de
planches , sur lesquelles sont gravés
environ cinq cents sujets d^histoirena?
tureUe. Prix, 12 livres pour Paris, et
i5 livres pour lea dé^«rteinen$ , francs
de port.
On a tiré quelques exemplaires en
papier vélin de cet ouvrage , *« - 8^. ,
4 vol. ; prix, 5o livres pour Paris > et
33 liv. pour les départeinens , franco;
de port.
Cet ouvrage , utile et indispensable
à tous les instituteurs et à tous les pères
de famille , est sous presse. Il paraîtra
dans peu.
Clarisse , 10 vol. in - 8^. , trad. de-
Létoùrneur, édit, originale avecfig. ,
rel. , 5o Uv.
Id. br. , 40 liv.
Id, in-iS , 11 vol. , édit. de Oirin ,
rel. d. s. tr. , 33 liv.
Œuvres complètes de Mahly , 12
vol. m-8^. br. ,48 liv.
Id. >».i8 , a4 vol. br. , 36 liv.
Dictionnaire français et anglais^
par Boyer, 2 vol. ït^-S'. rel. , i81iv.
Lettres de madame de Sévigné ,
9 vol. petit in-iz rel. , 27 liv.
Le Moine, roman nouveau traduit
de l'anglais, 4 vol. in-iQ avec HgureSi
4 liv. br.
Le Moniteur complet, avec Y In-
troduction , i5 vol. grand in-folio
rel. , 5oo liv.
Théâtre de Voltaire^ 9 vol. ï/j-8^.
rel. , 27 liv.
Les Ruines, par Volncy , 1 volume
inS°. avec fig. , br. , 5 liv.
Plusieurs éditions complètes des Œu-
vres de Voltaire, de J.-J. Rousseau,
dlielvétius , de Montesq^uieu , etc.
.7
^^MO
ÔCl ;-5 im
r